Les sociétés de participations financières de professions libérales (SPFPL) ont pour objet social la prise de participation dans une ou plusieurs sociétés d’exercice libérale, ainsi que des activités accessoires en relation directe avec son objet.
Il s’agit d’une véritable « holding » des professions libérales, dont l’intérêt juridique et fiscal mérite une grande attention.
Si ce type de société s’applique aux professions libérales (médecins, avocats, pharmaciens, notaires…), nous nous attacherons aux particularités des SPFPL de pharmacie.
I- Les fondements juridiques spécifiques de la SPFPL de pharmacie
Si les SPFPL existent depuis la loi du 11 décembre 2001 (loi MURCEF), le décret d’application concernant les pharmacies ne date que du 4 juin 2013 (Décret n°2013-466, du 4 juin 2013, intégré aux articles R-5125-24-1 et suivants du Code de la santé publique).
Selon ce décret, une SPFPL peut être constituée par :
- Des pharmaciens titulaires ;
- Des pharmaciens adjoints ;
- Une société d’exercice libéral de pharmaciens d’officine.
Chaque titulaire de l’officine doit détenir une part au minimum dans la SEL et, s’ils ne sont pas majoritaires directement dans la SEL, ils doivent détenir la majorité des droits sociaux dans la SPFPL, afin de détenir indirectement la majorité dans la SEL et en conserver le contrôle.
Les associés peuvent aussi être des anciens pharmaciens pendant 10 ans à compter de la date de cessation de leur activité professionnelle.
Ils doivent avoir exercé au sein de l’une des SEL dont les parts ou les actions sont détenues par la SPFPL.
Les autres professionnels de santé ne peuvent pas détenir des parts ou des actions d’une SPFPL de pharmaciens d’officine (article R5125-24-2 du code de la santé publique).
Depuis la loi santé du 26 janvier 2016, les pharmaciens adjoints peuvent aussi détenir une fraction du capital social.
II- Création de la SPFPL de pharmacie
Pour créer une SPFPL, il faut tout d’abord créer la société sous forme de SARL ou SAS.
Il peut s’agir d’une société unipersonnelle dont le dirigeant est le seul associé.
Il est ensuite nécessaire d’effectuer un apport de titres depuis la SEL vers la SPFPL et une augmentation du capital social de la SPFPL.
La SPFPL devient donc associée de la SEL en détenant une partie du capital social.
Une SPFPL de pharmaciens d’officine peut détenir la majorité du capital et des droits de vote d’une SEL de pharmaciens d’officine lorsque la majorité de son capital et de ses droits de vote sont détenus par un ou plusieurs titulaires de l’officine exploitée par la SEL.
Par exemple, une SPFPL détient 95% du capital d’une SEL, le titulaire de l’officine détient 100% du capital de la SPFPL.
Ou une SPFPL détient 50,01% du capital social de la SEL et un ou plusieurs titulaires de l’officine détiennent 50,01% du capital de la SPFPL.
Il faut ensuite que le conseil de l’Ordre valide la demande d’inscription de la société selon l’article R5125-24-4 du code de la santé publique.
Pour cela, les associés ou leur Conseil doivent déposer un dossier complet contenant (article R5125-24-5 du code de la santé publique) :
- Les formulaires de l’Ordre remplis ;
- Les statuts de la société ;
- Un récépissé de dépôt au greffe du registre du commerce et des sociétés d’une demande d’immatriculation à l’Ordre ;
- La liste complète des associés ;
- Les conventions organisant le fonctionnement entre les associés.
Une SPFPL de pharmacies d’officine peut détenir des participations dans trois sociétés d’exercice libéral de pharmaciens au maximum.
III- Avantages et régimes fiscaux de la SPFPL de pharmacie
1) L’intégration fiscale
Si la SPFPL détient 95 % du capital et des droits de vote de la SEL reprise, elle peut bénéficier du régime de l’intégration fiscale.
Cette technique permet de compenser les bénéfices et les déficits des différentes sociétés membres du groupe.
L’impôt est acquitté au niveau de la société mère : la SPFPL.
Plusieurs avantages ressortent de ce mécanisme :
- Le résultat net imposable est diminué lorsqu’une des sociétés du groupe est en déficit ;
- La neutralisation des abandons de créance ;
- La neutralisation des plus-values de cession d’éléments de l’actif immobilisé ;
- Les intérêts d’emprunt sont déductibles.
Afin que ce mécanisme d’intégration fiscale fonctionne, il faut que la SPFPL et la SEL détiennent la même date de clôture de leur exercice comptable.
De plus, il est important que la société mère soit constituée avant l’acquisition des parts de la SEL.
Elle doit aussi avoir un premier exercice comptable clôturé.
2) Le régime « Mère / Fille »
En vertu de l’article 145 du Code général des impôts, toute société détenant plus de 5% du capital d’une autre société peut considérer ladite société comme sa « fille ».
