En réponse à une question posée par le Sénateur Yves Détraigne, le ministère de la Justice a rappelé qu’en tant que bénévoles les conseillers syndicaux bénéficient d’une quasi-immunité pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions d'assistance, de contrôle ou de conseil.
Mais gare à ne pas outrepasser les missions légales ; le cas de la diffamation est, de ce point de vue, emblématique...
I) Le rôle des conseillers syndicaux
- Les missions confiées par la loi
En vertu des dispositions de l'article 21 de la loi du 10 juillet 1965, le conseil syndical, trait d’union entre le syndic et les copropriétaires, est investi d’une triple mission :
- assister le syndic de la copropriété ;
- en contrôler la gestion ;
- conseiller le syndicat sur toutes questions, pour lesquelles il est consulté ou dont il se saisit lui-même.
Ces missions sont exercées bénévolement (art 27 du décret du 17 mars 1967).
- Un rôle de mandataire
Juridiquement, un conseiller syndical est un mandataire de la collectivité des copropriétaires (le syndicat). Élu par ce dernier lors des assemblées générales, il agit donc pour le compte du syndicat. Le conseiller syndical n’a donc aucun lien contractuel avec les copropriétaires pris individuellement mais avec le syndicat.
II) Les conseillers syndicaux sont-ils « inattaquables » ?
- Le cadre juridique applicable à un mandataire
En application de l’article 1992 du code civil, un mandataire doit répondre des fautes qu’il commet dans sa gestion. Toutefois, la responsabilité d’un mandataire bénévole est appliquée moins rigoureusement que celle du mandataire rémunéré. Le mandataire bénévole ne verra sa responsabilité engagée que s’il a agi de mauvaise foi. Autrement dit, une mauvaise exécution de son mandat sera donc insuffisante pour retenir la responsabilité du mandataire s’il n’est pas établi qu’il est de mauvaise foi (1ère Civ., 26 janvier 2012, pourvoi n° 10-11.528).
- L’application au conseiller syndical
En premier lieu, le conseil syndical est dépourvu de personnalité juridique de sorte que le mandat de conseiller syndical est exercé par chacun des membres du conseil à titre individuel
En second lieu, le conseiller syndical, lorsqu’il agit dans le cadre des trois missions légales susmentionnées, est quasi « intouchable ».
Sa responsabilité, tant vis-à-vis du syndicat (responsabilité contractuelle) que des copropriétaires (responsabilité délictuelle), sera très limitée. Ainsi, dans un arrêt du 29 novembre 2018, la Cour de cassation a jugé que l'engagement de la responsabilité du conseiller syndical par un copropriétaire (tiers au mandat) requiert l'existence d'une faute suffisamment grave qui, au cas d'espèce, n'était pas constituée par une négligence dans la surveillance des comptes du syndic en l'absence de collusion frauduleuse entre le conseiller syndical et le syndic (Civ. 3ème, 29 nov. 2018, pourvoi n° 17-27.766).
En tant que bénévole, le conseiller syndical est donc protégé par les dispositions précitée de l’article 1992 du code civil. Il l’est également par le fonctionnement même de la copropriété et de liberté de vote des copropriétaires. En effet, les conseillers syndicaux ne sauraient en toute hypothèse être tenus responsables des conséquences des décisions souveraines de l'assemblée (CA Paris, pôle 4 - ch. 2, 21 juin 2017, n° 15/09932, à propos d'une augmentation de budget résultant prétendument du conseil syndical).
Dans une affaire similaire, où une copropriétaire invoquait un abus d'autorité de l'ensemble du conseil syndical par le dépôt de notes indiquant le sens du vote des membres du conseil dans les boîtes aux lettres de la copropriété avant l'assemblée, la Cour d'appel de Paris a de nouveau rappelé que les copropriétaires réunis en assemblée générale sont libres de voter comme ils l'entendent, qu'il appartient au conseil syndical de donner son avis à l'assemblée générale en vertu de l'article 21 de la loi du 10 juillet 1965 et que le fait d'avoir remis à chacun un avis sur les différents projets de résolution n'était pas fautif (pôle 4 - ch. 2, 20 sept. 2017, n° 15/10113).
Il en résulte que l’engagement de la responsabilité d’un conseiller syndical est quasi-impossible en pratique ; les auteurs du présent article n’ont d’ailleurs trouvé aucun jugement de condamnation d’un conseiller qui aurait manqué à ses obligations de mandataires. On peut déduire « en creux » de la jurisprudence les conditions auxquelles un conseiller pourrait être condamné dans le cadre de son mandat : il faudrait qu’il ait agi avec mauvaise foi, dans le but de nuire au syndicat ou à un ou plusieurs copropriétaires, étant rappelé qu’il appartiendrait à ces derniers de rapporter la preuve de ce comportement volontairement nuisible ou malveillant…
En revanche, si le conseiller syndical outrepasse ses fonctions légales, il ne sera aucunement protégé par son mandat. Il devra donc répondre de ses actes comme n’importe quel copropriétaire.
Deux cas peuvent être cités :
1°) En premier lieu, la présence sans autorisation de membres du Conseil syndical dans un logement privé est probablement constitutif d’une violation de domicile, quand bien même ceux-ci, chargés d’ « assister le syndic » se rendraient sur les lieux à l’invitation du gestionnaire. On rappellera à cet égard que les missions du Conseil syndical ont été précisées dans un sens restrictif dans une récente réponse ministérielle (Réponse du Ministère de la Justice à la question du Sénateur Yves Détraigne - publiée dans le JO Sénat du 27/08/2020 - page 3802) :
« Le conseil syndical est un organe de contrôle et d'assistance du syndic, non de gestion ou d'administration. Il ne dispose donc d'aucun pouvoir propre au titre de l'administration de la copropriété, à la différence du syndic, et il ne peut se substituer au gestionnaire de l'immeuble ».
2°) En second lieu, et de manière encore plus évidente, un conseiller syndical n’est pas protégé par son mandat s’il tient des propos diffamatoires, que ce soit à l’encontre du syndic, d’autres copropriétaires ou du gardien de l’immeuble (voir l’étude sur ce sujet).
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