Amiante : l'agent immobilier peut partager la responsabilité du diagnostiqueur

Publié le 01/04/2023 Vu 2 305 fois 0
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Le 16 mars 2023 (n°21-25.082), la Cour de cassation indique que l’agent immobilier peut engager sa responsabilité avec le diagnostiqueur en cas de présence d'amiante dans un bien immobilier vendu.

Le 16 mars 2023 (n°21-25.082), la Cour de cassation indique que l’agent immobilier peut engager sa responsa

Amiante : l'agent immobilier peut partager la responsabilité du diagnostiqueur

I. BREF RAPPEL DES FAITS

En 2014, un couple acquiert un pavillon de type « Mondial Pratic » (= construction à base de plaques en fibrociment contenant de l'amiante) à NOISY LE GRAND, par l'intermédiaire d'une agence immobilière, au prix net vendeur de 265 000 euros, outre des frais d'agence de 13 000 euros.

Le rapport « amiante » contenu annexé au compromis de vente et effectué peu avant la signature du compromis, a conclu à l'absence d'amiante ou de produits amiantés.

Or, les acquéreurs découvrent la présence d’amiante dans la maison, si bien qui'ls assignent le diagnostiqueur et l’agent immobilier en indemnisation de leurs préjudices.

 

II. MOTIVATION DE LA COUR D'APPEL DE PARIS

Le 28 septembre 2021 (RG n°19/020805), la Cour d'appel de PARIS condamne l’agent immobilier et le diagnostiqueur à régler la somme de 185 899€ aux acquéreurs à titre d'indemnisation. En effet, la maison était totalement inhabitable et nécessitait des travaux de remise en état.

A. UN DIAGNOSTIQUEUR PEU CONSCIENCIEUX

Devant la Cour d'appel, le diagnostiqueur indique que son travail consistait à un examen visuel, sans travaux destructif.

Les juges d'appel rétorquent que si la recherche d'amiante dans le cadre d'un diagnostic avant-vente doit effectivement être réalisée sans travaux destructifs, cela ne signifie pas que le diagnostiqueur peut se contenter d'un simple contrôle visuel !

En effet, le diagnostiqueur est tenu à une obligation de moyens renforcée, ce qui signifie qu'il doit procéder à un sondage non destructif, mais qui permet de s'assurer de l'absence d'amiante ou, à défaut, d'émettre des réserves sur des zones qu'il n'aurait pu diagnostiquer.

D'ailleurs, les juges d'appel rappellent que l'article B.3.2 de la norme NFX 46-020 (donnant la méthodologie à suivre par les diagnostiqueurs et qui a fait l'objet d'une révision en 2017), dispose que l'opérateur ne peut se satisfaire d'un simple contrôle visuel, mais doit mettre en oeuvre les moyens nécessaires à la bonne exécution de son intervention :

B.3.2 Procédure d’intervention :

'"L'opérateur est seul responsable de la procédure d’intervention retenue et pratiquée. Dans le cas où les investigations approfondies nécessitent l'intervention d'un tiers (entreprise de travaux ou de maintenance), le donneur d'ordre informe les intervenants du risque de présence d'amiante.

La procédure d’intervention doit être adaptée au but de l'investigation approfondie. L'opérateur ne doit pas limiter son intervention à un simple contrôle visuel, ni réduire son programme de repérage. Aussi, il doit prescrire ou mettre en œuvre les moyens nécessaires à la bonne exécution de sa mission."

Ainsi, selon les juges d'appel, le diagnostiqueur doit systématiquement "tester la résistance de plaques susceptibles de contenir de l'amiante ou accéder aux combles au moyen de trappes existantes ainsi qu'effectuer des tests sonores et de grattage".

Les juges d'appel sont donc très clairs sur les diligences du diagnostiqueur : sans sondage destructif, il est aisé de remplir sa mission.

