Prescription acquisitive immobilière

Publié le 05/03/2025 Vu 139 fois 0
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Conditions pour prescrire Divers types de situation. Reconnaissance de la propriété par jugement ou publication d’un acte de notoriété acquisitive.

Conditions pour prescrire Divers types de situation. Reconnaissance de la propriété par jugement ou public

Prescription acquisitive immobilière

Prescription acquisitive

 

La prescription acquisitive alimente des fantasmes. Trouver une maison abandonnée, s’y installer, patienter pendant trente ans et l’on en devient propriétaire... Ce n’est pas totalement impossible mais c’est peu réaliste. J’ai lu un jour sur un forum l’exposé d’un cas peu banal. Une personne demandait si elle ne pourrait pas s’installer dans un ancien bâtiment à l’abandon, difficile d’accès dans une région montagneuse qui accueillait jadis des colonies de vacances. Le propriétaire en titre était un organisme dissout depuis des années. Le maire s’en désintéressait totalement. Alors, s’y installer … Possible, mais possible aussi qu’avant trente ans l’idée de prendre possession de ce bien sans maître ne germe dans l’esprit de quelques conseillers municipaux.

I. La prescription en droit

 

Si la prescription acquisitive existe, ce n’est pas pour alimenter des rêveries ni pour récompenser la patience de quelques squatters, c’est en fait pour assurer une sécurité juridique. Si l’on a acheté son logement, on entend n’en être pas dépossédé par la suite. Certes, le notaire a soigneusement vérifié que le vendeur était bien propriétaire et qu’il avait régulièrement acquis son bien mais, sait-on jamais … Au bout de dix ans, l’heureux nouveau propriétaire pourra être pleinement rassuré. Personne ne pourra plus venir l’évincer même en apportant la preuve qu’il n’est pas le véritable propriétaire en titre.

Les auteurs anciens donnaient des arguments d’ordre moral pour justifier la prescription acquisitive comme celui que l’acquisition de la propriété par le possesseur sanctionnait la négligence prolongée du propriétaire. Des considérations plus pratiques conduisent à vouloir faire aligner au bout d’un certain temps l’état de droit, la propriété, sur l’état de fait, la possession. La loi protège la propriété. Les révolutionnaires avaient même proclamé le droit de propriété inviolable et sacré. Mais elle protège aussi la possession.

A. La possession

 

La possession est définie à l’article 2255 du code civil : La possession est la détention ou la jouissance d'une chose ou d'un droit que nous tenons ou que nous exerçons par nous-mêmes, ou par un autre qui la tient ou qui l'exerce en notre nom. On peut posséder à titre de propriétaire ou à titre précaire, comme locataire par exemple.

Le principe qu’elle est protégée est inscrit à l’article 2278 : La possession est protégée, sans avoir égard au fond du droit, contre le trouble qui l'affecte ou la menace. Car de même que la bonne foi est présumée alors que la mauvaise foi doit être prouvée, le possesseur est présumé posséder légitimement.

B. Conditions requises pour acquérir par prescription : article 2261 du code civil

 

Ces conditions reposent sur les modalités de la possession.

Pour prescrire il faut que la possession ait été

- continue et non interrompue,
- paisible,
- publique,
- non équivoque,
- exercée à titre de propriétaire.

Ces conditions peuvent s’apprécier a contrario. Par exemple il n’y a pas solution de continuité de la possession d’un bien tant que ce bien n’apparaît pas abandonné.

Elle est paisible tant qu’elle ne s’exerce pas au moyen de la violence.

Elle est publique quand elle est exercée au vu et au su de tous.

Elle peut être équivoque pour diverses raisons : si elle est incomplète ou discontinue, si elle n’est pas exclusive, partagée avec un autre possesseur, s’il n’est pas certain qu’elle soit exercée à titre de propriétaire.

Enfin, la condition essentielle est que la possession soit exercée à titre de propriétaire. Celui qui possède à titre précaire ou pour autrui, un locataire par exemple, ne peut prescrire. Les articles 2262, 2266 et 2267 le précisent.

