Cour d’appel de Paris – 29 mai 2012 (Pôle 2, Chambre 7)
Le droit civil français pose un certain nombre de règles afin d’assurer la protection effective de ceux qui ne peuvent pourvoir seuls à leurs intérêts, en raison d’une altération de leurs facultés intellectuelles. Ces mesures de protection juridique visent tant la personne elle-même (les questions relatives notamment à son logement, à sa santé, à la réception de son courrier) que ses intérêts patrimoniaux (la gestion de ses revenus, de ses dépenses). Dans tous les cas, c’est l’intérêt de la personne à protéger qui doit guider la mise en place d’une mesure de protection et son organisation. Un des éléments importants de cette protection réside dans le choix du curateur ou du tuteur, un choix encadré par l’article 449 du Code civil.
Il résulte de ce texte qu’à défaut de désignation anticipée faite par la personne à protéger dans le cadre d’un mandat de protection future, « le juge désigne un parent, un allié ou une personne résidant avec le majeur protégé ou entrenant avec lui des liens étroits et stables », l’alinéa trois de l’article précisant que le juge doit prendre en considération les sentiments exprimés par le majeur protégé, ses relations habituelles ainsi que leur sincérité. Ces dispositions résultent de façon claire de la nécessaire prise en compte des intérêts de la personne protégée ou à protéger. Cependant, il est des situations où l’intérêt même de la personne à protéger nécessite de déroger à cette règle en nommant un curateur ou un tuteur professionnel dénommé mandataire judiciaire à la protection des majeurs (M.J.P.M). Cette nomination peut parfois se faire contre la volonté de la personne protégée, comme l’illustre l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 29 mai 2012. Dans le cas présent, le Juge des tutelles avait ordonné la mise sous curatelle puis sous tutelle d’une personne souffrant de la maladie d’Alzheimer, et désigné un M.J.P.M. La personne protégée et son fils s’opposèrent à cette décision, demandant tous deux en appel à ce que le fils fût nommé tuteur. Cependant, malgré les liens forts unissant manifestement la mère et son fils, la Cour d’appel de Paris, sans remettre en cause la sincérité de ces liens, a confirmé la décision du Juge des tutelles. En dépit de la volonté exprimée par la personne protégée, la Cour d’appel a donc confirmé la désignation d’un tuteur extérieur au cercle familial. Pourquoi une telle solution ? En l’espèce, les juges ont constaté l’existence d’un conflit au sein de la famille entre le fils et ses propres enfants, et mis en évidence des transferts d’argent entre la mère et son fils, consécutifs aux difficultés économiques de ce dernier non résolues au jour de l’audience, susceptibles de mettre en péril la situation financière de la personne protégée. Les juges de la Cour d’appel ont ainsi considéré que la volonté exprimée par la personne protégée n’était pas conforme à son intérêt, dont elle n’avait pas conscience. Dès lors, si le juge doit prendre en compte les souhaits exprimés par le majeur protégé, il peut contourner cette intention si la protection de la personne et les circonstances de fait l’imposent objectivement.
Notre conseil : dans le cadre de la mise en place d’une mesure de protection juridique, veillez à conserver l’ensemble des justificatifs des mouvements financiers avec la personne protégée pour établir votre probité, ces flux devant être dûment causés et ne porter en aucun cas préjudice à la personne protégée.
Valéry MONTOURCY
Avocat au Barreau de Paris
Alice BARBE
Juriste stagiaire au sein du Cabinet
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