La solution dégagée par la Cour d’appel de Paris (Paris, 5 juin 2018, n°16/10684) a l’effet d’une bombe.
Il a déjà été fait état dans ce blog du risque que pouvait prendre certains locataires indélicats décidés à sous-louer leur logement sans l’accord de leur bailleur via des plateformes de type Airbnb.
Certains tribunaux parisiens avaient en effet pu se montrer plutôt sévères dans quelques affaires en résiliant le bail aux torts du locataire (voir par exemple : https://www.legavox.fr/blog/maitre-valerie-augros/sous-location-meubles-touristiques-internet-21529.htm).
La décision rapportée ici va encore plus loin.
La cour confirme tout d’abord sans surprise la validité du congé pour reprise notifié aux locataires par le bailleur.
Mais le point captivant de la décision de la cour réside assurément dans le fondement retenu qui a été développé en appel par le bailleur. Ce dernier réclamait en effet pour la réparation de son préjudice le versement de tous les loyers issus de la sous-location irrégulière en invoquant les articles 546 et 547 du code civil relatifs au droit d’accession.
En bref, selon ces dispositions le propriétaire d’un bien est en droit de devenir propriétaire de la chose accessoire que ce bien produit ou qui s’y unit. Le propriétaire a ainsi droit aux fruits civils du bien en question.
En effet pour la cour, le contrat de bail initial ne prévoit pas que les locataires puissent eux-mêmes faire produire et conserver les nouveaux fruits civils issus de sous-location, en l’absence de tout consentement du bailleur. Faute donc de toute stipulation, les fruits ainsi procurés doivent revenir au propriétaire par accession, en vertu de son droit de propriété.
C’est dans ces conditions que les locataires ont été condamnés à reverser au bailleur la somme de 27,295 euros pour les sous-locations intervenues via Airbnb entre 2013 et 2015 !
La solution est plutôt rude pour les locataires…
Elle peut néanmoins se justifier par le fait que le locataire qui sous-loue son logement, qui plus est sans autorisation, ne peut percevoir de loyers excédant le loyer principal. Or en pratique, ces sous-locations de courte durée, à des fins touristiques, génèrent des loyers plus élevés que ceux dans la location traditionnelle de longue durée.
Dans l’attente d’un hypothétique pourvoi en cassation contre la décision de la cour, il est fort à parier que certains bailleurs vont trouver un intérêt certain à cette solution, ayant désormais le choix entre poursuivre la plateforme pour solliciter des dommages et intérêts (https://www.legavox.fr/blog/maitre-valerie-augros/sous-location-meubles-tourisme-plateformes-24833.htm) ou bien récupérer les fruits civils représentés par les loyers des sous-locations irrégulières.
De quoi peut-être mettre un frein aux locations touristiques sans avoir à passer par des permis de louer et autres restrictions administratives pour circonscrire le phénomène « Airbnb » !
Affaire à suivre…
V.A.