Que se passe-t-il lorsqu'un copropriétaire ne règle pas les charges de copropriété ?
Qui paie les frais afférents au recouvrement forcé des sommes dues ?
Il serait logique de penser que les frais de cette procédure sont intégralement remboursés à la copropriété par le copropriétaire défaillant. Les choses sont en réalité un peu plus compliquées...
I) Une obligation incontournable : régler les charges, même si on est de bonne foi
La cour d'appel de Versailles vient de rappeler que "l’obligation essentielle d’un copropriétaire est de régler régulièrement et intégralement les charges de copropriété afférentes à son lot. Le fait de ne pas respecter cette obligation entraîne l’application de frais, facturés par le syndic en application du contrat qui le lie à la copropriété, supportés par l’ensemble des copropriétaires. La bonne ou la mauvaise foi du copropriétaire est à cet égard indifférente." (CA Versailles, 4e ch. 2e sect., 10 mars 2021, n° 19/03938) :
II) Les frais imputables au seul copropriétaire débiteur
L'article 10-1 a) de la loi du 10 juillet 1965 dispose que sont imputables au seul copropriétaire concerné, les frais nécessaires exposés par le syndicat, notamment les frais de mise en demeure, de relance et de prise d'hypothèque à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d'une créance justifiée à l'encontre d'un copropriétaire, ainsi que les droits et émoluments des actes des huissiers de justice et le droit de recouvrement ou d'encaissement à la charge du débiteur.
De même, le copropriétaire défaillant devra, en cas de condamnation, payer à la copropriété les frais d'assignation (dépens) ainsi que les frais d'avocat qu'elle a exposés (art 700 CPC).
III) Les frais de gestion courante du syndic : à la charge de la copropriété ?
Les juges estiment souvent qu'on doit s'arrêter là. Le copropriétaire défaillant doit régler ses dettes et payer les frais mentionnés au II.
Dans l'arrêt précité, la cour d'appel va plus loin et accorde des dommages et intérêts à la copropriété. Elle infirme le jugement du tribunal de Nanterre sur ce point.
Les juges versaillais estiment qu' "il est certain que la défaillance d’un copropriétaire a des retentissements sur la trésorerie de la copropriété et des conséquences pécuniaires indéniables. "
Les dommages et intérêts compensent le fait qu'il n'est pas possible légalement pour le syndic de facturer au copropriétaire défaillant les frais de gestion courante concernant les impayés : "Ne relèvent donc pas des dispositions de l’article 10-1 précité, les frais de suivi de procédure, les honoraires du syndic pour transmission du dossier à l’huissier ou à l’avocat, pour 'suivi du dossier contentieux', qui font partie des frais d’administration courante entrant dans la mission de base de tout syndic et répartis entre tous les copropriétaires au prorata des tantièmes".
La cour d'appel de Versailles trouve donc un autre fondement pour que la copropriété se fasse rembourser de ces frais : la désorganisation de trésorie.
Toutefois, en l'espèce, elle n'accorde que 800 € de dommages et intérêts au syndicat, alors que ce dernier sollicitait 3000 €. Les juges motivent ainsi leur décision :
" Ainsi, le compte de charges de la société Mac’rys a présenté un solde régulièrement débiteur, qui a dépassé la somme de 14 000 euros en 2015 et de 16 000 euros en 2017. La situation n’a été régularisée qu’au cours de la procédure de première instance après la vente de l’un des lots dont la SCI était propriétaire. Pour la gestion des dossiers débiteurs, le syndic facture des frais qui, pour les raisons indiquées précédemment, ne peuvent pas être facturées au seul copropriétaire défaillant.
Dans ces conditions, compte tenu de l’ancienneté et de la récurrence des impayés, c’est à tort que le tribunal n’a pas fait droit de dommages et intérêts présentée par le syndicat.
Néanmoins, la SCI ayant régularisé sa situation de façon pérenne, il est justifié de modérer la demande présentée par le syndicat et de fixer à 800 € la somme allouée à titre de dommages et intérêts".
=> Il est donc intéressant de relever que, par le biais des questions de trésorerie, la copropriété peut se faire indirectement rembourser des frais de gestion du syndic que la loi interdit au juge d'imputer au seul copropriétaire concerné...