Dans un arrêt du 21 septembre 2022 (n° 21-13.045), publié au bulletin, la chambre sociale de la Cour de cassation s’est prononcée sur les limites de l’exercice du droit d’expression directe et collective des salariés.
Il était question dans cette affaire d’un salarié qui a fait l’objet d’un licenciement pour avoir, en présence de la direction et de plusieurs salariés de l’entreprise, remis en cause les directives qui lui étaient données par sa supérieure hiérarchique, et tenté d’imposer au directeur général un désaveu public de cette dernière.
Le médecin du travail a constaté, deux jours plus tard, l’altération de l’état de santé de la supérieure hiérarchique.
Saisie de cette question, la cour d’appel en a déduit que ce comportement s’analyse en un acte d’insubordination, une attitude de dénigrement et constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Le salarié forme un pourvoi en cassation au titre duquel il fait valoir qu’il s’était exprimé sur l’organisation de son travail au cours d’une réunion « expression des salariés loi Auroux », alors qu’il faisait l’objet d’une surcharge de travail, et qu’il ne dépassait pas le cadre de son droit à la libre expression dans l’entreprise, contrairement à ce qu’avait décidé la juridiction d’appel.
La Cour de cassation devait s’interroger sur le fait de savoir si le comportement du salarié dépassait le strict cadre de l’exercice de son droit d’expression directe et collective.
Dans son attendu de principe, elle énonce qu’il résulte des articles L. 2281-1 et L. 2281-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, que les salariés bénéficient d’un droit à l’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail.
Sauf abus, les opinions que le salarié émet dans l’exercice de ce droit ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement.
Pour la Cour de cassation, le simple fait de remettre en cause les directives données par sa supérieure hiérarchique, au cours de la réunion d’expression collective des salariés, n’est pas de nature à caractériser l’abus par le salarié dans l’exercice de son droit d’expression directe et collective.
Par le passé, elle avait déjà pu considérer que la diffusion, au sein du comité de direction, d’un document critiquant de manière vive la nouvelle organisation de l’employeur relève de la liberté d’expression, dans la mesure où ce document ne comportait pas de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs (Cass. Soc., 14 décembre 1999, n° 97-41.995).
Quelle que soit sa place dans la hiérarchie professionnelle, le salarié ne doit pas être inquiété par les opinions qu’il émet dans l’exercice de son droit d’expression collective, sauf abus caractérisé par des termes injurieux, diffamatoires ou excessifs, la même limite étant applicable dans l’exercice de sa liberté d’expression dans l’entreprise et hors de celle-ci (Cass. Soc., 02 mai 2001, n° 98-45.532).
Jérémy DUCLOS
Avocat
Spécialiste en droit du travail
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