Entre la curatelle simple et la tutelle, une troisième mesure de protection existe : la curatelle renforcée, définie par l’article 472 du Code Civil. Cette institution est à connaitre : deux tiers des curatelles sont des curatelles renforcées.
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Un arrêt en date du 28 juin 2011 rendu par la Cour d’Appel de Paris (pôle 3-7)  illustre l’opportunité du prononcé d’une curatelle renforcée. En l’espèce, une multiplicité de courriers incohérents envoyés à un animateur télé et de nombreux dépôts de plainte des plus absurdes avait conduit un Juge des Tutelles à placer le scripteur sous curatelle, après rapport d’un médecin expert préconisant une telle mesure.
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Le justiciable n’avait pas d’avocat devant le Juge des Tutelles. En appel, l’intéressé prend un Conseil. Lors de l’audience d’appel, la contre-expertise médicale demandée par son avocat ne met en lumière aucune pathologie aliénante malgré une altération de ses facultés personnelles (« malgré des aménagements rigides de la personnalité »), et ne préconise dès lors aucune mesure de protection. L’intéressé et son Conseil sollicitent la mainlevée de la mesure de protection.
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Au visa des articles 428 et 440 du Code Civil, la Cour ordonne la mainlevée de la curatelle renforcée. L’intéressé est autonome, peut pourvoir seul à ces intérêts. Une telle mesure ne peut être prise qu’en cas de nécessité après examen du degré d’altération des facultés de l’intéressé : tel n’est pas le cas en l’espèce.
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La décision de la Cour infirme le jugement du Juge des Tutelles ayant placé sous curatelle renforcée une personne présentant des troubles psychiques mais capable de gérer seule les actes de la vie courante. Revenant aux principes fondamentaux, la Cour rappelle ainsi qu’une mesure de protection n’est pas une voie normale et doit rester exceptionnelle. La seule question qui convient de se poser est : la personne peut-elle vivre normalement au quotidien et « pourvoir seule à ses intérêts » ? Toute altération médicalement constatée ne justifiant pas en soi une inaptitude à accomplir les actes de la vie courante.
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En l’espèce, l’intéressé est capable de se déplacer seul, est autonome pour faire ses courses, peut prendre des décisions appropriées le concernant, il est à même d’exercer son droit de vote. L’intéressé est donc ici capable d’exprimer valablement sa volonté, de donner son consentement lucide et éclairé dans les actes de la vie civile. Aucune protection n’est donc nécessaire.Â
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En conclusion, il convient de mettre en balance, d’une part l’existence d’un trouble de la personnalité, d’autre part l’aptitude à prendre seul les décisions de la vie quotidienne. Le rapport médical, pièce essentielle de la procédure, doit être aussi détaillé que possible sur les implications pratiques du trouble constaté. Il appartient à l’avocat du majeur protégé d’y veiller : la défense suppose en la matière une particulière vigilance.
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Valéry MONTOURCY
Avocat à la Cour
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Laurine HASPOT
Juriste