1. Les circonstances à l’origine de l’ouverture d’une tutelle d’un enfant mineur sont invariablement tragiques. Dans l’affaire ayant donné lieu à un arrêt de la Cour de cassation rendu le 16 septembre 2014 (pourvoi n° 13-20440), les faits sont les suivants : deux parents décèdent, laissant à leur survivance trois enfants. Une tante paternelle élève alors les enfants avec les siens. Le 12 septembre 2012, un conseil de famille, initié par le juge des tutelles, auditionne les enfants en présence d’un avocat (désigné par le Bâtonnier), puis, à l’aune des réponses apportées par les enfants et des autres éléments débattus, désigne la tante en qualité de tutrice et la grand-mère maternelle en qualité de subrogée tutrice. L’esprit et le texte de la loi sont respectés : choisir le tuteur dans une branche de la famille, le subrogé tuteur dans l’autre branche, rechercher l'intérêt de l'enfant dans la désignation de l’un et de l’autre.
2. Insatisfaits de la délibération du conseil de famille, la grand-mère maternelle, ainsi que son époux, en font appel. La douleur commune, infiniment respectable, est sans doute à l’origine des différents recours déposés. L’argumentation des grands-parents, compréhensible humainement, ne pouvait cependant prospérer juridiquement.
3. Leur opposition à la délibération tenait au fait qu’un tuteur devait favoriser les liens avec les ascendants des enfants ; or, il apparaissait que la tante désignée tutrice avait rompu tous les liens avec la famille maternelle, sans raison exprimée, de sorte qu’ils étaient désormais privés de leurs petits-enfants, en dépit de l’affection qui les unissaient auparavant. Ce premier argument pouvait difficilement susciter une réponse spécifique de la part de la Cour d’appel. En effet, la conformité à l’intérêt de l’enfant de la désignation de la tante supposait une appréhension globale de la situation, à laquelle la cour d’appel s’est livrée.
Pour confirmer la décision, la cour d’appel de Bourges relève, d’une part, que « depuis le décès particulièrement traumatisant de leurs parents, les enfants étaient élevés par [leur tante paternelle], qui leur apportait le cadre stabilisant et épanouissant dont ils avaient besoin, au sein d’une famille élargie et solidaire », d’autre part, « que lors de leur audition par le juge des tutelles, les mineurs, entendus séparément et avec l’assistance de leur avocat, avaient tous trois clairement fait état de leur désir de rester auprès de leur tante paternelle ». En d’autres termes, pour la cour d’appel, la décision du conseil de famille venait officialiser un état de fait épanouissant compte tenu des circonstances, et avait reçu l’adhésion des enfants.
4. Le second argument, soulevé par les grands-parents, selon lequel, dans un écrit non versé aux débats, l’un des parents, avant de se suicider, aurait confié la charge des enfants à leurs grands-parents maternels, même à le supposer exact, ne pouvait aboutir à modifier le regard judiciaire porté sur ce litige : un tel mot ne pouvait au mieux que constituer un souhait, qui ne lie au demeurant aucun juge ; de plus, l’intérêt des enfants se déduisait des mois au cours desquels, au sein d’une branche de leur famille, chacun d’eux était parvenu à trouver un cadre de vie épanouissant.
5. Les grands-parents forment un pourvoi en cassation, que la Première Chambre Civile rejette, par arrêt en date du 16 septembre 2014, au motif que « la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a déduit, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, prenant en considération les deux branches de la famille », que la délibération était conforme à l’intérêt des enfants. Et pour cause : en désignant la grand-mère maternelle subrogée tutrice, le conseil de famille lui a confié une fonction importante, sa bienveillance et son amour envers ses petits-enfants étant reconnus.
6. En qualité de subrogée tutrice, la grand-mère maternelle a le droit de se rendre au domicile des enfants pour les voir et s’assurer de leur bien-être. Il faut espérer que de la douleur partagée par chacune des générations, et de cet inutile procès né d’une méprise sur ce qu’est la tutelle des mineurs, renaîtra un dialogue, et que des visites fréquentes, amiablement déterminées, s'organiseront dans l’intérêt des enfants.
7. En conclusion : La recherche de l’intérêt de l’enfant, dans la désignation d’un tuteur familial, nécessite de la part du conseil de famille et du juge, une appréciation souveraine, c’est-à-dire une compréhension globale intégrant le cadre de vie de l’enfant, l’écoute de ses attentes et de ses souhaits. Ce n’est que dans l’hypothèse d’une dénaturation des faits que la Cour de cassation est amenée à casser un arrêt d’appel.
Valéry MONTOURCY
Avocat au Barreau de Paris
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