I) Rappel du cadre juridique
Le droit à la vie privée et la protection du domicile sont placés au sommet de la hiérarchie des normes. En effet, le Conseil constitutionnel a donné une valeur constitutionnelle au droit au respect de la vie privée et de l’inviolabilité du domicile, ces droits découlant de la liberté proclamée par l’article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013 et décision n° 94-352 DC du 18 janvier 1995). De même, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) fait respecter de façon rigoureuse le droit au respect de la vie privée et familiale ainsi que le droit au respect du domicile, principes garantis par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Eu égard au rang juridique élevé du droit au respect de la vie privée et de l’inviolabilité du domicile, comment la loi et le juge assurent-ils sa conciliation avec la nécessaire préservation des intérêts collectifs de la copropriété ?
Le législateur a prévu certaines dispositions pour « organiser » l’équilibre entre ces principes antinomiques (articles 9 et 18 de la loi du 10 juillet 1965). Quant au juge, il lui appartient de peser in concreto les droits et libertés en conflit en faisant application du principe de proportionnalité.
En pratique, les intérêts privés et collectifs peuvent se trouver en contradiction lorsqu’il est nécessaire, pour les besoins de la copropriété, de pénétrer à l’intérieur d’un lot privatif.
II) Un cas pratique : l’ordonnance du TGI de Paris rendue en 2016
La question de l’accès aux appartements privés est régie par la loi du 10 juillet 1965. Son article 9 concerne l’hypothèse, relativement fréquente en copropriété, où des travaux ou réparations doivent intervenir sur des parties communes situées à l’intérieur des lots privatifs ou dont l’accès nécessite de passer par des parties privatives : « Un copropriétaire ne peut faire obstacle à l'exécution, même sur ses parties privatives, de travaux d'intérêt collectif régulièrement décidés par l'assemblée générale des copropriétaires ».
En application de cet article, le juge pourra même ordonner au copropriétaire récalcitrant à ranger son appartement s’il est établi que son encombrement est de nature à obérer l’accès aux parties communes et la réalisation des travaux nécessaires…
« Ordonnons à Mme A Y épouse X de procéder au rangement et de vider en partie son appartement situé au rez-de-chaussée (lot n°2), dans l’immeuble […], afin de permettre l’accès aux parties communes » (TGI Paris, réf., 3 mai 2016, n° 15/60112).
L’histoire ne dit pas comment la personne concernée a réagi à cette ordonnance ! On n’ose imaginer le désordre qui devait régner dans cet appartement…
Toujours est-il que cette immixtion du juge dans la sphère protégée de la vie privée constitue une illustration emblématique de la nécessaire conciliation entre intérêts collectifs et intérêts privées en copropriété...
Conclusion
Parce qu’elle est, par essence même, au cœur d’ « enjeux de territoire », la copropriété est soumise à des injonctions paradoxales : préserver les intérêts collectifs du syndicat tout en protégeant le domicile et le droit à la vie privée de ses membres.
La confrontation entre ces valeurs opposées constitue un terreau fertile au développement des tensions et donc des litiges. La Médiation doit toujours être préférée à un conflit, lequel fait toujours deux perdants : le vainqueur, épuisé et le vaincu, revanchard…
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