Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 janvier 2019 par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
Il devait en particulier statuer sur la question suivante : la loi autorisant les agents municipaux à entrer sans autorisation dans des logements loués en location saisonnière est-elle conforme au principe constitutionnel de protection du domicile ?
I) Qu’est-ce qu’une QPC ?
La question prioritaire de constitutionnalité est le droit reconnu à toute personne qui est partie à un procès de soutenir qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Si les conditions de recevabilité de la question sont réunies, il appartient au Conseil constitutionnel, saisi sur renvoi par le Conseil d’État ou la Cour de cassation, de se prononcer et, le cas échéant, d’abroger la disposition législative contestée.
Avant la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, il n’était pas possible de contester la conformité à la Constitution d’une loi déjà entrée en vigueur. Désormais, les justiciables jouissent de ce droit en vertu de l’article 61-1 de la Constitution. Il s'agit donc d'un contrôle a posteriori de la loi.
II) Quelles étaient les dispositions législatives critiquées ?
Les requérants contestaient l’article L651 du Code de la construction et de l’habitation (CCH) introduit par la loi n° 83-440 du 2 juin 1983.
Cet article permettait de vérifier que la location d’un bien immobilier pour de courtes durées (de type locations saisonnières) avait bien été précédée d’une autorisation de changement d’usage. A cet effet, il prévoyait que des agents municipaux assermentés pouvaient effectuer les constatations nécessaires pour relever les infractions. Ces dispositions leur permettaient ainsi, en cas de refus ou d’absence de l’occupant du local ou de son gardien, de se faire ouvrir les portes et de visiter les lieux en présence du maire ou d’un commissaire de police.
Ces visites de contrôle se sont multipliées avec le développement des locations par l’intermédiaire de la plateforme Airbnb et n’ont cessé de faire naître des doutes légitimes quant à leur légalité. C’est donc logiquement que les neuf sages ont été saisis de la constitutionnalité de ce dispositif de contrôle domiciliaire.
III) La position du Conseil constitutionnel
En 2019, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions précitées du CCH. Il les a donc jugées contraires à la Constitution (Cons. const., 5 avr. 2019, n° 2019-772 QPC).Le Conseil a ainsi considéré que la possibilité pour les agents municipaux même en présence du maire ou d’un commissaire, d’entrer dans un logement d’habitation sans la présence ou l’autorisation du propriétaire violait la liberté fondamentale du droit à la propriété et à l’inviolabilité du domicile. En effet, seul le juge judiciaire, gardien de la liberté individuelle en application de l’article 66 de la Constitution, peut, en principe, autoriser une telle visite.
A cet égard, il faut rappeler que le droit à la vie privée et la protection du domicile sont placés au sommet de la hiérarchie des normes. En effet, le Conseil constitutionnel a donné une valeur constitutionnelle au droit au respect de la vie privée et de l’inviolabilité du domicile, ces droits découlant de la liberté proclamée par l’article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013 et décision n° 94-352 DC du 18 janvier 1995). De même, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) fait respecter de façon rigoureuse le droit au respect de la vie privée et familiale ainsi que le droit au respect du domicile, principes garantis par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (voir par exemple : CEDH, Cour (Cinquième Section), 16 mai 2019, n° 66554/14.)
En conséquence, en cas de contrôle, un copropriétaire a parfaitement le droit de refuser l’entrée aux agents municipaux.
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