1. Faits et procédure. Un majeur en curatelle se voit refuser par son curateur la possibilité d’acquérir un véhicule sans permis. Le majeur protégé sollicite, au visa de l’article 469 al. 3 c. civ., une autorisation du juge des tutelles (Nevers), que ce dernier lui refuse le 08 avril 2010. Par arrêt en date du 16 décembre 2010, la Cour d’appel de Bourges confirme l’ordonnance du juge des tutelles, dans l’intérêt du majeur protégé, en raison de ses déficiences visuelles patentes. Il se trouve un professionnel pour encourager le majeur en curatelle dans son projet et lui suggérer de former un pourvoi en cassation, immanquablement rejeté par arrêt de la Cour de cassation en date du 27 février 2013.
2. La motivation de la Cour d’appel n’était pas sérieusement contestable. A) Le précédent de 2008. Le majeur en curatelle avait acquis en octobre 2008 un premier véhicule sans permis (!), complètement détruit six mois plus tard à la suite d’un accident de la circulation sans tiers responsable (!), sans que le majeur protégé n’apporte à l’audience le moindre élément d’explication tangible. B) Les pièces médicales. Deux certificats émanant d’ophtalmologues, en date des 10 février et 03 mars 2010, établissent la très forte myopie aux deux yeux de l’intéressé, qui réduit son acuité visuelle à un demi-dixième à l’œil droit et à deux dixièmes à l’œil gauche avec correction (avec lunettes), et indiquent expressément que son acuité visuelle ne paraît pas compatible avec la conduite d’un véhicule automobile – le second ophtalmologue précisant qu’une intervention chirurgicale ne permettrait pas d’améliorer sa vue. La Cour d’appel en conclut que de telle constatations médicales démontrent clairement l’importance des déficiences visuelles de l’intéressé, et le fait qu’à l’évidence il se mettrait en danger et ferait courir des risques aux autres usagers de la route s’il conduisait une voiture sans permis. Une motivation non sérieusement contestable.
3. Et pourtant, le pourvoi soutenait en premier lieu que l’état de santé intellectuelle du majeur en curatelle lui permettait de prendre seul cette décision le concernant (!), de sorte qu’en s’abstenant de rechercher s’il avait cette aptitude, la Cour d’appel aurait privé de base légale sa décision ( !). Ce faisant, le pourvoi semblait faire fi de l’impossibilité visuelle de conduire. En second lieu, le pourvoi soutenait implicitement que l’acte d’achat d’un véhicule était un acte personnel, de sorte que le curateur ne pouvait intervenir qu’en cas de péril imminent. Pareille interprétation de l’article 469 c. civ., contraire à l’intérêt du majeur protégé, ne pouvait prospérer.
Enfin, le pourvoi indiquait qu’en se souciant de la sécurité des tiers, la cour d’appel avait ajouté une condition à la loi. L’argument était habile mais insuffisant : c’est d’abord en contemplation de l’intérêt du majeur protégé que la cour d’appel s’était prononcée. Au surplus, il est de l’intérêt d’un majeur protégé de ne pas être en situation de nuire à un tiers, par une action qui excèderait ses capacités.
4. La motivation de la Cour est classique, son arrêt rappelle que l’appréciation de l’intérêt du majeur protégé appartient souverainement aux juges du fond :
« (…) attendu que, selon les dispositions de l’article 415 c. civ., la protection des majeurs de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire, a pour finalité l’intérêt de la personne protégée ; que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation de l’intérêt de la personne protégée que la cour d’appel, après avoir analysé les avis médicaux produits, a estimé que, eu égard à l’acuité visuelle du majeur protégé, définitivement incompatible avec les impératifs de la sécurité routière, celui-ci ne pouvait être autorisé à acquérir un véhicule (…) »
Il est singulier que le pourvoi ait passé le cap de la non-admission, tant la solution de la Cour de cassation était évidente.
Valéry MONTOURCY
Avocat au Barreau de Paris
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