C. L’interversion du titre

 

Peut-on commencer à posséder pour autrui ou à titre précaire puis, à partir d’un certain moment, posséder à titre de propriétaire et finalement prescrire ? En principe, on peut pas. C’est ce qui est dit très nettement à l’article 2270 qui énonce la règle générale : On ne peut pas prescrire contre son titre, en ce sens que l'on ne peut point se changer à soi-même la cause et le principe de sa possession. L’article 2268 prévoit néanmoins deux exceptions.

La première est l’intervention d’un tiers. C’est typiquement lorsqu’un tiers se substitue au propriétaire et cède son droit de propriété au possesseur.

La seconde est la contradiction opposée au droit du propriétaire. Par cette contradiction le possesseur se change à lui-même la cause et le principe de sa possession.

Exemple : Civ3, 17/10/2007 n° 06-17.220. Dans cette affaire, la possession était exercée à titre de locataire. Le locataire a fait dresser un acte de notoriété acquisitive. Le juge a conclu que le délai de prescription n’avait commencé qu’à la date de l’acte de notoriété.

La contradiction est un acte du possesseur marquant nettement à un instant déterminé un changement de nature de la possession. L’interversion du titre ne peut résulter d’une évolution lente de la nature de la possession au fil du temps.

S’il faut en certaines circonstances aligner l’état de droit sur l’état de fait, ce n’ est jamais qu’une solution extraordinaire apportée à une situation extraordinaire. Les modes ordinaires d’acquisition de la propriété énumérés à l’article 711 du code civil sont l’achat, la donation et la succession à quoi s’ajoutent à l’article 712 l’accession (La propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous) et la prescription. La prescription peut permettre d’acquérir, mais ce n’en est pas un mode ordinaire.

D. Temps nécessaire pour prescrire

 

30 ans comme en dispose l’article 2272 du code civil

Ce délai est réduit à dix ans si sont réunies deux conditions en plus de celles énoncées à l’article 2261 : si l’immeuble a été acquis
- de bonne foi,
- par un juste titre.

La bonne foi est présumée. Il suffit qu’elle ait existé au moment de l'acquisition.

Le juste titre est celui qui serait de nature à transférer la propriété à la partie qui invoque la prescription et qui apparemment n’est entaché d’aucun vice.

Ne sont pas des actes translatifs de propriété et ne permettent pas la prescription abrégée,
- un acte de succession notarié qui n' a qu' un caractère déclaratif : Civ3, 25/06/2008, n° 07-14.649,
- un acte de partage : civ3, 11/02/2015, n° 13-24.770,
- un état descriptif de division d’un immeuble en copropriété : Civ3, 30/04/2002, n° 00-17.356

II La prescription en pratique

A. Ce qui peut être acquis par prescription

Peut être acquis par prescription un droit réel quelconque qui n’est pas nécessairement une pleine propriété.

Dans un ensemble de constructions très imbriquées les unes dans les autres ce peut être un volume seulement dont la propriété n’emporte pas celles de dessus et du dessous.

Dans une copropriété on peut acquérir un lot ou une fraction de lot ou une partie commune. On peut même acquérir un simple droit de jouissance sur une partie commune.

Une servitude peut s’acquérir par prescription mais seulement si elle est continue et apparente, une servitude de vue par exemple.

B. Types de situation

 

On peut revendiquer une acquisition par prescription dans trois types de situations
- une possession légitime mais sans titre,
- une possession du bien d’autrui,
- une possession avec un titre dont on apprend ultérieurement la nullité.

1) Possession légitime mais sans titre

Une telle situation peut se présenter lorsque depuis des générations un immeuble a été inclus dans des successions qui n’ont pas été déclarées et qui ont réglées verbalement. Il peut être très difficile voir impossible de retracer ou reconstituer les titres de propriété successifs relatifs à cet immeuble. C’est fréquent en Corse où l’omission de déclaration d’une succession était fréquent avec pour conséquence de nombreuses lacune dans le fichier immobilier. Un organisme a été créé en 2006, le groupement d’intérêt général pour la reconstitution des titres de propriétés en Corse (GIRTEC), en vue de combler ces lacunes. Lorsqu’un propriétaire, qui peut être une personne unique ou une indivision, est incapable d’apporter la preuve documentaire de sa propriété sur un tel immeuble, elle peut tout de même se prévaloir d’une prescription acquisitive.

