CNDA, 12 mars 2015, n°14023806: Soudanais, d'ethnie zaghawa
M.X. demande à la Cour :
1) d'annuler la décision en date du 13 juin 2014 par laquelle le directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile, et de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire ;
2) de mettre à la charge de l'OFPRA la somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-64 7 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Il soutient que, de nationalité soudanaise et d'origine zaghawa, il craint d'être persécuté en raison de ses origines ethniques et des opinions politiques qui lui sont imputées ; il fait valoir qu'originaire de Tangarara situé dans le Darfour Nord, le 27 juillet 2005, son fils et l'un de ses frères sont décédés dans le bombardement de son village par les forces gouvernementales ; que le même jour, il a été arrêté et conduit dans un camp militaire où il a été torturé ; que grâce à la médiation d'organisations étrangères, il a pu être libéré après une semaine de détention et qu'il s'est rendu dans le camp de Shangil Tobaya où il a retrouvé son épouse ; que le 3 février 2006, son père est décédé lors d'une attaque perpétrée par les forces gouvernementales et les milices janjawids dans la région d' Abu Amra; que le 27 février 2010, le gouvernement a lancé une offensive aux alentours du camp et qu'alors qu'il tentait de fuir avec sa famille, son autre fils a été tué; que quelques jours plus tard, craignant pour sa sécurité, il a quitté le Soudan avec son épouse et qu'il s'est installé en Libye ; que depuis que celle-ci a fui ce pays pour se rendre en Europe en juillet 2013, il n'a plus eu de nouvelle de sa part; que le 20 août 2013, il a voyagé en direction de la France;
Considérant qu'aux termes des stipulations du paragraphe A, 2° de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole signé à New York le 31janvier1967, doit être considérée comme réfugiée toute personne qui « craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays » ;
Considérant que les déclarations précises et personnalisées de M. X., qui s'est exprimé devant la Cour en zaghawa, permettent de tenir pour établi qu'il est de nationalité soudanaise, qu'il appartient au groupe ethnique des Zaghawa et qu'il est originaire du Darfour Nord ; qu'il a fait un récit étayé des circonstances du décès de son fils et de l'un de ses frères lors des bombardements sur son village par les forces gouvernementales en juillet 2005, de son interpellation le jour même, de sa détention de quelques jours assortie de tortures dans un camp militaire et de sa libération grâce à la médiation d'organisations étrangères; que son séjour subséquent dans le camp de Shangil Tobaya où il a retrouvé son épouse, le décès de son père lors d'une attaque perpétrée par les forces gouvernementales et les milices janjawids dans la région d'Abu Amra en février 2006, l'offensive lancée par le gouvernement aux alentours de ce camp en février 2010, et le décès de son autre fils alors qu'il tentait de fuir avec sa famille, ont été évoqués en des termes clairs, cohérents et personnalisés ; qu'en outre, les craintes énoncées à 1 'égard des forces de sécurité soudanaises et des milices janjawids sont apparues compatibles avec les sources disponibles sur le conflit au Darfour ; qu'en particulier, il ressort des études du« Country of Foreign Research and Information (CORI) »et du « Small Arms Survey », études intitulées CORI Thematic Report Darfur et Forgotten Darfur: Old Tactics and New Players, que les membres de la communauté zaghawa sont perçus, par les autorités soudanaises ou les ethnies non-arabes minoritaires du Darfour, comme entretenant des liens avec les mouvements rebelles sans qu'aucune distinction ne soit faite entre les civils et les combattants ; que les forces gouvernementales soudanaises persistent à viser les communautés non arabes du Darfour, notamment les Zaghawa, jugées complices de la rébellion armée; qu'ainsi, dans la mesure où il ne résulte pas de la documentation publiquement disponible que la situation ait favorablement évolué dans le pays du requérant ces derniers mois, celui-ci doit être regardé comme exposé à des persécutions, en cas de retour au Soudan, en raison de ses origines zaghawa et d'opinions politiques qui lui sont imputées pour ce motif; que dès lors, M.X. est fondé à se prévaloir de la qualité de réfugié ; (Reconnaissance du statut de réfugié)