Tutelle : qui peut faire appel d’une décision du juge des tutelles ?
1. Décisions du juge des tutelles. En droit des majeurs vulnérables (curatelles et tutelles), le juge des tutelles rend des décisions de justice qui prennent le nom de jugements ou d’ordonnances, selon que le juge prononce une mesure de protection judiciaire de type sauvegarde de justice, curatelle, tutelle (on parle alors de jugement) ou se prononce en cours de mesure de protection (on parle alors d’ordonnance).
2. Délai d’appel. Le délai d’appel est le même selon qu’il s’agit d’un jugement ou d’une ordonnance : 15 jours.
3. Point de départ du délai. Le point de départ de ce délai diffère en revanche selon les personnes considérées :
- pour les personnes à qui le jugement/l’ordonnance est notifié, le délai de quinze jours court à compter de la notification (cf. infra, point 5.) ;
- pour les personnes à qui le jugement n’est pas notifié, le délai d’appel court à compter du prononcé de la décision (cf. infra, point 6).
4. Personnes habilitées à faire appel. En vertu de l’article 1239 du code de procédure civile, « l’appel est ouvert aux personnes énumérées à l’article 430 cc, même si elles ne sont pas intervenues à l’instance. »
Les personnes énumérées à l’article 430 cc sont celles pouvant saisir le juge des tutelles d’une demande de protection judiciaire. En sus du procureur de la République, ces personnes sont :
- la personne qu’il y a lieu de protéger (il m’arrive que des personnes conscientes d’un début de trouble intellectuel les concernant me demandent de présenter une requête au juge des tutelles, en leur nom) ;
- son conjoint ou son partenaire (PACS) ou son concubin, dès lors qu’ils vivent ensemble ;
- un parent (au sens juridique, c’est-à-dire les père et mère, les enfants, les frères et sœurs, les oncles et tantes, les grands-parents) ou un allié (un beau-frère, une belle-mère) ;
- une personne entretenant avec le majeur des liens étroits et stables ;
- le mandataire de protection future (lorsqu’il estime que le mandat est inadapté) ;
Il est évidemment conseillé de faire appel par le canal d’un avocat rompu à la matière, et dont la fonction première est d’analyser la recevabilité et le bien-fondé de l’appel.
5. Personnes à qui les décisions de justice sont notifiées. Le greffe notifie toute décision du juge des tutelles :
- au requérant (afin qu’il y ait une continuité dans la connaissance par la famille des suites de la requête, et de la gestion de la mesure) ;
- à la personne protégée (sauf contre-indication médicale, auquel cas la notification est faite à son avocat) ;
- à tous ceux dont la décision modifie les droits ou les obligations résultant de la mesure de protection (par exemple un co-indivisaire, lorsque le juge des tutelles autorise la sortie de l’indivision) ;
- et bien sûr, à la personne ou aux personnes chargées de la protection (qui par définition ne sont pas encore désignées au moment du dépôt de la requête) : mandataire spécial (sauvegarde de justice), curateur(s) (à la personne d’une part, aux biens d’autre part) ou co-curateurs (curatelle), tuteur(s) (à la personne d’une part, aux biens d’autre part) ou co-tuteurs (tutelle).
- à noter que si un subrogé tuteur est désigné, il reçoit notification des ordonnances prises à la demande du tuteur (incongruité de notre droit, le subrogé curateur ne reçoit pas notification des ordonnances prises à la demande du curateur : cependant, le curateur engagerait sa responsabilité s’il n’informait pas le subrogé curateur de ses initiatives ni des décisions prises par le juge des tutelles).
Pour l’ensemble de ces personnes, le délai d’appel de quinze jours court à compter du jour de la notification de la décision, par le greffe. Par notification il faut entendre : jour de la première présentation par le facteur de la lettre recommandée A.R. envoyée par le greffe. Si l’avis de passage vous échappe, ou si vous étiez en vacances, vous ne pouvez plus faire appel – d’où l’importance d’avoir en cette matière un avocat, qui recevra également notification des décisions du juge des tutelles.
6. Personnes à qui les décisions ne sont pas notifiées. A toutes les autres personnes habilitées à faire appel, les décisions du juge des tutelles ne sont pas notifiées : ainsi, les autres personnes visées à l’article 430 cc (l’ensemble des membres de la famille, l’ensemble des proches, sauf s’ils étaient requérants ou s’ils sont désignés protecteurs) ne reçoivent pas de notification. Pour eux, le délai d’appel court à compter du prononcé de la décision. Dans une décision inédite du 08 juillet 2015 (pourvoi n° 14-22008), la 1ère Chambre Civile de la Cour de cassation a rappelé le caractère impératif de cette règle.
Il leur appartient de s’informer régulièrement auprès du greffe des tutelles du dépôt d’une requête par le majeur protégé ou son protecteur (mandataire spécial, curateur, tuteur), ou du prononcé d’une décision de justice. Si elles ne s’informent pas régulièrement, et que quinze jours se sont écoulés depuis une précédente ordonnance, aucun appel n’est plus possible pour elle. Il leur reste seulement à souhaiter que l’une des personnes à qui la décision a été notifiée en a interjeté appel, et à prendre attache avec un avocat pour demander à la cour d’appel de vouloir bien les convoquer à l’audience d’appel.
7. Limitation des personnes pouvant faire appel. Enfin, il existe deux cas dans lesquels la possibilité de faire appel est restreinte :
- l’appel d’un jugement de non-lieu à mesure de protection n’est ouvert qu’au requérant (art. 1239-2 cpc). Ainsi, lorsque le juge des tutelles estime au terme de son instruction que
- l’appel d’une ordonnance du juge des tutelles autorisant un partage (en matière de d’indivisions, de successions). L’appel est réservé au tuteur et aux copartageants.
Valéry MONTOURCY
Avocat au Barreau de Paris
Droit des majeurs vulnérables (sauvegardes, curatelles, tutelles)
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