L’arrêt rendu le 11 décembre 2019 par la Cour de Cassation va sans aucun doute marquer les esprits (Cass. Civ. 1, 11 décembre 2019, n°1-13840), puisque le revirement qu’il opère est de nature à modifier en profondeur le régime de responsabilité de la SNCF.
Dans cette affaire, la passagère d’un train bondé reliant Nice à Cagnes-sur-Mer a été blessée au pouce gauche par la fermeture d’une porte automatique du wagon. Il convient de noter qu’elle circulait à bord avec un titre de transport. Ayant formé une demande d’indemnisation, les premiers juges ont retenu la responsabilité de la SNCF au vu de la jurisprudence applicable jusqu’à présent, à savoir que le transporteur ferroviaire est tenu d’une obligation de sécurité de résultat vis-à-vis des ses passagers et ne peut s’exonérer de sa responsabilité qu’en cas de faute de la victime, laquelle doit présenter les caractères de la force majeure. La cour de cassation rappelle ainsi son ancienne jurisprudence (Civ. 1, 13 mars 2008, n° 05-12.551 ; Ch. mixte, 28 novembre 2008, n° 06-12.307). En pratique, il était donc difficile pour le transporteur de parvenir à s’exonérer de sa responsabilité.
Mais voilà : le transporteur a soulevé devant la cour l’application d’un règlement européen. Il s’agit du règlement (CE) n° 1371/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires. Ce règlement s’applique aux voyages et services ferroviaires pour lesquels une entreprise doit avoir obtenu une licence conformément à la directive 2012/34/UE du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen et qui sont fournis après son entrée en vigueur, soit depuis le 4 décembre 2009. Il prévoit notamment en matière de responsabilité que le transporteur ferroviaire peut s’exonérer de sa responsabilité envers le voyageur lorsque l’accident est dû à une faute de celui-ci, sans préjudice de l’application du droit national en ce qu’il accorde une indemnisation plus favorable des chefs de préjudices subis par la victime.
La haute juridiction en a déduit qu’elle devait modifier sa jurisprudence pour respecter les dispositions découlant du règlement précité.
En conséquence, elle a décidé de casser la décision de fond qui avait reconnu la pleine responsabilité de la SNCF.
Désormais, la faute simple du passager pourra être admise pour exonérer la responsabilité du transporteur ferroviaire.
V.A.