Le 15 décembre, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a – enfin – osé dire que le Parquet n'était pas une autorité judiciaire au sens de l'article 5§3 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme (pourvoi n°10/83.674).
Mais à demi-mot, rassurez-vous.
Il s'agissait de la garde-à-vue d'un avocat réunionnais, qui en contestait la prolongation. L'avocat estimait qu'il y avait eu méconnaissance de l'article 5 § 3 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, prévoyant que «toute personne arrêtée (…) doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires».
Je cite la Cour de cassation:
Attendu que, si c'est à tort que la chambre de l'instruction a retenu que le ministère public est une autorité judiciaire au sens de l'article 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, alors qu'il ne présente pas les garanties d'indépendance et d’impartialité requises par ce texte et qu'il est partie poursuivante, l'arrêt n'encourt pas pour autant la censure, dès lors que le demandeur a été libéré à l’issue d’une privation de liberté d'une durée compatible avec l'exigence de brièveté imposée par ledit texte conventionnel.
La Chambre criminelle censure la Chambre de l'instruction qui a considéré que le Parquet était une autorité judiciaire. Il faut donc en déduire que la Cour de cassation considère que le Parquet n'en est pas une. C'est un progrès. La Cour a enfin vu que la Cour Européenne des Droits de l'Homme disait, depuis 2008, que le Ministère Public n'était pas une autorité judiciaire, puisqu'il n'est ni indépendant ni impartial. Ce qui n'est pas une honte. C'est juste dans sa nature de partie poursuivante.
Mais, dit la Cour de cassation, ce n'est pas trop grave, car la privation de liberté est courte. C'est occulter toute la jurisprudence européenne qui affirme que la garde-à-vue, aujourd'hui, en France, là, tout de suite, telle qu'elle est prévue, est inconventionnelle. La Cour de cassation maintient donc sa position du 19 octobre. C'est cohérent. Mais à éviter un revirement que tout le monde attend, sauf la Chancellerie, les juridictions françaises mettent la France en porte-à-faux par rapport aux exigences de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.