Vous venez de recevoir un avis de vérification de comptabilité (contrôle fiscal) qui vous annonce la prochaine venue d’un inspecteur des finances publiques (vérificateur) dans vos locaux professionnels (siège social). Vous voilà plongé dans un monde d’incertitudes avec en point d’orgue la fameuse question : « que va-t-il trouver ? ».
C’est en effet de cette personne (et de sa hiérarchie) que vont dépendre les conséquences de votre contrôle. Vous pourrez être confronté à une personne pointilleuse aux connaissances très approfondies, comme à quelqu’un de plus « coulant » au savoir un peu faiblard. Un jeune, dont c’est le troisième contrôle, ou un ancien, dont c’est le 300ème. Une personne, très pressée, qui, semble t-il, va à l’essentiel, ou « un éplucheur » qui a soif de détails. Bref, comme j’avais l’occasion de le rappeler récemment, tout cela est à géométrie variable.
Vous vous préparez donc à recevoir cet inspecteur et avez sans doute déjà avisé votre expert comptable qui vous annonce sa disponibilité pour l’entretien qui marquera le début de votre contrôle. D’un air anxieux, si c’est une première, plus rassuré, si vous êtes aguerri, ou enfin, très remonté, si ces joutes antérieures ont viré au traumatisme, vous vous demandez, à ce stade, s’il vous faut un avocat à vos côtés ?
Un premier constat s’impose : l’administration vient rarement chez vous par hasard, elle vient en général vérifier des points précis avec une motivation précise, ce qui laisserait entendre que le futur vérifié est également un futur redressé en puissance, affirmation qui s’avère exacte dans environ 85 % des cas.
Partant de là, et en considération de mon expérience passée, mon sentiment est donc le suivant :
Vous n’avez pas intérêt à montrer que vous êtes assisté trop tôt.
Les résultats d’un contrôle dépendent, pour partie, de la marge de manœuvre laissée à la défense. Hors, si vous affichez votre assistance dès le début du contrôle, il y a de fortes chances pour que l’on vous prépare une armure en face.
En faisant intervenir votre avocat en « présentiel » dès le début de la procédure, vous prenez le risque de voir votre inspecteur sortir un travail de qualité étroitement encadré par sa hiérarchie. Un avocat est un professionnel redouté par l’administration fiscale, notamment parce qu’elle a conscience que les faiblesses de son travail seront sans doute mises à jour par ce dernier. Il en résulte une attention toute particulière sur ce type de dossier avec une conséquence certaine : l’administration cherchera à "bétonner" sa procédure d’imposition en amont, et en tout cas, plus qu’elle ne le fait dans les autres dossiers.
Ne perdez pas de vue que la fin des interventions du vérificateur est matérialisée par une proposition de rectification, document clé qui fonde la procédure d’imposition. Cette LRAR doit vous laisser des marges de manœuvres si vous souhaitez la contester avec succès par la suite… hors, si ce courrier est irréprochable au fond comme en la forme, je vous souhaite bien du courage dans l’exercice de vos recours pour tenter d’obtenir une inversion de tendance.
Faut-il en conclure que vous ne devez pas être assisté par un avocat au début du contrôle ?
Certainement pas, cela me paraît, au contraire, quasiment indispensable, y compris si vous pensez, sans trop en être sûr, que votre dossier ne présente pas d'anomalie. Son appui vous servira, à minima, à passer le cap sans trop de stress. Pour les autres, il vous faut comprendre qu’il est plus facile d’éteindre un incendie qui couve, qu’une fois celui-ci transformé en grand brasier. Il vous faut également comprendre que vous aurez plus de chances de circonscrire cet incendie si vous avez la bonne personne à vos côtés dès le départ. Le professionnel vous accompagnant doit savoir déceler son seuil d’incompétence tant sur le fond de votre vérification que sur la procédure l’encadrant.
Hors, d’expérience, je peux faire deux constats :
-Rares sont les entreprises à avoir un avocat dès le début du contrôle.
-Rares sont les entreprises à ne pas avoir d’avocat à la fin d’un contrôle difficile.
Sauf qu’entre les deux termes, vous aurez laissé s’écouler un bien précieux : le temps… et c’est précisément sous l’effet de ce temps, donc d’une procédure corrélativement très avancée, que votre dossier peut devenir difficilement défendable. C’est au stade des interventions sur place du vérificateur que l’évolution péjorative d’un dossier va se jouer et il vous sera bien plus difficile de renverser cette tendance si vous n’êtes pas accompagné, à ce stade, par un avocat.
La solution réside donc, à mon sens, dans l’anticipation en faisant intervenir un confrère pratiquant le contentieux fiscal dès le début de la vérification … mais sans que celui-ci n’intervienne directement auprès du vérificateur, et ce, jusqu’à ce que ce dernier ait adressé sa proposition de rectification à l’entreprise (sauf circonstances exceptionnelles qui justifieraient sa présence).
Vous laisserez donc votre inspecteur faire ses interventions en faisant montre d’une collaboration pensée avec votre avocat. Seul un œil averti peut anticiper ce qu’il peut vous arriver, et, de cette façon, agir pour tenter de faire en sorte que cela ne vous arrive pas. En résumé, il vous indiquera ce qu’il faut dire, ne pas dire, faire, ne pas faire, produire ou s’abstenir de produire (en évitant l’écueil, lourdement sanctionné, de l’opposition à contrôle fiscal). Il essaiera de créer les conditions qui, s’il y a une proposition de rectification à la suite, vous laissent cette fameuse marge de manœuvre dont je parle supra.
Permettez-moi enfin une précision car je ne souhaite pas vous laissez partir sur une idée fausse : tous les contrôles ne se terminent pas en brasier, loin s’en faut, mais la pratique m’a permis de faire un constat : vous ne verrez pas forcément venir assez tôt ceux qui vont se terminer de la sorte, raison pour laquelle s’adjoindre les services d'un avocat, très en amont, me paraît être une excellente idée.