"Le droit de propriété est un droit inviolable et sacré" énonce l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789. Il doit toutefois être concilié avec d'autres principes tels que le respect de la salubrité publique...
En effet, les articles L. 541-1 et suivants du code de l'environnement créent, au profit du maire, une police spéciale destinée « à prévenir ou à remédier à toute atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement causée par des déchets ».
Sur ce fondement, le maire peut contraindre un particulier à retirer des déchets entreposés sur son terrain même s’ils ne sont pas visibles depuis la voie publique.
Un arrêt rendu le 5 mars 2021 apporte d'intéressantes précisions sur ce sujet auquel les maires sont malheureusement souvent confrontés (CAA Nantes, 4e ch., 5 mars 2021).
Dans cette affaire, les juges administratifs rappellent que l'article L. 541-3 du code de l'environnement confère au maire, autorité investie des pouvoirs de police municipale, la compétence pour prendre les mesures nécessaires pour assurer l'élimination des déchets dont l'abandon, le dépôt ou le traitement présentent des dangers pour la santé et l'environnement (CAA Nantes, 4e ch., 5 mars 2021).
Quels étaient les faits de l'espèce ? M. C… est propriétaire de plusieurs parcelles sur le territoire de la commune de Marigny-le-Lozon (Manche).
Par un courrier du 17 février 2017, le maire de la commune, saisi par les voisins de M. C…, lui a demandé d’évacuer les déchets présents sur sa propriété dans un délai de quinze jours.
Par un arrêté du 7 avril 2017, le maire a mis en demeure M. C… d’évacuer dans un délai de quarante-cinq jours les déchets abandonnés sur le terrain en question. Après avoir demandé à une entreprise d’intervenir le 25 octobre 2017 et s’être heurté à un refus de M. C…, le maire a informé l’intéressé de son intention de prononcer une astreinte journalière à son encontre pour obtenir l’évacuation des déchets. Ainsi, par un arrêté du 6 décembre 2017, le maire a prononcé, à l’encontre de M. C…, une astreinte d’un montant journalier de 50 €jusqu’à exécution complète de l’arrêté du 7 avril 2017, dans la limite du montant de 8 400 euros correspondant au coût évalué de l’évacuation des déchets. M. C… relève appel du jugement du 7 février 2020, par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 6 décembre 2017.
La cour administrative d'appel de Nantes confirme le jugement de première instance et fonde sa décisions sur plusieurs arguments intéressants :
1. Si le propriétaire soutient que les objets situés sur sa propriété ne seraient pas des déchets au sens de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement dès lors qu’ils auraient de la valeur et n’ont pas fait l’objet d’un abandon, il n’évoque que quelques objets spécifiques, tels qu’une herse ou un chargeur frontal, alors qu’il ressort des pièces du dossier, notamment des photographies, que le terrain est recouvert de très nombreux autres objets hétéroclites et usagés dont il n’est pas établi qu’ils puissent faire l’objet, sans transformation préalable, d’une utilisation ultérieure. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les objets présents sur le terrain ne seraient pas des déchets au sens des dispositions de l’article L. 541-3 du code de l’environnement n’est pas fondé et doit être écarté. Par ailleurs, le fait que la plainte pénale déposée à son encontre a abouti à un classement sans suite est sans incidence sur la matérialité des faits constatés à plusieurs reprises par la commune de Marigny-le-Lozon et qui fondent la décision contestée.
2. La circonstance que les objets présents sur le terrain de M. C… ne seraient pas visibles depuis la voie publique ou par des tiers est sans incidence sur la légalité de la décision contestée dès lors qu’il ne résulte pas des dispositions de l’article L. 541-3 du code de l’environnement que l’usage des pouvoirs conférés par ces dispositions soit subordonné à une telle visibilité des déchets abandonnés.
3. La circonstance que des voisins de M. C… ont attiré l’attention du maire de la commune de Marigny-le-Lozon sur les déchets abandonnés sur son terrain n’est pas de nature à établir que le maire a adopté la décision contestée pour un motif lié à l’intérêt purement privé de ces propriétaires voisins. En outre, il ressort des pièces du dossier, notamment des photographies produites par la commune, que l’accumulation de déchets hétéroclites et plus ou moins dégradés sur le terrain de M. C… était susceptible de porter atteinte à la salubrité publique. Dans ces conditions, les juges estiment que l’intéressé n’est pas fondé à soutenir que la décision du maire aurait été adoptée pour des motifs de simple esthétique.
4. Enfin, la circonstance que postérieurement M. C…, fonctionnaire employé par la commune, aurait connu des relations conflictuelles avec le maire en raison de troubles de santé n’est pas de nature à établir que la décision du 6 décembre 2017 aurait été adoptée en vue de lui nuire. Les juges estiment donc que le moyen tiré du détournement de pouvoir n’est pas fondé et doit être écarté.
Cet arrêt constitue donc une très bonne illustration des possibilités offertes aux édiles municipaux dans le cadre de la mise en oeuvre de la police spéciale prévue par le code de l'environnement.