TRAVAUX EN COPROPRIÉTÉ : LES REGLES D'AUTORISATION

Publié le Modifié le 10/08/2021 Vu 21 028 fois 1
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En copropriété, les travaux « affectant l'aspect extérieur de l'immeuble » doivent faire l'objet d'une autorisation délivrée par l'assemblée générale. Que signifie cette notion ?

En copropriété, les travaux « affectant l'aspect extérieur de l'immeuble » doivent faire l'objet d'une au

TRAVAUX EN COPROPRIÉTÉ : LES REGLES D'AUTORISATION

=> article commenté par le Figaro immobilier le 16 mai 2021


En copropriété, les travaux « affectant l'aspect extérieur de l'immeuble » doivent faire l'objet d'une autorisation délivrée par l'assemblée générale.

Que signifie cette notion, pas toujours bien comprise du grand public et source d’un abondant contentieux ? À quelle majorité ces travaux doivent-ils être autorisés ?

I) Le cas de travaux non visibles

Si des travaux ne sont visibles d'aucun endroit, ils n'affectent pas l'aspect extérieur de l'immeuble (Civ. 3e, 11 mai 1999, n° 93-10.477). Tel est le cas pour des changements de fenêtres qui ne sont pas visibles depuis la voie publique ni des autres occupants de l'immeuble en copropriété (voir par exemple CA Paris, pôle 4 - ch. 2, 6 juin 2012, n° 10/17189 ; Civ. 3ème, 11 mai 1999, n° 93-10477). Par définition, de tels travaux « invisibles » ne portent pas atteinte à l’harmonie de l’immeuble, de sorte qu’ils sont dispensés d’autorisation par l’Assemblée générale.

Ce cas est rare : il peut concerner des travaux réalisés en étage élevé ou encore des travaux réalisés dans un immeuble situé sur une rue étroite (absence de recul). 


II) Le cas de travaux visibles

En second lieu, les travaux visibles doivent être autorisés par l'assemblée générale. Il faut toutefois distinguer trois cas de figure :

- des travaux discrets n’affectant pas l’aspect extérieur de l’immeuble : aucune n’autorisation n’est requise 

-  des travaux affectant l’aspect extérieur de l’immeuble tout en étant conformes à sa destination : ces travaux doivent être autorisés à la majorité absolue des copropriétaires ;

- des travaux affectant tellement l’aspect extérieur de l’immeuble qu’ils sont contraires à sa destination. Ces travaux requièrent l’unanimité des copropriétaires.

1. Travaux discrets n’affectant pas l’aspect extérieur de l’immeuble : aucune n’autorisation n’est requise 

Des travaux discrets peuvent être dispensés d'autorisation lorsqu’ils ne nuisent pas à l'harmonie générale de l'immeuble, tels le remplacement de persiennes par des volets roulants de même couleur ne modifiant pas de façon notable les façades (CA Aix-en-Provence, 11 déc. 2014, n° 13/23907).

2.  Travaux affectant l’aspect extérieur de l’immeuble tout en étant conformes à la destination de l’immeuble 

a.     Qu’est-ce que la destination de l’immeuble ?

La « destination de l’immeuble » est une notion-clé dont l’importance n’a égale que la difficulté à la définir précisément…

La destination constitue, en quelque sorte, l’âme, l’identité ou encore, pour parler « moderne », « l’ADN de l’immeuble ». Elle repose donc sur un « faisceau d’indices » prévu à l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965 :

-       le règlement de copropriété : l'immeuble est-il à usage d'habitation ? à usage mixte (habitation et commercial) ? Les activités libérales y sont-elles autorisées ?

-       le caractère de l’immeuble : aspect extérieur, standing…

-       sa situation géographique : quartier, environnement…


b.     Les travaux conformes au standing élevé de l’immeuble

Dans la très grande majorité des cas, les travaux affectant l’aspect extérieur d’un immeuble sont considérés comme conformes à son caractère ou son « standing ». Ils sont donc soumis à l’autorisation du syndicat, donnée à la majorité absolue des copropriétaires (art 25 b de la loi du 10 juillet 1965).

Nous avons vu plus haut que certains travaux discrets ne nécessitent pas d’accord de la copropriété. Quelle est la frontière entre travaux discrets et non-discrets ? En cas de difficulté, c’est au juge de la définir avec nécessairement une part de subjectivité. Exemple : la Cour d’appel de Paris a jugé en 2019 que la création d'un conduit extérieur de cheminée requérait l'autorisation de l'assemblée générale dès lors que, visible de tous depuis la rue, ce conduit affectait l'aspect extérieur de l'immeuble (CA Paris, pôle 1 - ch. 8, 25 janv. 2019, n° 17/13458). Cette autorisation n’ayant pas été demandée, la Cour d’appel a ordonné la suppression des travaux réalisés.

Mieux vaut donc ne pas prendre de risque et demander l’accord de la copropriété en cas de doute ! Le raisonnement est implacable: si les juges estiment qu’une autorisation était nécessaire et qu’elle n’a pas été demandée, ils ordonneront la suppression des travaux, sans entrer dans le fond du dossier. C’est-à-dire sans même apprécier la réalité de l’atteinte à l’harmonie de l’immeuble. Dura lex sed lex… 

En revanche, si l’autorisation a été demandée et qu’elle a été refusée, les juges examineront in concreto si le veto de l’assemblée générale était abusif ou pas. Les motifs de refus étaient-ils valables ou non ? Pour se déterminer, les magistrats prendront en considération l’harmonie préexistante aux travaux litigieux. Ainsi sera-t-il malaisé d’invoquer une atteinte à l’harmonie d’un immeuble « des années 1950/1960 sans architecture remarquable » (CA Paris, 14 oct. 2009, n° 08/03045) ou l’atteinte esthétique portée à une façade « massive et peu homogène » qui « comporte sept étages et de nombreux balcons clôturés par des loggias » (TGI Nanterre, 8e ch., 6 déc. 2007, n° 06/10498).

