I. RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Le 10 juin 2014, un couple acquiert un kit photovoltaïque auprès de la société SOL IN AIR (aujourd'hui en faillite) pour la somme de 22.500€.
Cette acquisition s'opère grâce à un crédit souscrit auprès de SYGMA BANQUE, rachetée par BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE (alias CETELEM).
Faute pour l'installation de fonctionner, le couple d'acquéreurs assigne le vendeur et la banque devant le tribunal d'instance de PARIS 19e.
Le 10 août 2015, durant la procédure, les emprunteurs font opposition aux prélèvements, car asphyxiés financièrement.
Le 20 octobre 2015, le Tribunal d'instance de PARIS 19e prononce la résolution des contrats de vente et de crédit, et exonère les emprunteurs de devoir rembourser le prêt.
Quelques mois plus tard, la banque prononce la déchéance du terme et réclame aux emprunteurs le remboursement du crédit dans son intégralité avec les intérêts, soit la somme de 32.109€.
Puis, elle interjette appel, mais sans réclamer la condamnation des emprunteurs à rembourser la somme de 32.109€. Au contraire, elle se contente de demander l'annulation du jugement.
Le 11 avril 2019, la Cour d'appel de PARIS donne gain de cause au prêteur et indique que les contrats de vente et de crédit continueront à produire leurs effets.
De fait, les emprunteurs ont été condamnés à continuer à payer le crédit.
Mais il y avait une faille dans la procédure en faveur des emprunteurs.
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II. DIFFICULTE EMPÊCHANT LE PAIEMENT DU PRÊT
On le sait, devant la Cour d'appel, BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a demandé l'annulation du jugement, mais pas la condamnation des emprunteurs à rembourser l'intégralité du crédit.
Par conséquent, les emprunteurs ont refusé de régler le crédit, malgré leur condamnation.
Face à leur refus, la banque a cru bon de prononcer de nouveau la déchéance du terme, puis d'assigner les emprunteurs devant le tribunal judiciaire de CHALON SUR SAONE.
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III. RAISONNEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE
La banque a réclamé la condamnation des emprunteurs à payer la somme de plus de 33.000€, au motif de la déchéance du terme.
Or, la banque a omis une règle essentielle : le temps qui lui était imparti pour réclamer le paiement du crédit.
En effet, selon l’article R. 312-35 du Code de consommation, les actions en paiement engagées devant le tribunal judiciaire à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion ; cet événement est caractérisé par le premier incident de paiement non régularisé.
En clair, à partir du premier impayé, la banque dispose d'un délai de 2 ans pour réclamer au débiteur le remboursement du crédit, sous peine de voir sa demande rejetée.
En l'espèce, le 1er incident de paiement date du 10 août 2015.
De fait, la banque avait jusqu'au 10 août 2017 pour réclamer aux emprunteurs le remboursement, du crédit, ce qu'elle n'a jamais fait devant la Cour d'appel de PARIS...
S'agit-il d'une omission ou d'une erreur ? on l'ignore, mais l'avocat des emprunteurs l'a relevé et en a profité pour contourner l'arrêt de la Cour d'appel de PARIS.
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Pour rattraper sa carence devant le Tribunal de CHALON SUR SAONE, la banque a soutenu que le délai de 2 ans avait été interrompu par la procédure d'appel, si bien qu'elle pouvait parfaitement assigner les emprunteurs et réclamer le remboursement du crédit.
Un tel raisonnement est juridiquement erroné.
En effet, le délai 2 ans est un délai de forclusion qui court à compter du premier incident de paiement non régularisé (Civ. 1ère, 17 juillet 1996, n°94-13.875).
Il s'agit d'un délai d'ordre préfix, c'est-à -dire qu'il est insusceptible d'interruption ou de suspension, excepté au moyen d’une action en paiement, tels qu’une citation en justice, un commandement de payer ou encore une demande reconventionnelle déposée à une audience en justice.
Aussi, le seul fait que BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE ait saisi la Cour d'appel de PARIS pour demander l'infirmation du jugement n'a pas permis d'interrompre ou suspendre le délai de forclusion de 2 ans. Pour obtenir cette suspension ou interruption, la banque aurait dû informer les juges d'appel que les emprunteurs avaient cessé de rembourser le crédit et réclamer leur condamnation à payer l'intégralité de celui-ci.
C'est pourquoi le Tribunal de CHALON EN CHAMPAGNE a indiqué que "ni le jugement [du Tribunal d'instance de PARIS 19e], ni l'arrêt [de la Cour d'appel de PARIS] n'ont pour effet d'interrompre ou de suspendre le délai biennal de forclusion"
Par conséquent, la banque a été déclarée irrecevable dans ses demandes.
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IV. EN RÉSUMÉ
Quoi de plus beau, lorsqu'on est condamné à payer un crédit, de finalement pouvoir recommencer une procédure et échapper à sa condamnation, grâce à la carence de la banque ?
Je reste à votre disposition :
Me Grégory ROULAND - avocat au Barreau de PARIS
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