Procès photovoltaïque : triple condamnation pour vente viciée

Publié le Modifié le 15/08/2022 Vu 4 144 fois 0
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Les 25 mars et 12 avril 2022, la société TUCO ENERGIE a vu trois de ses ventes annulées par les Cours d'appel de RENNES et de BESANCON, faute d'avoir été conclues dans le respect de la loi.

Les 25 mars et 12 avril 2022, la société TUCO ENERGIE a vu trois de ses ventes annulées par les Cours d'app

Procès photovoltaïque : triple condamnation pour vente viciée

I.     PRÉCISIONS PRÉALABLES

Ces trois affaires sont pertinentes (CA RENNES, 25 mars 2022 et CA BESANCON, 12 avril 2022) car elles permettent de rappeler que l’achat de panneaux solaires en vue de la revente d’énergie n’est pas un acte de commerce, et que les vendeurs-démarcheurs doivent respecter la loi lors de la signature des bons de commande auprès de particuliers.

 

 

II.     RÉSUMÉ DES FAITS

Dans ces trois affaires, la société TUCO ENERGIE avait démarché des personnes à leur domicile, lesquelles avaient signé un contrat d’achat portant sur une installation photovoltaïque, dont le prix variait entre 33900€ et 47790€. Chaque achat a été financé par un crédit souscrit soit auprès la société DOMOFINANCE, soit auprès de CETELEM.

 

Malheureusement, les acquéreurs n’étaient pas satisfaits de leurs achats, puisque ces derniers étaient censés permettre de jouir de revenus grâce à la revente de l’énergie solaire auprès d’EDF.

 

Aussi, des procès se sont ensuivis aux fins d’obtenir la rupture des contrats de vente.

 

 

III.   LA REVENTE D’ENERGIE PHOTOVOLTAÏQUE NE CONSTITUE PAS D’OFFICE UN ACTE DE COMMERCE

 

Devant le tribunal de DOLE, il avait été soutenu que les acquéreurs revêtaient la qualité de commerçant, en ayant signé un contrat de vente portant sur l’achat de panneaux photovoltaïques en vue de la revente d’électricité à EDF.

 

En effet, selon les parties adverses, dans la mesure où l’acquéreur vend de l’énergie solaire, l’opération constitue ab initio un acte de commerce, si bien que le tribunal de commerce serait compétent pour trancher le litige.

 

Le Tribunal a rejeté cet argument sans aucun sens, au motif que la revente d’énergie une fois par an ne permet pas de considérer un consommateur comme un commerçant.

 

 

 

IV.  LA NULLITÉ DES BONS DE COMMANDE

 

Dans les trois affaires, les magistrats ont rappelé qu’en droit, un professionnel doit communiquer à son client les caractéristiques essentielles du bien ou du service qu’il vend, ainsi que leur prix et la date ou le délai d’exécution de la livraison ou de l’exécution de la prestation.

 

Cette obligation est prévue à peine de nullité de la vente.

 

Dans chaque affaire, les bons de commande portaient sur une installation photovoltaïque dont le nombre variait etre 16 et 32 modules solaires photovoltaïques monocristallins Ac Ad d'une puissance de 275 WC, ainsi que sur un onduleur Power-One, un kit d'intégration en toiture GSE et des coffrets de protection électriques AC-DC.

 

La Cour d’appel de BESANCON a retenu que ces simples mentions étaient insuffisantes, car « dépourvues de précision sur le modèle, la taille et le coût unitaire des panneaux, de même que sur les caractéristiques techniques de l'onduleur, sont trop succinctes pour constituer les caractéristiques essentielles des produits. »

 

Autrement dit, le bon de commande est nul faute d’indiquer le prix unitaire des panneaux et la puissance de l’onduleur.

 

Quant à la Cour d’appel de RENNES, saisit des mêmes demandes, elle n’a pas retenu cet argument, préférant reprocher à TUCO ENERGY de ne pas avoir remis à ses clients la copie de son assurance professionnelle.

 

Dans les deux cas, quel que soit le fondement retenu, la finalité est identique : les bons de commande sont annulés par les juridictions.

 

 

V.   TUCO ENERGY CONDAMNÉE À LA DÉPOSE DES MATÉRIELS

 

L’annulation d’un contrat de vente a pour conséquence d’effacer ce qui a été entrepris et de ramener les parties dans la même situation qu’elles étaient au jour de la vente.

 

Cela signifie que TUCO ENERGY est condamnée à déposer l’intégralité des matériels et à les reprendre à ses frais. Bien entendu, s’il est nécessaire de reprendre la toiture au niveau des panneaux, il faut l’indiquer au vendeur, mais tant le consommateur, que le juge ne peut connaître cette nécessité, s’ils n’en ont pas eu connaissance.

 

 

 

VI.  QUE RETENIR DE CES AFFAIRES ?

 En premier lieu, un « démarché » est un consommateur, ce qui renvoie à la définition générale du consommateur, comme l’énonce l'article liminaire du code de la consommation : « Pour l'application du présent code, on entend par consommateur : toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ».

 

Le démarchage s’adresse exclusivement à des personnes physiques et jamais des personnes morales ou des sociétés, (Cass. 1ère civ., 15 décembre 1998, n°96-19.898) car le démarchage consiste à rechercher des clients en les sollicitant directement à leur domicile.

 

C’est pourquoi il est vain de qualifier de commerçante, une personne qu’un démarcheur a sollicité à son domicile, en lui vantant que l’acquisition de panneaux solaires lui procurera un revenu, puis de l’affubler de la qualité de commerçant… alors que son activité est étrangère à tout commerce.

 

En second lieu, les commerciaux qui effectuent du porte-à-porte ou sollicitent des personnes par téléphone pour leur proposer de conclure un contrat, sont soumis à des règles strictes, souvent bafouées. La vente par démarchage, qui s'établit directement entre le démarcheur et le démarché au domicile de ce dernier, est intrusive … elle l’est parfois tant que les consommateurs, surpris à leur domicile et souhaitant en finir au plus vite avec le commercial ou lui faisant confiance, ne peuvent résister à ses belles paroles et acquièrent sans réfléchir des matériels inutiles et dispendieux.

 

Mais si l’achat est trop rapide, il est toujours possible de l’annuler !

 

Me Grégory ROULAND - Avocat au Barreau de Paris et Docteur en droit

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