Autres exemples allant dans le même sens :

"Il apparaît en l’espèce qu’au moment où il était saisi de cette demande le syndicat ne justifiait pas d’une atteinte à l’aspect extérieur de l’immeuble dont l’esthétique, telle qu’elle ressort des clichés versés aux débats, apparaît banale et sans intérêt particulier"TGI Paris, 8e ch. 2e sect., 10 mars 2005, n° 03/03959

"La cour de l’immeuble et la toiture du bâtiment situé dans celle-ci ont un aspect banal ne présentant aucun intérêt esthétique susceptible de justifier le rejet du projet de la demanderesse pour atteinte à l’aspect extérieur de l’immeuble", (TGI Paris, 8e ch. 2e sect., 28 sept. 2006, n° 06/09112).

Pour dire les choses un peu trivialement, si la façade de l'immeuble est disgracieuse et encombrée, les juges pourront facilement admettre de nouveaux travaux affectant l’aspect extérieur. Un peu plus ou un peu moins...

En revanche, les juges apprécient plus sévèrement le cas des tuyaux d’extraction de fumée de restaurants, cas classique de contentieux en copropriété. Un exemple vient d’être donné par la Cour d’appel de Toulouse : « La pose de ce tuyau d’extraction est par sa circonférence, son emplacement sur toute la hauteur de la façade depuis la devanture jusqu’au toit, à proximité de la porte d’entrée de l’immeuble, à peu de distance des fenêtres et du balcon de l’appartement du premier étage, avec une excroissance sur plusieurs dizaines de centimètres au-delà du toit, est de nature à nuire à l’esthétique de l’immeuble et à compromettre très sensiblement son aspect extérieur » (CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 1er mars 2021, n° 19/00228). 

 3.    Les travaux non conformes à la destination de l’immeuble

La jurisprudence admet que des travaux peuvent affecter tellement l’aspect extérieur de l’immeuble qu’ils sont contraires à son standing élevé. Ces travaux requièrent alors l’unanimité. En effet, en application du dernier alinéa de l’article 26 de loi de 1965, l’AG ne peut, sauf à l'unanimité des voix de tous les copropriétaires, décider la modification des stipulations du règlement de copropriété relatives à la destination de l'immeuble.

L’unanimité étant très difficile, voire pratiquement impossible à obtenir en copropriété, les juges ont fixé des conditions très strictes afin d’éviter des refus abusifs opposés à des travaux. Ainsi, en 2019 et 2020, la Cour d’appel de Versailles a jugé que des travaux ne portent atteinte à la « destination » de l’immeuble que si ce dernier présente des particularités ou une identité marquées, une originalité ou un très grand standing :

 « l’harmonie de l’immeuble peut faire partie des « caractères » de la copropriété, tout particulièrement pour des immeubles d’habitation de très grand standing pour lesquels les éléments architecturaux revêtent une importance majeure » (CA Versailles, 4e ch. 2e sect., 25 sept. 2019, n° 17/05416) ; 

« si la notion de destination de l’immeuble peut inclure les caractéristiques architecturales et esthétiques de l’immeuble, c’est à la condition que cet immeuble présente des particularités ou une identité marquées, une originalité ou un très grand standing notamment au regard des matériaux utilisés » (CA Versailles, 4e ch. 2e sect., 26 févr. 2020, n° 18/00819).

Dans les deux affaires, les juges ont considéré que les projets de travaux n’emportaient aucune atteinte à la destination de l’immeuble. Les travaux ne requéraient donc pas de vote à l’unanimité, contrairement à ce que soutenaient les opposants aux travaux.


CONCLUSION

On voit donc que l'aspect extérieur de l'immeuble est une notion fort délicate à manier...  L'analyse de la jurisprudence se révèle très utile pour se déterminer.

 

Résumé des 4 cas de figure

Travaux non visibles

Travaux visibles
mais discrets

Travaux visibles
affectant l’aspect
extérieur de
l’immeuble

Travaux visibles
contraires à la
destination de
l’immeuble

Pas d’autorisation
requise

Pas d’autorisation
requise

Autorisation requise
(majorité absolue)

Autorisation requise
(unanimité)

 

 

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1 Publié par fanfan442256
11/10/2024 19:59

une autorisation d'installer un escalier à partir du balcon est elle transférée systématiquement transférée au nouveau propriétaire lors d'une vente

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A propos de l'auteur
Blog de Maître Jean-Philippe MARIANI et Bruno LEHNISCH

Jean-Philippe MARIANI est avocat depuis 34 ans.

Il est Président de la Commission "Droit immobilier" du barreau des Hauts-de-Seine, 3e barreau le plus important en France après Paris et Lyon.

Formé au règlement amiable des différends, Me Mariani exerce également comme Médiateur.

Enfin, Me MARIANI est ancien Secrétaire de la Conférence (concours de plaidoirie) et ancien Membre du Conseil de l’Ordre des Hauts de Seine.


Contact
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Il publie des articles avec Bruno LEHNISCH, cadre juridique.

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