Voici une décision peu ordinaire rendue par la Cour de Cassation (Cass. Soc. 18 janvier 2017 n°15-21802).
Dans cette affaire, le salarié de la compagnie Air France bénéficiait, dans le cadre de son contrat de travail, de billets d’avion soumis à restrictions non commerciales, autrement appelé « billets GP ». Il est apparu qu’au cours d’un vol, le salarié-passager s’était montré particulièrement indélicat au point que le commandant de bord en a fait état dans un rapport à la compagnie. Ce rapport relatait le comportement inapproprié du passager, notamment son état de forte alcoolémie, son attitude bruyante provoquant les plaintes des autres passagers et sa tentative de se livrer à des attouchements sur une hôtesse.
Suite à ces faits, la compagnie a décidé d’interdire à son salarié pendant 18 mois son droit d’accès à des billets de transport sur ses lignes.
Le salarié a alors saisi en référé la juridiction prud’homale au motif que cette interdiction de vol constituerait une sanction disciplinaire pécuniaire interdite en droit du travail.
Les premiers juges, approuvés par la Cour de Cassation, ont refusé de faire droit aux demandes du salarié de suspension de cette mesure.
En effet, quand bien même l’accès à de tels billets d’avion constituerait un avantage réservé aux salariés et aux retraités de la compagnie ainsi qu’à leurs ayants-droit au titre de la convention d’entreprise, le salarié bénéficie de cet avantage selon les conditions propres à son emploi (ancienneté, etc.) mais également selon les conditions issues du contrat de transport.
La haute juridiction approuve ainsi la Cour d’appel d’avoir constaté qu’en application du contrat de transport, la compagnie pouvait refuser à tout passager, y compris à un de ses salariés, de voyager ultérieurement sur ses lignes dès lors qu’il avait eu un comportement inapproprié à bord.
En l’espèce, la Cour avait pris soin de relever que le comportement du salarié constituait bien un comportement inadapté tel que défini par la compagnie à savoir « lorsque par son comportement à bord, il met en danger l'appareil, une personne ou des biens ou qu'il empêche l'équipage de remplir ses fonctions ou qu'il ne se soumet pas aux recommandations et instructions de l'équipage, notamment si celles-ci concernent l'usage du tabac, de l'alcool ou de la drogue ou encore qu'il se conduise d'une manière qui entraîne ou peut entraîner, pour les autres passagers, pour l'équipage, une gêne à leur confort ou leur commodité, un dommage ou une blessure ».
La Cour en avait déduit que la mesure prise par la compagnie ne constituait pas une sanction pécuniaire interdire par l’article L.1331-1 du code du travail.
La compagnie aérienne pouvait ainsi valablement refuser à son salarié des voyages ultérieurs, sur le seul fondement des dispositions du contrat de transport, comme elle pourrait le faire à l’égard de tout passager.
Ce faisant, la haute juridiction valide ainsi la possibilité pour une compagnie aérienne de refuser à bord un passager, pendant un temps limité, en raison de son comportement inapproprié au cours d’un voyage.
V.A.