I. EXPOSÉ DES FAITS
Démarchée à son domicile par deux sociétés GOURINY & CO (en faillite depuis le 07 novembre 2017 et qui exerçait sous l'enseigne START ENERGIE) et ECO-HOME 47 (radiée depuis le 29 avril 2019), une personne accepte de souscrire neuf crédits auprès de 5 établissements bancaires renommés :
- Auprès de la société FRANFINANCE, un crédit affecté à des travaux d'isolation de combles pour un montant de 5 200 euros au taux d'intérêts conventionnel de 4,79 % l'an,
- Auprès de la société Financo, un crédit affecté à l'installation de radiateurs pour un montant de 12 000 euros, au taux d'intérêts conventionnel de 6,72 % l'an,
- Auprès de la société Financo, un crédit affecté à des travaux d'isolation de combles pour un montant de 5 000 euros, au taux d'intérêts conventionnel de 6,72 % l'an,
- Auprès de la société Franfinance, un crédit affecté à des travaux de réfection de la toiture d'un montant de 9 000 euros, au taux d'intérêts conventionnel de 4,79 % l'an
- Auprès de la société CETELEM (ou BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE), un crédit affecté à des travaux d'isolation de combles pour montant de 18 000 euros, au taux d'intérêts conventionnel de 4,84 % l'an
- Auprès de la société SOFINCO (ou CA CONSUMER FINANCE), un crédit affecté à l'installation d'un ballon thermodynamique d'un montant de 3 000 euros au taux d'intérêts conventionnel de 7,65 % l'an
- Auprès de la société SOFINCO (ou CA CONSUMER FINANCE), un crédit affecté à l'installation d'un système de traitement de l'eau d'un montant de 8 200 euros, au taux d'intérêts conventionnel de 7,65 % l'an
- Auprès de la société DOMOFINANCE, un crédit affecté à l'installation d'une pompe à chaleur d'un montant de 21 500 euros, au taux d'intérêts conventionnel de 2,23 % l'an
- Auprès de la société DOMOFINANCE, un crédit affecté à l'installation d'un système de ventilation d'un montant de 4 000 euros, au taux d'intérêts conventionnel de 3,87 % l'an.
En effet, le 29 mars 2016, le juge des tutelles d'AGEN a placé l'acquéreur sous sauvegarde de justice, en attendant qu'il soit placé sous un régime de protection, avec désignation d'un mandataire spécial notamment pour percevoir ses revenus, les appliquer à son entretien et à l'acquittement des dettes auxquelles il pourrait être tenu et faire fonctionner ses comptes bancaires.
Mais l'acquéreur est décédé peu après, dans le courant de l'année 2016, à l'âge de 77 ans.
Les héritiers du défunt ont alors saisi la justice pour obtenir l'annulation des contrats de crédit pour vice du consentement.
II. CONDAMNATION DES HERITIERS PAR LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS
III. ANNULATION DU JUGEMENT PAR LA COUR D'APPEL DE PARIS
A. RAPPEL DE LA LOI EN VIGUEUR (avant l'ordonnance du 10 février 2016)
"Pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte."
"De son vivant, l'action en nullité n'appartient qu'à l'intéressé.
Après sa mort, les actes faits par lui, autres que la donation entre vifs et le testament, ne peuvent être attaqués par ses héritiers, pour insanité d'esprit, que dans les cas suivants :
1° Si l'acte porte en lui-même la preuve d'un trouble mental ;
2° S'il a été fait alors que l'intéressé était placé sous sauvegarde de justice ;
3° Si une action a été introduite avant son décès aux fins d'ouverture d'une curatelle ou d'une tutelle ou si effet a été donné au mandat de protection future."
"Les obligations résultant des actes accomplis par la personne protégée moins de deux ans avant la publicité du jugement d'ouverture de la mesure de protection peuvent être réduites sur la seule preuve que son inaptitude à défendre ses intérêts, par suite de l'altération de ses facultés personnelles, était notoire ou connue du cocontractant à l'époque où les actes ont été passés.
Ces actes peuvent, dans les mêmes conditions, être annulés s'il est justifié d'un préjudice subi par la personne protégée."
B. APPLICATION AU LITIGE
C. ANNULATION DES CONTRATS DE PRÊT AU MOYEN DE PREUVE DE L'INSANITÉ D'ESPRIT
D. Sur les conséquences de l'annulation des contrats de crédit
Quiconque aura abusé de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne pour lui faire souscrire, par le moyen de visites à domicile, des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit sera puni d'un emprisonnement de trois ans et d'une amende de 375 000 euros ou de l'une de ces deux peines seulement, lorsque les circonstances montrent que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire, ou font apparaître qu'elle a été soumise à une contrainte.
Ce devoir oblige le banquier, avant d'apporter son concours, à vérifier les capacités financières de son client et à le prévenir sur les risques encourus, sans pour autant être tenu de vérifier la véracité des renseignements indiqués par l'emprunteur quant à ses revenus et son patrimoine, ces indications étant effectuées sous sa seule responsabilité (jurisprudence constante, bien que critiquable).
En l'espèce, il a été démontré que les bons de commande (d'un total de 117 800€) ont été présentés à l'acquéreur en moins deux mois et demi (août à novembre 2015).
Si une partie de ces travaux a été payée comptant, l'acquéreur a accepté d'en financer une partie en souscrivant les 9 contrats litigieux entre mars 2014 et octobre 2015 pour un montant total de 85 900€.
Il est donc manifeste que l'endettement de l'acquéreur a été réalisé par l'intervention des deux sociétés venderesses, qui ont agi en qualité d'intermédiaires des 5 établissements de crédit.
Or, l'état d'affaiblissement psychique et physique apparent de l'acquéreur, constaté médicalement, ne lui permettait pas de comprendre le contenu et la portée des 9 crédits signés en l'espace de moins de deux années.
Selon la Cour, en faisant remplir à l'acquéreur les différents documents contractuels (bons de commande et crédit), les démarcheurs des sociétés ECO HOME 47 et GOURINY AND CO ne pouvaient pans ignorer l'état de faiblesse psychique et intellectuelle de l'acquéreur.
Ils ne pouvaient d'autant moins ignorer que l'acquéreur n'était pas en mesure de comprendre les conséquences des documents qu'il signait et des pièces justificatives de solvabilité qu'il fournissait, afin de justifier ses capacités financières totalement convaincantes dans les différentes fiches de dialogue remplies pour les 9 crédits.
Il en résulte que les 5 établissements de crédit doivent répondre des fautes commises par leurs représentants à l'égard de l'emprunteur, ces fautes ayant induit pour ce dernier et ses héritiers un préjudice lié à un endettement caractérisé.
Aussi, les juges d'appel en concluent que "ces fautes doivent priver chacun des établissements de son droit à restitution du capital emprunté".
Infirmant alors le jugement, les juges d'appel déclarent que les héritiers de l'emprunteur ne seront pas tenus de rembourser les 9 crédits.
_______________________________________________________________________________________________
Me Grégory ROULAND - avocat au Barreau de PARIS
Tél. : 0689490792
Mail : gregory.rouland@outlook.fr