Ce régime permet une exonération quasi totale des dividendes versés par la société d’exercice libérale à ses associés, donc à la SPFPL.
En vertu des dispositions de l’article 216 du Code général des impôts, une quote-part pour frais et charges de 5% s’applique aux dividendes versés par la société d’exercice libéral à ses associés (la SPFPL), soit un taux effectif d’imposition sur les dividendes distribués seulement égal à 1,25% (5% x 25%).
En d’autres termes, l’application du régime mère/fille permet une remontée quasi déductible des bénéfices de la société d’exercice libérale à la SPFPL.
La mise en œuvre du régime mère/fille est soumise à conditions, notamment relatives à la durée de détention et au formalisme de l’option audit régime, qui doivent être respectées.
3) Les intérêts d’emprunt
L’impôt sur les sociétés est particulièrement avantageux pour le détenteur de parts sociales ou d’actions au sein d’une SEL lorsqu’elle doit rembourser un emprunt.
La remontée des dividendes vient rembourser le prêt d’acquisition contracté par la société mère ou la holding (SPFPL).
Le résultat affecté aux remboursements de la dette subit l’impôt sur les sociétés au taux de 15% jusqu’à 42 500 euros et au-delà, c’est un taux de 25% qui est appliqué, sans assujettissement aux cotisations TNS (travailleurs non salariés).
Le paiement mensuel de cet emprunt est remboursé principalement par la remontée de dividendes, quasi indolore au regard du régime mère/fille sus évoqué, ou seront réintégrés au résultat de la société holding, au regard du système de l’intégration fiscale.
Les intérêts d’emprunt constituent des charges imputables sur le résultat réalisé par la SPFPL.
En outre, la facturation de prestations de service de la mère vers la fille peut permettre la déductibilité partielle des intérêts du prêt contracté par la société mère.
Il est à souligner que la facturation des prestations de services de la SPFPL et de la SEL n’est pas évidente à justifier au niveau fiscal lorsqu’il y a seulement une seule SEL, mais plus concevable dans le cas de la détention de plusieurs SEL.
Ces derniers doivent mutualiser certains services (achats, administratif, comptabilité…).
L’administration contrôle sévèrement les factures qui doivent refléter sérieusement la réalité des prestations.
4) La cession/acquisition facilitée
De nombreux pharmaciens optent pour le mécanisme de la SPFPL et de la SEL afin de faciliter la cession d’une officine.
La mise en place d’une SPFPL peut en effet faciliter grandement la reprise d’une officine.
Chaque pharmacien envisageant l’acquisition de parts ou d’actions d’une SEL, ou encore la souscription à une augmentation de son capital social, doit se poser la question de l’opportunité de la constitution d’une SPFPL.
En effet, la cession des titres d’une SEL est facilitée par le régime fiscal de faveur dont peut bénéficier une SPFPL.
Les conséquences financières qui en résultent sont particulièrement avantageuses notamment pour de jeunes professionnels s’inscrivant dans une démarche associative.
En effet, l’endettement souscrit pour l’acquisition de la SEL ne sera plus supporté par le pharmacien lui-même, mais par la SPFPL dont il sera associé ou actionnaire.
Le désendettement échappera au régime fiscal du barème progressif de l’impôt sur le revenu.
La charge du désendettement incombera à la SPFPL et le remboursement de la dette sera assuré par les dividendes distribués par la SEL.
Les SPFPL permettent également d’optimiser le retrait des associés d’une SEL dans la mesure où ces derniers auront, préalablement à leur cession, apporté les parts sociales ou les actions qu’ils détenaient au profit d’une SPFPL (régime des apports-cessions).
Les SPFPL conservent le capital en permettant le réinvestissement du produit de cession, conformément à leur objet social, et atténuant les contraintes fiscales de la cession.
5) Activités accessoires
Il est également possible et intéressant que la SPFPL développe des activités accessoires en lien avec son activité principale, par exemple en étant associée dans une SCI qui serait propriétaire du local de la pharmacie.
La SEL de pharmacie peut régler des loyers à la SCI, bailleur et rembourser un crédit.
Les régimes fiscaux précédemment développés restent applicables.
Outre les investissements immobiliers, les SPFPL permettent également la réalisation d’investissements financiers, tels que la souscription à des contrats de capitalisation et l’acquisition de portefeuilles de titres.
En conclusion, les fonctions de la SPFPL sont multiples et avantageuses depuis l’acquisition jusqu’à la cession.
La création d’une SPFPL mérite donc une étude attentive en fonction des besoins de la SEL et quant au régime fiscal approprié.
La SPFPL offre ainsi de nombreuses opportunités de développement de l’activité de pharmacien en créant une structure juridique solide et fiscalement optimisée.
Benjamin MARKOWICZ
AVOCAT au Barreau de PARIS
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