2) Possession du bien d’autrui

Le plus souvent il s’agit d’un empiétement. Lorsqu’une clôture n’est pas implantée exactement sur la limite entre deux terrains et que celui qui subit l’empiétement a laissé faire pendant trente ans au moins, il pourra se heurter à une prescription acquisitive opposée par son voisin et perdre définitivement la bande de terrain située entre la ligne de séparation des deux parcelles et la clôture.

En copropriété, un cas classique est l’accaparement par un copropriétaire d’une surface de palier séparant deux appartement lorsque ces deux appartements sont réunis en un seul. La surface de partie commune ainsi investie devient au bout de trente ans partie privative si le syndicat des copropriétaires n’a pas réagi avant.

3) Propriété reposant sur un titre contestable

Il peut arriver, rarement il est vrai, que dans des circonstances extravagantes ce soient établies deux chaînes de transmission de la propriété sur un même immeuble. L’origine en est généralement une omission de publicité : un immeuble est vendu mais la vente n’est pas publiée ; plus tard il est vendu à nouveau à un autre acheteur et plus tard encore le premier acte de vente est publié. Il y a alors deux chaînes de propriété. L’une d’elle est évidemment invalide. Finalement sera reconnu propriétaire celui dont le titre est valide à moins qu’il ne soit pas le possesseur et que le possession de ce dernier lui permette de prescrire.

C. Acquisition d’un titre de propriété.

Il peut être difficile de jouir pleinement d’un immeuble si l’on n’est pas en mesure de justifier qu’on en est propriétaire. Pour être opposable aux tiers un document justifiant de la qualité de propriétaire doit être publié au fichier immobilier : article 30 du décret 55-22 du 4 janvier 1955. Il peut prendre la forme d’un acte notarié, d’un jugement ou d’un acte administratif authentique : article 710-1 du code civil. Sans un tel document dénommé titre de propriété la vente dans des conditions normales, c’est à dire par acte notarié, si elle est juridiquement valable, est en pratique impossible.

1. Jugement

Le possesseur ayant acquis une propriété par prescription peut le faire reconnaître par un jugement qu’il fera publier. Cela implique soit qu’il ait introduit une demande en justice contre le propriétaire en titre qui sera dépossédé par le jugement, soit, le plus souvent, qu’il ait opposé la prescription au propriétaire voulant rentrer en possession de sa propriété.

Un jugement suppose un procès qui s’est déroulé contradictoirement. Le possesseur d’un immeuble qui en est devenu propriétaire par prescription ne peut obtenir un titre de propriété sous la forme d’un jugement s’il n’est pas en conflit contre une autre personne susceptible de lui contester sa qualité de propriétaire.

2. Acte de notoriété acquisitive.

Il existe tout de même un palliatif créé par la pratique notariale, entériné par la jurisprudence et entré dans le droit positif avec l’ordonnance 2024-562 du 19 juin 2024, l’acte de notoriété. C’est un acte unilatéral par lequel un possesseur affirme avoir acquis un immeuble au moyen de la prescription.

Publié au fichier immobilier, il est opposable au tiers. A moins que son auteur ne puisse prouver que la possession lui permettant de prescrire n’ai commencé avant, la publication de l’acte de notoriété marque le point de départ de la possession à titre de propriéaire.

Afin d’éviter les abus, les notaires n’acceptent de dresser un acte de notoriété acquisitive qu’à de très strictes conditions. Peuvent ainsi, par exemple, être exigés plusieurs témoignages de personnes âgées d’au moins soixante ans.

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A propos de l'auteur
Blog de P.F. Barde

Diplômé de l'ICH

Expériences professionnelles en gestion de copropriété et transaction d'imeubles.

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