I. RAPPEL DES FAITS
Un bailleur notifie un congé pour vendre à son locataire lequel ne préempte pas et une promesse de vente est consentie à un tiers à un prix plus avantageux que celui proposé à l'origine.
Le droit de préemption subsidiaire est donc notifié au locataire « au prix de 380 000 euros, dont 10 000 euros de commission d'agence ».
Cette fois, Le locataire préempte (car sans la commission, le prix est intéressant) et demande le « remboursement » de la commission.
Le locataire est débouté de sa demande par les juges d'appel d'AMIENS et il se pourvoit en cassation.
II. POSITION DE LA COUR DE CASSATION
La Cour de cassation censure les juges d'appel au motif que le locataire qui exerce son droit de préemption subsidiaire « n'avait pas à être présenté par l'agent immobilier », car ce dernier est « mandaté par le propriétaire pour rechercher un acquéreur, ne peut se voir imposer le paiement d'une commission renchérissant le prix du bien »
L'exercice du droit de préemption subsidiaire exclut donc le paiement d'une commission par le locataire (tout comme l'exercice du droit de préemption).
III. BRÊVE ANALYSE
La Cour de cassation a opéré un contrôle normatif. En effet, elle a reproché aux juges d'appel d'avoir violé l'article 15 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 et l'article 6 de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 (loi "HOGUET").
L'article 15 de la loi précitée dispose que « dans le cas où le propriétaire, après un refus de l'offre initiale de vente adressée au locataire, décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l'acquéreur, le notaire doit, lorsque le bailleur n'y a pas préalablement procédé, notifier au locataire ces conditions et prix à peine de nullité de la vente et cette notification vaut offre de vente au profit du locataire ».
Selon l'article 6 de loi HOGUET, « le droit à rémunération de l'agent immobilier, auquel un mandat de recherche a été confié, suppose une mise en relation entre le vendeur et l'acquéreur ».
Par une interprétation stricto sensu de la loi HOGUET, la Cour de cassation énonce donc (sans surprise) que le droit à rémunération de l'agent immobilier « suppose une mise en relation entre le vendeur et l'acquéreur ».
Or, en l'espèce, jamais le locataire n'a été présenté au bailleur par l'agent immobilier.
Aussi, ce dernier n'était qu'un "fantôme" et ne pouvait prétendre à aucune rémunération...
IV. CETTE DÉCISION S'APPLIQUERAIT-ELLE EN PRÉSENCE D'HONORAIRES À LA CHARGE DU VENDEUR ?
S'il est indiscutable que la commission est à la charge de l'acquéreur et qu'elle n'est pas due par le locataire en cas d'exercice de son droit de préemption subsidiaire, quid lorsque la commission est à la charge du vendeur ?!
Cette question s'était déjà posée s'agissant du droit de préemption initial et, le 3 juillet 2013, la Cour de cassation avait répondu que le locataire, non présenté par l'agent immobilier, n'est redevable d'aucune commission (Civ. 3e, 3 juillet 2013, 12-19.442).
Les termes de cet arrêt sont identiques à celui, objet du présent commentaire.
Cela signifie que l'agent immobilier n'est pas fondé à percevoir d'honoraires en cas de préemption du locataire, que les honoraires soient à la charge de l'acquéreur ou du vendeur.
La solution serait différente si l'agent démontrait intervenir dans les relations entre le locataire acquéreur et le bailleur vendeur... ce qui est possible, mais compliqué à mettre en oeuvre.
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Me Grégory ROULAND - avocat au Barreau de PARIS
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