I. Résumé des faits
Une salariée avait été licenciée pour motif économique à la suite de la liquidation judiciaire de la société qui l'employait et de la cession de celle-ci à une autre entreprise.
La société repreneuse a adressé à la salariée un courrier lui indiquant que "conformément aux principes de l'article L. 321-14 du code du travail, vous pouvez manifester votre désir d'user de la priorité de réembauchage. Nous devons faire appel à du personnel temporaire dans le cadre d'un surcroît de travail".
La salariée avait accepté l'un de ces postes en intérim. Ultérieurement, la société repreneuse a embauché deux anciens salariés sur des postes d'agent de fabrication, postes pourtant compatibles avec à la qualification de la salariée, et sans les proposer à celle-ci.
La salariée a donc saisi le Conseil de Prud'hommes d'une demande à titre de dommages-intérêts pour violation de la priorité de réembauche. En effet, on rappellera que la violation de la priorité ouvre droit à une indemnité minimale de deux mois de salaires (pour les salariés comptant au moins deux ans d’ancienneté et ayant travaillé dans une entreprise d’au moins 11 salariés), ou à une indemnité variant en fonction du préjudice effectivement subi (articles L. 1235-13 et L. 1235-14 du Code du travail).
Pour échapper à toute condamnation, l’employeur a affirmé que la salariée ne l’avait pas informé de sa volonté de bénéficier de la priorité dans l’éventualité où un poste se libérerait. En effet, il s’agit là d’une condition substantielle exigée par la loi : tout salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d’un an à compter de la date de rupture du contrat de travail, « s’il en fait la demande au cours de ce même délai » (C. trav., art. 1233-45).
Autrement dit, l'employeur tentait de jouer avec les termes de la loi : le fait pour l'employeur d'avoir proposé un poste était insufissant, la salariée aurait du d'elle-même demander à obtenir le poste pour bénéficier de la priorité de réembauche.
Or, pour la salariée c'était inutile, car l’employeur lui avait indiqué dans la lettre de licenciement, outre la possibilité de demander à user de la priorité, que plusieurs postes de travail en intérim seraient disponibles et qu’elle pouvait demander à en bénéficier. La salariée avait répondu par l'affirmative et avait ainsi opté pour l’un des postes proposés, ce qui était suffisant à ses yeux.
Mais pour l'employeur, cette réponse ne suffisait pas à considérer que la salariée demandait à bénéficier d’une priorité de réembauche.
II. Solution de la Cour de cassation
La Haute Juridiction a statué dans l'intérêt de la salariée:
« La demande tendant au bénéfice de la priorité de réembauche peut être présentée soit de manière spontanée , soit en réponse à une sollicitation de l’employeur, pourvu qu’elle soit explicite ».
III. Analyse de l'arrêt
Un tel arrêt est inédit. Ainsi, la demande du bénéfice de la priorité de réembauchage peut résulter de 2 hypothèses :
- de la demande spontanée du salarié lui-même, comme le prévoit l’article L. 1233-45 du Code du travail
- et d’une sollicitation de l’employeur, pourvu que cette demande soit explicite.
En l'espèce, la demande de la salariée de profiter de la priorité de réembauche allait de soi.
En conséquence, un employeur ne peut se prévaloir du fait qu'il est à l’origine de la demande de priorité de réembauche pour refuser à son salarié licencié une portée générale.
Cet arrêt est conforme à l’absence de formalisme de la demande énoncée dans un arrêt de 2003, par lequel la Cour de cassation avait admis que le courrier envoyé en LRAR par le salarié vaut demande d’user de la priorité, même si les textes régissant cette matière sont faux (Cass. soc., 6 mai 2003, n° 01-42.155).