I) Une autorisation peut être donnée a posteriori explicitement
L'article 25 b de la loi du 10 juillet 1965 prévoit l'obligation, pour un copropriétaire, de solliciter l'autorisation de l'assemblée générale pour « des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de celui-ci ».
Cette autorisation peut être accordée soit a priori, soit a posteriori. Une autorisation a posteriori, désignée indifféremment par la jurisprudence « ratification », « régularisation » ou « validation », a pour effet de faire disparaître l'irrégularité de travaux engagés sans l'autorisation préalable (Civ. 3e, 20 nov. 1985, n° 84-16414).
II) Une autorisation peut aussi être donnée a posteriori implicitement
Lorsque des travaux ont été réalisés sans autorisation préalable, le copropriétaire peut demander cette autorisation a posteriori. Il arrive toutefois que sur proposition du syndic et/ou du Conseil syndical, le copropriétaire fautif soit "pris de vitesse" par une résolution soumise à l'Assemblée générale visant à le poursuivre en justice.
Si l'assemblée refuse d'engager de telles poursuites judiciaires, peut-on considérer que les travaux litigieux ont été ratifiés implicitement ?
Sauf cas très particuliers, les juges répondent par l'affirmative à cette question.
Ainsi, en 1997, la Cour de cassation juge qu'une décision de ne pas faire procéder à la démolition d'une construction irrégulière (véranda) équivaut à une autorisation a posteriori de ces travaux. Un refus de remise des lieux dans leur état d'origine doit donc être assimilé à une ratification implicite (Cour de cassation - Troisième chambre civile — 19 novembre 1997 - n° 96-10.771). Il s’agit d’un des premiers arrêts qui donnent du sens positif à une formule négative d’une assemblée générale.
On pouvait en déduire qu’un refus de poursuivre un copropriétaire ayant exécuté des travaux illicites valait également régularisation tacite desdits travaux. Il faut toutefois attendre 2010 pour ce que principe apparaisse dans le raisonnement de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 9 juin 2010, n° 09-15.013).
Cet arrêt est aussi intéressant en ce qu’il énonce qu’une autorisation, fût-elle acquise implicitement, crée, à l’expiration du délai de contestation de l’AG, un droit acquis dont peut se prévaloir le copropriétaire et sur lequel il n’est donc pas possible de revenir.
III) Les illustrations jurisprudentielles
Depuis 2010, nombreux sont les arrêts de première instance et d’appel faisant application de ce principe de ratification implicite.
Ainsi, le TGI de Lyon juge en 2011 que « le rejet de la proposition qui lui était faite de faire sanctionner les travaux irréguliers réalisés par M. et Mme B équivaut, de la part de l’assemblée générale des copropriétaires statuant à la majorité des voix, à une autorisation a posteriori de l’installation contestée » (TGI Lyon, 3e ch., 17 mars 2011, n° 04/07934). La cour d’appel de Lyon confirme le jugement sur ce point.
Plusieurs autres jugements peuvent être ici présentés, tous concordants :
- « Attendu qu’il est admis que des travaux non autorisés selon la procédure régulière de l’article 25b de la loi du 10 juillet 1965 peuvent être ratifiés implicitement par le rejet de la demande de suppression des ouvrages » (TGI Paris, 8e ch. 2e sect., 9 juin 2011, n° 10/02207) ;
- « la décision de ne pas poursuivre ces copropriétaires pouvant s’analyser en une ratification implicite » (CA Versailles, 22 sept. 2016, n° 15/07048)
- « La jurisprudence rappelle qu’en application de ce texte [art 25 de la loi du 10 juillet 1965], l’autorisation donnée par l’assemblée générale des copropriétaires doit être expresse, et elle ne retient l’existence d’une ratification implicite, par l’assemblée générale des copropriétaires, des travaux illicites, car non autorisés, réalisés sur les parties communes, que si la dite assemblée générale a pris la décision de ne pas exercer de poursuites contre le copropriétaire fautif » (TGI Toulouse, 1re ch. civ., 26 févr. 2015, n° 11/02724) ;
- « La ratification peut être expresse mais peut également se déduire du refus de l’assemblée générale des copropriétaires d’engager des poursuites contre le copropriétaire fautif » (TGI Paris, réf., 15 nov. 2017, n° 17/58384);
- « L’assemblée générale peut autoriser les travaux a posteriori, soit explicitement, soit implicitement » (CA Paris, pôle 4 - ch. 2, 15 mai 2019, n° 17/05004).
CONCLUSION
« Une décision d'assemblée générale peut aussi bien être positive que négative. En l’interprétant sans la dénaturer, il est possible de donner un sens positif à une forme négative ». Telle était, en 1997, l'analyse visionnaire du regretté Pierre Capoulade, présenté à juste titre comme le père du droit de la copropriété. La jurisprudence ultérieure lui a donné raison.
Le droit de la copropriété est décidément plein de surprises... Non seulement une autorisation peut être donnée a posteriori, mais encore cette dernière peut résulter d'un refus de poursuivre le copropriétaire fautif.
Naturellement, si la jurisprudence admet ce principe de ratification implicite c’est à la condition que le refus de poursuites ait fait l’objet d’une décision claire et explicite sanctionnée par un vote formel de l’assemblée générale.
En conséquence, une décision du syndic de ne pas engager de poursuites n’aurait pas de valeur dans la mesure où « l'accord du syndic ne peut se substituer à une autorisation expresse et régulière de l'assemblée générale » (Civ. 3e, 22 mars 2018, no 17-10.053).
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