Arrêt de la Cour d’appel de Paris, 9 janvier 2012 (Pôle 3 – Chambre 7)
Consécutivement à la mise en place d’une mesure de protection, une question cruciale se pose : qui sera tuteur ou curateur ? Cette désignation peut avoir été expressément prévue par le majeur protégé, à une époque où celui-ci n’avait pas besoin de protection, dans le cadre d’un mandat de protection future (M. P. F.). Cette désignation s’impose alors au juge en vertu de l’article 448 du Code civil, pour autant que celle-ci soit conforme à l’intérêt de la personne protégée. À défaut de mandat de protection future, deux catégories de personnes peuvent être désignées par le juge pour être tuteur ou curateur. Prioritairement, conformément à l’article 449 du Code civil, le juge doit désigner le protecteur parmi les proches de la personne protégée, c’est à dire son conjoint, son concubin, mais aussi « un parent, un allié », en vertu du principe de primauté familiale, ou encore « une personne résidant avec le majeur protégé ou entretenant avec lui des liens étroits et stables ». Dans tous les cas, si le majeur exprime le souhait que soit désigné un membre de sa famille, ce souhait s’impose au juge, dès lors qu’il n’apparaît pas contraire aux intérêts de la personne protégée – le juge appréciant cette contrariété souverainement. En revanche, si le majeur protégé refuse expressément et catégoriquement qu’un membre de sa famille soit désigné en tant que tuteur ou curateur, ce refus s’impose toujours au juge et celui-ci devra nommer un mandataire judiciaire à la protection des majeurs (M. J. P. M.). Enfin, si un proche du majeur protégé s’oppose au choix du majeur protégé dans la désignation du tuteur ou du curateur, cette opposition est sans incidence dès lors que l’intérêt du majeur n’est pas lésé par son choix. Dans l’hypothèse où aucun proche ne peut assumer la curatelle/tutelle, le juge nommera nécessairement un mandataire professionnel.
La désignation d’un tuteur ou d’un curateur dépend donc de plusieurs éléments. Il semble toutefois qu’une prévalence soit accordée à la volonté exprimée par le majeur protégé, lorsque celui-ci souhaite qu’un de ses proches soit en charge de la gestion de ses intérêts. Une illustration en est donnée par l’arrêt du 9 janvier 2012 par lequel la Cour d’appel de Paris a infirmé une décision du juge des tutelles ayant placé une personne souffrant de troubles cognitifs sous tutelle, et qui avait désigné un M. J. P. M. en tant que tuteur. Cette solution avait été rendue en raison des désaccords opposant les trois fils de la personne protégée, des désaccords qui concernaient les modalités de gestion des intérêts de leur mère. La Cour d’appel, infirmant cette décision, a transformé la tutelle en curatelle en désignant les fils de la personne protégée comme curateur et subrogé curateur. Pour autant, les oppositions au sein du cercle familial n’avaient pas disparu, mais quelle famille ne connait pas de divergences en son sein ? Les juges d’appel ont considéré que ces conflits ne portaient pas atteinte aux intérêts de la personne protégée, et ne faisaient donc pas obstacle à la désignation du curateur parmi les membres du cercle familial.
En conclusion : si l’existence de conflits familiaux peut s’opposer à la désignation, faite par le majeur protégé, d’un proche en qualité de curateur - le juge désignant alors un M. J. P. M (voir notre commentaire de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris 2/7 le 29 mai 2012) -, tout conflit n’est pas nécessairement un obstacle à cette désignation tant qu’aucune atteinte n’est portée aux intérêts de la personne protégée.
Valéry MONTOURCY
Avocat au Barreau de Paris
Alice BARBE
Juriste stagiaire au sein du Cabinet
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