L'avoué était un officier ministériel, chargé devant les cours d'appel d'accomplir, au nom et pour le compte de ses clients, les actes nécessaires à la procédure, et de faire connaître leurs prétentions. Il postulait, c'est-à-dire qu'il représentait le client. Toutefois, il ne plaidait pas, ce rôle étant dévolu à l'avocat.
Le monopole de l'avoué a fait l'objet d'un certain nombre de contestations au fil des années. Certains blogueurs, comme Polynice, ont ainsi pu estimer que les avoués ne servaient à rien.
La loi n°2011-94 du 25 janvier 2011, reprenant peut-être cette analyse, a supprimé la fonction d'avoué. Désormais, l'avocat inscrit au barreau d'un tribunal peut postuler devant la cour d'appel dont dépend son barreau. Désormais, un avocat inscrit au barreau de Nantes pourra postuler à la cour d'appel de Rennes, dont dépend le tribunal de grande instance de Nantes. L'appellation d'avocat à la cour, qui relevait autrefois plus de la figure de style que de la réalité, prend donc aujourd'hui une autre saveur.
En revanche, il ne peut en principe postuler que devant le tribunal auquel il est rattaché. Ainsi, un avocat inscrit au barreau de Nantes ne pourra pas postuler au tribunal de grande instance de Rennes : il devra faire appel à un avocat rennais, qui postulera pour lui.
La logique juridique aime les principes et les limitations. La postulation prévoit même, comble du sublime, des exceptions à la limitation.
L'article 1er – IV de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 prévoit en effet que les avocats de Bordeaux et Libourne peuvent postuler devant chacune de ces juridictions, comme ceux de Nîmes et d'Alès.
De même, l'article 1er – III de la loi prévoit en effet que par dérogation, les avocats inscrits au barreau de l'un des tribunaux de grande instance de Paris, Bobigny, Créteil et Nanterre peuvent postuler près les tribunaux de grande instance auprès de chacune de ces juridictions.
Cette faculté est appelée multipostulation.
Il faut toutefois reconnaître que la disparition des avoués a compliqué les choses.
En effet, contrairement aux autres avocats jouissant de la multipostulation, les tribunaux de Paris, Bobigny, Créteil et Nanterre ne dépendent pas de la même cour d'appel. Paris, Bobigny et Créteil dépendent de la cour d'appel de Paris, alors que Nanterre dépend de celle de Versailles.
Qu'en est-il alors de la postulation devant la cour d'appel, pour les avocats de Paris, Bobigny, Nanterre et Créteil ?
Une lecture rapide de la réforme conduirait à la déduction de ce que les avocats inscrits auprès d'un de ces quatre barreaux sont devenus avocats aux cours d'appel de Paris et Versailles. Les cartes de visite auraient alors une certaine allure.
Or, dura lex, sed lex, la seconde partie de l'article 1er – III de la loi en dispose autrement.
La loi indique que les avocats des barreaux de Paris, Bobigny, Créteil et Nanterre peuvent postuler auprès de la cour d'appel de Paris quand ils ont postulé devant l'un des tribunaux de grande instance de Paris, Bobigny et Créteil, et auprès de la cour d'appel de Versailles quand ils ont postulé devant le tribunal de grande instance de Nanterre.
Autrement dit, lorsqu'un avocat de Nanterre aura postulé devant le tribunal de Paris, Bobigny ou Créteil, il pourra représenter son client devant la cour d'appel de Paris. De même, un avocat parisien pourra postuler devant la cour de Versailles s'il a représenté son client au tribunal de Versailles.
Mais uniquement dans ce cas là.
L'avocat parisien a donc un pied dans l’entrebâillement de la cour d'appel de Versailles – mais un seul.
Comme a pu le noter Laure Gaudefroy-Demombynes, il existe toutefois une difficulté dans les procédures où la représentation par avocat n'est pas obligatoire, « comme l'appel de décisions du tribunal d'instance ou du juge aux affaires familiales. (…) Un justiciable qui habite les Hauts-de-Seine et qui souhaite faire appel d'une ordonnance d'un Juge aux affaires familiales de Bobigny, peut confier sa déclaration d'appel à un avocat de Paris, Bobigny ou Créteil et peut aussi le demander à un avocat inscrit aux barreaux d'Évry, Meaux, Melun, Fontainebleau, Sens ou Auxerre qui relèvent tous de la Cour d'appel de Paris. Mais pas à un avocat de Nanterre, si celui-ci ne l'a pas assisté en première instance ! »
Le problème se pose également pour les procédures avec ministère d'avocat obligatoire. Admettons que le justiciable choisisse un avocat parisien pour une procédure conduite à Nanterre. Il perd en première instance, et interjette appel devant la cour de Versailles. Mécontent, il décide de changer d'avocat. S'il choisit un autre avocat parisien, qui aurait pu postuler en première instance mais, de facto, ne l'a pas fait, alors cet avocat parisien devra faire appel à un postulant inscrit au barreau de Versailles.
Pour Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil, grâce à la loi du 25 janvier 2011 ayant supprimé la fonction d'avoué, l'avoué survit.