Le code des assurances impose à tout conducteur d’un véhicule terrestre à moteur, l’obligation de prendre une assurance pour couvrir les dommages qu’il est susceptible de causer à autrui. Il s’agit de la garantie responsabilité civile (RC) des contrats d’assurances, à distinguer de la garantie du conducteur qui répare les dommages que l’assuré peut se causer à lui-même sans l’intervention d’un tiers.
Cette garantie responsabilité civile est mise en œuvre de droit, c’est-à-dire dès lors que l’assuré a causé à autrui un dommage. Elle permet de réparer les préjudices tant corporels que matériels que peuvent subir les victimes.
Dans le domaine des accidents de la circulation, l’indemnisation des dommages causés aux victimes par un véhicule est régie par la loi Badinter, et l’assurance du responsable intervient sous le couvert de cette garantie responsabilité civile. Bien entendu, la garantie responsabilité civile a également vocation à jouer dans l’ensemble des contrats d’assurances (habitation, scolaire etc.)
Toutefois, certaines situations sont prévues par le code des assurances dans lesquelles l’assureur qui garantit la responsabilité civile d’un véhicule terrestre à moteur, peut refuser de mettre en jeu les garanties du contrat et de ce fait, la victime peut se voir opposer un refus d’indemnisation.
Ces cas sont prévus par l’article L.113-8 du code des assurances :
« Indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l'article L. 132-26, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre. »
Ainsi, un assureur peut opposer à un assuré la nullité du contrat, c’est-à-dire que le contrat perd tous ses effets, en cas :
- De réticence (omission volontaire d'une chose qu'on devrait dire) dans les déclarations,
- De fausse déclaration de la part de l’assuré,
- Si cette omission ou cette fausse déclaration a pour effet d’induire l’assureur en erreur.
La conséquence de la nullité est que le contrat est considéré comme inexistant. Un contrat inexistant ne peut donc produire des effets et couvrir les risques qu’il est censé garantir.
Ainsi, en cas d’accident, lorsque pour une raison valable, l’assureur oppose à son assuré la nullité du contrat, l’effet qui s’ensuit est que la ou les victimes ne peuvent obtenir réparation de leur préjudice, puisque le contrat d’assurance est alors considéré comme n’avoir jamais existé.
Par une loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, relative à la croissance et la transformation des entreprises, le législateur a créé dans le même code un nouvel article L. 211-7-1, déclarant ces nullités inopposables aux victimes.
« La nullité d'un contrat d'assurance souscrit au titre de l'article L. 211-1 n'est pas opposable aux victimes ou aux ayants droit des victimes des dommages nés d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques. Dans une telle hypothèse, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait de ce véhicule, de cette remorque ou de cette semi-remorque, est tenu d'indemniser les victimes de l'accident ou leurs ayants droit. L'assureur est subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident, à concurrence du montant des sommes qu'il a versées. »
Malheureusement, ce texte ne s’applique pas aux accidents survenus avant le 24 mai 2019. Pour les victimes qui souhaitent soulever l’inopposabilité de la nullité, une procédure judiciaire peut s’avérer nécessaire si l’assureur refuse de faire droit aux demandes d’indemnisation.
Par une décision rendue le 20 juillet 2017, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 6e ch., 20 juill. 2017, n° C-287/16) a déclaré inopposable aux victimes la nullité du contrat d’assurance de responsabilité civile automobile obligatoire pour fausse déclaration ou réticence intentionnelle.
La 2ème chambre civile de la Cour de cassation par un arrêt rendu le 16 janvier 2020 (décision à consulter sur Légifrance N°18-23.381) est allée dans le même sens que le juge européen.
« Mais attendu que la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit (arrêt du 20 juillet 2017, C 287-16) que l'article 3, paragraphe 1, de la directive 72/166/CEE du Conseil, du 24 avril 1972, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs, et au contrôle de l'obligation d'assurer cette responsabilité, et l'article 2, paragraphe 1, de la deuxième directive 84/5/CEE du Conseil, du 30 décembre 1983, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale qui aurait pour effet que soit opposable aux tiers victimes, dans des circonstances telles que celles de l'affaire au principal, la nullité d'un contrat d'assurance de responsabilité civile automobile résultant de fausses déclarations initiales du preneur d'assurance en ce qui concerne l'identité du propriétaire et du conducteur habituel du véhicule concerné ou de la circonstance que la personne pour laquelle ou au nom de laquelle ce contrat d'assurance est conclu n'avait pas d'intérêt économique à la conclusion dudit contrat ;
Qu'il s'en déduit que la nullité édictée par l'article L. 113-8 du code des assurances, tel qu'interprété à la lumière de la directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l'obligation d'assurer cette responsabilité, qui a abrogé et codifié les directives susvisées, n'est pas opposable aux victimes d'un accident de la circulation ou à leurs ayants droit ; »
Ainsi, même si la fausse déclaration ou l’omission dans la déclaration peut être sanctionnée par la nullité du contrat d’assurance, les victimes depuis la loi du 22 Mai 2019 doivent réclamer au responsable la réparation de leurs préjudices.