D'ailleurs, dans la présente affaire, les juges ont pu constater que les combles étaient parfaitement accessibles ainsi que les grilles de ventilation depuis l'extérieur... mais encore aurait-il fallu que le diagnostiqueur ait pris le soin ou l'idée d'utiliser une échelle...

Mieux encore, les juges ajoutent que la nature de la construction laissait présumer l'existence de produits ou matériaux

En somme, la responsabilité délictuelle du diagnostiqueur est engagée, faute d'avoir procédé à des sondages non destructifs, qui auraient permis de suspecter la présence d'amiante.

 

B. UN AGENT IMMOBILIER QUI A INCORRECTEMENT INFORMÉ LES ACQUÉREURS

S'il est acquis, suivant la jurisprudence, qu'un agent immobilier n'est pas un professionnel de la construction, il doit néanmoins informer et renseigner précisément et complètement les tiers acquéreurs.

A ce titre, les juges d'appel soulignent que l'agent immobilier doit faire part à l'acquéreur des informations dont il a connaissance sur l'immeuble.

En l'espèce, l'agent immobilier a opéré une rétention d'information, car ce n'est que le jour de la signature de l'acte authentique, que les acquéreurs ont appris que la maison vendue était du type « MONDIAL PRATIC »...

Les acquéreurs, après des recherches sur internet ont appris que ces constructions comprenaient de l'amiante.

En outre, le type de construction du pavillon d'habitation figurait dans l'attestation immobilière remise le jour de la vente devant notaire aux acquéreurs...

En qualité de mandant des vendeurs et ayant réalisé la vente, l'agence immobilière ne pouvait ignorer cet élément essentiel, qu'il aurait dû communiquer aux acquéreurs afin de leur permettre de s'informer avant la signature du compromis de vente sur ce type de construction, susceptible de contenir de l'amiante.

Autrement dit, l'agence immobilière qui ne pouvait ignorer que le bien avait été construit à base de plaques en fibrociment contenant de l’amiante, n'a pas correctement informé les acheteurs sur la nature exacte de l'immeuble, si bien que sa carence engage sa responsabilité.

 

III. POSITION DE LA COUR DE CASSATION

L'agent immobilier et le diagnostiqueur saisissent la Cour de cassation, mais en vain, l'arrêt d'appel est confirmé.

La Cour de cassation considère que l'agent immobilier, en sa qualité de professionnel de l’immobilier, ne pouvait ignorer que le bien dont il avait été chargé de réaliser la vente avait été construit à base de plaques en fibrociment contenant de l’amiante.

La Cour ajoute qu'il appartenait à l'agent immobilier de mentionner la date et le type de construction de la maison dans la promesse de vente, s'agissant de caractéristiques essentielles du bien vendu.

Par sa carence, l'agent immobilier a commis une faute qui a engagé sa responsabilité.

L'arrêt d'appel est également confirmé sur la condamnation de l'agent et du diagnostiqueur.

 

IV. QUE RETENIR DE CET ARRÊT ?

C'est très simple. L'agent immobilier n'est pas un diagnostiqueur et il n'a pas à effectuer de relevés techniques.

Cependant, l'agent reste tenu d'un devoir d'information envers les acquéreurs non professionnels. Il doit pouvoir justifier qu'il les a suffisamment renseignés sur la description du bien vendu, notamment en les mettant en garde contre les vices apparents et/ou les vices cachés.

Pour ce faire, l'agent immobilier doit remettre aux acquéreurs, avant la signature du compromis de vente, l'attestation immobilière détaillant le bien et son type de construction.

De la sorte, l'agent a correctement renseigné les acquéreurs qui sont en possession de tous les éléments essentiels pour donner un consentement éclairé.

Quant au diagnostiqueur, on ne saurait que trop conseiller de choisir un professionnel correct, car certains effectuent des examens visuels de manière approximative... ce qui n'est pas sérieux, surtout dans une société qui n'hésite plus à saisir la justice.

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