I. Résumé des faits
Par acte authentique, un époux avait fait donation à son épouse, avec laquelle il était commun en biens, d’un droit viager d’usage et d’habitation portant sur un appartement, une cave et un parking lui appartenant en propre.
Au sein dudit acte, une clause, intitulée « condition de non-divorce » prévoyait qu'en cas de rupture du lien matrimonial, la donation serait résolue de plein droit.
Après quelques années de vie commune, l’époux a demandé le divorce pour altération définitive du lien conjugal et a voulu faire jouer la clause de clause de non-divorce pour que soit constatée la résolution de plein droit de la donation qu'il avait faite à son épouse.
La cour d’appel a déclaré que cette clause était licite, si bien que la résolution de la donation devait être prononcée.
Or, au visa des articles 265, alinéa 1er et 1096 alinéa 2 du Code civil, la Cour de cassation a cassé cet arrêt au motif que les juges d'appel avaient violé ces textes et que « le divorce est sans incidence sur une donation de biens présents faite entre époux et prenant effet au cours du mariage (…) ; les dispositions impératives du premier des textes susvisés font obstacle à l’insertion, dans une donation de biens présents prenant effet au cours du mariage, d’une clause résolutoire liée au prononcé du divorce ou à une demande en divorce ».
II. Rappel
Pour la bonne compréhension de cette décision, on rappellera les dispositions des articles 265 alinéa 1er et 1096 alinéa 2 du Code civil :
- Article 265 alinéa 1er : « Le divorce est sans incidence sur les avantages matrimoniaux qui prennent effet au cours du mariage et sur les donations de biens présents quelle que soit leur forme. »
- Article 1096 alinéa 2 : « La donation de biens présents qui prend effet au cours du mariage faite entre époux n'est révocable que dans les conditions prévues par les articles 953 à 958. »
III. Observations
1. Avantages matrimoniaux
L'article 265 du Code civil sépare les avantages matrimoniaux en deux catégories : ceux qui produisent leurs effets au cours du mariage et ceux qui produisent leurs effets lors de la dissolution du régime matrimonial ou du décès de l'un des époux.
Les premiers sont traités comme les donations de biens présents : le divorce est sans incidence sur eux.
Les seconds sont traités comme les dispositions à cause de mort : ils sont révoqués de plein droit.
2. L'article 265 du Code civil est d'ordre public
Cette décision est d'importance car elle enseigne que l’article 265, alinéa 1er est d'ordre public. De fait, il est interdit d'y contrevenir.
Nul ne peut donc chercher à aménager la règle selon laquelle le divorce est sans incidence sur les donations de biens présents entre époux, c'est-à-dire de donations ayant prix effet au cours du mariage.
Bien entendu, la Cour de cassation ne remet pas en cause le contenu de l'article 1096 alinéa 2 du Code civil, de sorte que ces donations peuvent toujours être révoquées en cas d’inexécution des charges ou d’ingratitude.