I. EXPOSÉ DU LITIGE
Le 29 février 2016, la société SUNGOLD démarche un couple de personnes et les convainc d’acquérir un kit photovoltaïque, pour la somme de 21.500€. Aux termes du contrat de vente, le vendeur s’était également chargé d’obtenir l’accord de la Mairie, l’attestation du Consuel et de faire raccorder les panneaux au réseau public.
Pour financer cette acquisition, les acquéreurs ont souscrit un crédit à la consommation auprès de la SA COFIDIS.
Le 15 mars 2016, soit 15 jours après la signature, SUNGOLD a procédé à l’installation du kit photovoltaïque, mais ne s’est pas occupée de le faire raccorder. D’ailleurs, elle ne le fera jamais raccordée. En revanche, elle a obtenu le paiement du montant de la vente grâce à COFIDIS.
L’inconvénient est que la société SUNGOLD déposera le bilan le 14 septembre 2016, ce qui signifie que jamais elle n’exécutera son engagement.
Les acquéreurs se retrouvant avec une installation non opérationnelle, faute d’avoir été raccordée, mais devant payer le crédit, ont donc assigné le liquidateur judiciaire et la banque devant le tribunal judiciaire de LILLE.
II. RÉSOLUTION DU CONTRAT DE VENTE FAUTE POUR LE VENDEUR D’AVOIR ACHEVÉ SES DEVOIRS
A. Rappel des règles du Code civil
Suivant l’article 1224 du Code civil :
« La résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice. »
L’article 1217 du Code civil dispose que :
« La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- solliciter une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter. »
En application de l’article 1226 alinéa 4 du Code civil, la résolution du contrat de vente est prononcée en fonction de la gravité de l’inexécution contractuelle.
B. Application en l’espèce
Le contrat de vente stipulait à la charge du vendeur l’exécution des démarches administratives auprès de la Mairie, l’obtention du CONSUEL et le raccordement de l’installation au réseau ENEDIS.
Il apparaît que la Mairie a donné son accord le 04 avril 2016, soit plus de 2 semaines après le paiement par COFIDIS…
En outre, la demande de financement au moyen de laquelle COFIDIS a débloqué le crédit ne prévoit aucun encart permettant d’annoter la moindre réserve concernant les travaux effectués.
Enfin, il est démontré, au moyen de deux constats d’huissier réalisés en 2016 et en 2019, soit à 3 années d’intervalle, que l’installation photovoltaïque n’est pas raccordée.
Par conséquent, il est incontestable que le vendeur n’a pas achevé ses devoirs, si bien que, selon le Tribunal, la résolution du contrat de vente doit être prononcée.
III. RÉSOLUTION DU CONTRAT DE CRÉDIT
La résolution du contrat de vente, entraîne celle du contrat de crédit, au motif que ces deux contrats sont interdépendants.
IV. EXONÉRATION DES EMPRUNTEURS DE REMBOURSER LE CRÉDIT
COFIDIS a réglé le vendeur à l’appui d’un document qui ne l’informait pas ou ne lui permettait pas de se convaincre que le vendeur avait exécuté ses devoirs.
En effet, la demande de financement stipule que l’acquéreur « certifie avoir disposé du délai normal de rétractation », soit 14 jours.
On rappellera que le vendeur a installé les panneaux 15 jours après la signature des contrats de vente et de crédit. Or, en si peu de temps, le vendeur ne pouvait pas avoir obtenir l’accord de la Mairie, le Consuel et fait raccorder l’installation au réseau ENEDIS.
COFIDIS ne pouvait qu’être consciente de ces incohérences.
De fait, elle a commis une faute causant un préjudice aux emprunteurs qui n’ont jamais pu jouir de l’installation photovoltaïque.
Par conséquent, pour tous ces motifs, les emprunteurs ont été exonérés de rembourser le crédit, et COFIDIS a été condamnée à leur rembourser l’intégralité des sommes prélevées sur leur compte bancaire.
V. QUE RETENIR DE CETTE AFFAIRE ?
La résolution d’un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente qu’il finance, emporte pour l’emprunteur l’obligation de restituer au prêteur le capital prêté. Toutefois, le prêteur qui a versé les fonds sans s’être assuré de l’exécution complète formelle du contrat principal, peut néanmoins être privé du remboursement du crédit, dès lors que l’emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.
La solution est logique et dans la droite ligne des exigences imposées par la Cour de cassation (Cass. 1ère civ., 25 nov. 2020, n° 19-14.908). Mais cette solution a le mérite d’éviter des solutions injustes. En effet, des personnes jouissant d’une installation photovoltaïque opérationnelle ne peuvent pas prétexter d’une faute commise par la banque sans justifier d’un préjudice, pour échapper au paiement de leur crédit.
C’est pourquoi, le 22 mai 2019, la Cour de cassation a validé un arrêt d’appel ayant condamné des emprunteurs à rembourser le crédit, au motif « que le contrat de vente a été correctement exécuté et n’est pas annulé […] que les emprunteurs ne contestent pas bénéficier des travaux d’isolation des combles et d’une installation en parfait état de marche […] que les emprunteurs ne subissaient aucun préjudice consécutif au versement des fonds par le prêteur » (Cass. 1ère civ., 22 mai 2019, n° 18-16150).
A contrario, il est parfaitement normal que des personnes victimes d’une société sans scrupule qui n’a pas livré une installation fonctionnelle, ne soit pas tenue de rembourser un crédit.
Cette décision est donc le parfait reflet d’une justice équitable, rendue au profit de personnes de bonne foi.
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Avocat au Barreau de PARIS