I.LES FAITS
Une salariée avait été engagée en qualité de secrétaire comptable par un garagiste.
Durant l'exercice de ses fonctions, elle a été agressée par l'épouse de son employeur et a été placée en arrêt de travail.
La salariée a demandé judiciairement la résiliation de son contrat de travail aux torts de son employeur et la condamnation de celui-ci à des dommages-intérêts.
II. LA PROCEDURE
La Cour d'appel a débouté la salariée, au motif que l'employeur n'avait commis aucun manquement à son obligation de sécurité.
En effet, selon les juges d'appel l'agression ayant été commise par un tiers à la relation de travail, doit être considérée comme une cause étrangère exonératoire, imprévisible et irrésistible. En outre, l'employeur ayant été absent lors des faits, il n'avait jamais été prévenu d'un risque quelconque encouru par la salariée.
La Cour de cassation a cassé cette décision pour violation des articles L. 4121-1 du Code du travail et 1148 du Code civil, au motif que la cour d’appel a retenu la force majeure en s'appuyant sur des éléments impropres à la caractériser :
"Attendu que pour débouter Mme X... de sa demande, l'arrêt retient, par motifs propres, qu'aucun manquement de l'employeur à son obligation de sécurité n'est caractérisé en raison de la cause étrangère exonératoire que constitue le fait d'agression, imprévisible et irrésistible, commis par son conjoint, tiers à la relation de travail, et, par motifs adoptés, que l'employeur non présent lors de l'agression n'avait jamais été prévenu d'un risque quelconque encouru par la salariée ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir le caractère irrésistible et imprévisible de l'événement ayant pour effet de rendre impossible la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés"
Autrement dit, bien que l’agression soit le fait d’un tiers, cela ne suffit pas à établir le caractère imprévisible et irrésistible de l’agression.
III. ANALYSE DE L'ARRÊT
- L’obligation de sécurité pesant sur l’employeur est prévue par l'article L. 4121-1 du Code du travail.
Cette obligation étant de résultat, l'employeur engage sa responsabilité si le résultat (préserver la santé et la sécurité des travailleurs) n’est pas atteint, c’est-à-dire si le dommage s’est réalisé (en ce sens, Cass. soc. 3 février 2010, n°08-40.144, violences causées par un collègue de travail).
- En droit des obligations, seul un cas de force majeure peut exonérer l'employeur du manquement à son obligation (article 1148 du Code civil).
Comme on l'a vu, l'employeur a tenté de faire valoir cet argument... mais a été débouté.
La décision de la Cour de cassation est restrictive et peut donc sembler dure pour certains, mais elle n'est guère étonnante.
En effet, déjà sur le terrain du harcèlement moral commis par un tiers sur le lieu de travail, la Cour ne montre aucune sensibilité envers l'employeur. Elle le considère responsable au titre de son obligation de sécurité de résultat (Cass. soc., 19 octobre 2011, n° 09-68.272).