I. RÉSUMÉ DES FAITS
Un père de famille, propriétaire d'un immeuble, décède et laisse pour lui succéder son épouse survivante et ses deux fils à qui revient le bien. Ce décès fait alors naître une indivision sucessorale entre ces trois personnes.
Faute pour elles de s'entendre sur la gestion de l'indivision de l'immeuble, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Nanterre, saisi par la veuve, désigne un administrateur judiciaire en application de l’article 815-6 du Code civil.
Par acte sous seing privé, les indivisaires donnent à bail l'immeuble à une société.
Un litige naît entre ces parties et conduit à la condamnation de la locataire au paiement de diverses sommes au titre de différents travaux. La société est placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris qui a, en outre désigné un liquidateur judiciaire.
L'un des deux enfants déclare alors la créance des indivisaires au passif de la liquidation judiciaire de la société, en plus de celle déclarée par l’administrateur judiciaire de cette indivision qui avait été judiciairement nommé par le TGI de Nanterre.
Le juge commissaire rejete la créance de l’indivisaire, considérant qu'il n’avait pas qualité pour agir.
L’administrateur de l’indivision et les trois indivisaires interjettent appel. Mais tous, excepté l’indivisaire qui avait déclaré la créance, se désistent de leur appel.
Bien que la Cour d’Appel ait reconnu qu’un indivisaire peut déclarer une créance d'une indivision à la procédure collective d’un débiteur, elle a néanmoins considérer qu’il ne pouvait continuer l’appel formé par tous les indivisaires.
Au visa des articles 815-2 du Code de civil et 400 du Code de procédure civile, la Cour de cassation a cassé cet arrêt en ces termes :
II. OBSERVATIONS
A. Le droit pour un indivisaire d'agir seul
Ensuite l'arrêt de la première Chambre civile s'explique par l'idée qu'un acte conservatoire peut valablement être fait par un indivisaire (Civ. 3e, 30 octobre 1991, n°90-16.340) et peut consister en des mesures tant matérielles que juridiques (Civ. 1ère, n°01-10.639).
D'ailleurs, l’appel d’un jugement constitue un acte conservatoire (Civ. 3e, 8 décembre 2004, n° 03-17.902).
Compte tenu de ces éléments, la décision de la première Chambre civile est parfaitement justifiée : chaque indivisaire pouvait parfaitement agir seul ! Même si l’appel avait été interjeté par tous les indivisaires, chacun d'eux était en droit de poursuivre individuellement l’instance.
C'est pourquoi la Cour d'appel ne pouvait statuer comme elle l'a fait : chaque indivisaire jouissait individuellement du droit d'interjeter appel à l'encontre de la décision du juge-commissaire.
B. Le désistement d'instance est propre à celui qui s'en prévaut
Le désistement d’instance est le fait pour une personne d'abandonner l’instance ou l'action qu'elle a introduite avant tout jugement.
Mais lorsqu'il y a plusieurs demandeurs, chaque lien d’instance doit être pris isolément, même si l’instance a été introduite par une seule assignation .
Cela signifie que le fait pour certains d'abandonner la procédure n'empêchera pas les autrres de continuer la procédure.
Ainsi, en cas d’appel principal d’un même jugement par deux parties, le désistement de son appel par l’un laisse subsister l’appel de l’autre, quand bien celui-ci a accepté le désistement (Civ. 1re, 25 mars 1997, n°95-10.649).
En résumé, cette décision est parfaitement fondée, même si elle trouvera certainement des détracteurs...