Toute société, peut convenir avec les associés lors de la création de la société ou au cours de la vie sociale des règles de fonctionnement, afin d’assouplir la rigidité de la réglementation qui les invite à se tourner vers la liberté qu’offrent les techniques contractuelles, donnant ainsi naissance aux pactes d’actionnaires.
Pacte, protocole, accord, charte, convention, etc. autant est la diversité des termes employés pour désigner l’organisation des rapports entre actionnaires, dans la pratique ces vocables sont utilisés sans distinction véritable à des situations parfois rigoureusement identiques.
Le terme « pacte » n’a pas de signification technique précise. Il sert généralement à désigner une convention solennelle, complexe et destinée à établir des relations durables entre de nombreuses parties.
Le terme « pacte » a aussi une connotation péjorative, il désigne des accords dont la validité est douteuse (pacte sur succession future, pacte avec le diable) là encore ce sens se trouve dans les pactes d’actionnaires, car on se demande pourquoi les intéresses ont recours à une convention extra- statutaire pour régler des relations qui devraient plus normalement être régies par les statuts, surtout que les objectifs des signataires des pactes manquent souvent de transparence. Cependant, le droit OHADA permet-il la conclusion des pactes d’actionnaires ?
A. L’utilité d’un pacte d’actionnaires ?
Les contrats jouent dans le droit des sociétés un rôle important mais difficile à cerner, certes une manifestation de volonté est à l’origine de la constitution de toute société et de l’acquisition de la qualité d’associé ; mais la société n’est jamais un groupement forcé et personne ne peut être contraint d’entrer dans une société. Mais cette manifestation de volonté n’obéit aux principes généraux des contrats et des obligations que jusqu'à l’immatriculation au registre de commerce, à partir de ce moment tout change et le caractère purement contractuel des relations entre la société et les associés s’affaiblit, sans pour autant disparaître.
1. Contrôler l’actionnariat
Les pactes constituent des instruments privilégiés pour l’exercice du pouvoir, en particulier dans les sociétés anonymes. Ils peuvent permettre en effet la concentration de la direction de la société au profit de certains actionnaires représentant une faible proportion du capital.
Le pacte d’actionnaires permet ainsi à quelques actionnaires, qui individuellement n’auraient pas d’influence sur les décisions prises par la société, d’exercer en commun le contrôle de celle-ci par un simple accord extrastatutaire. Il existe certes une infinie variété de pactes d’actionnaires, mais l’objectif le plus souvent poursuivi est bien celui de la concentration et de la conservation du pouvoir.
On ne peut nier que les techniques contractuelles peuvent devenir des instruments de domination ou de rivalité du fait de la confiscation du pouvoir ou de la gestion. Cette cohésion se fait par deux moyens :
- soit par des pactes comportant des clauses d’ordre financier
- soit par d’autres fixant les modalités de sortie de la société.
Mais pourquoi stabiliser l’actionnaire ? Certains actionnaires seraient-ils meilleurs que d’autres ? Tout simplement parce qu’un actionnaire instable facilite la prise de contrôle d’une société. En effet le conseil d’administration aura plus de mal à convaincre les actionnaires de ne pas apporter leurs titres lors d’une OPA pour réaliser une plus-value. En revanche, lorsque l’actionnaire est stable, ou dans certains cas verrouillé par un pacte d’actionnaire ; par des participations croisées ou encore par des avantages d’une autre nature(le droit de vote double, les dividendes majorées, etc.…) le conseil d’administration aura plus de facilité à convaincre les actionnaires de ne pas apporter leurs titres mettant ainsi « le prédateur » en échec. Et la forme la plus achevée de ces pactes est le noyau dur ou les groupes d’actionnaires stables.
En droit OHADA, ces noyaux durs ont fait leur apparition dés l’entrée en vigueur de l’ACTE UNIFORME RELATIF AU DROIT DES SOCIETES COMMERCIALES ET DU GROUPEMENT D’INTERET ECONOMIQUE, adopté le 17 avril 1997. Ces noyaux durs jouent un rôle important celui de rassurer les actionnaires nationaux inquiets de voir leur patrimoine tomber entre les mains d’investisseurs étrangers. Ces noyaux durs constituent de véritables galaxies de pouvoir et d’influence.
Les pactes d’actionnaires extrastatutaires présentent certains avantages non négligeables par rapport au statut d’une société anonyme.
Sur le plan opérationnel, la confidentialité du pacte permet d’y inclure des dispositions que deux actionnaires ne veulent pas révéler aux autres, et encore moins aux tiers.
De même, la modification des pactes d’actionnaires est plus sûre que celle des statuts : tous les signataires au pacte doivent donner leur accord, alors que dans les statuts, la majorité qualifiée suffit parfois pour leur modification.
En outre, la modification des statuts requiert le respect d’un formalisme et de délais étrangers au pacte.
2. Le droit de vote
Le droit de vote constitue la prérogative la plus importante de l’actionnaire. En principe le droit de vote équivaut à une volonté de l’actionnaire librement exprimée à la fin du débat de l’assemblée générale.
Dans le souci d’assurer la gestion de la société, ou encore la passation de certaines opérations, les actionnaires peuvent recourir à des conventions de vote, convention qui sont très fréquentes et très pratiquées dans le milieu des sociétés par actions.
L’objet des conventions de vote est variable, il dépend du but poursuivi à titre d’exemple des actionnaires minoritaires peuvent à travers des conventions de vote se regrouper pour constituer une minorité cohérente ou encore une minorité de blocage. Les conventions de vote peuvent avoir uniquement pour objet d’orienter les suffrages, en ce sens que les parties se réunissent avant chaque assemblée et déterminent la position à prendre lors de cette assemblée ; les conventions de vote peuvent avoir pour objet d’aboutir à un accord unanime pour des décisions importantes.
il reste que le législateur OHADA n’est pas claire quant au sens dans lequel est orienté le vote, mais on peut dire qu’au regard des réflexions doctrinales et du droit des sociétés, une convention de vote est licite si elle sauvegarde le droit de participation des actionnaires si elle n’est pas contraire à l’intérêt social , et si tout vice de consentement est absent ; ainsi sont nulles les cessions de vote , les conventions d’orientation à la majorité dans la mesure où les parties n’ont aucune liberté d’action contrairement aux conventions d’orientation à l’unanimité qui sont licites puisque les parties sont en mesure de faire entendre leurs voix. En effet à ce niveau leur liberté de participer n’est que partiellement limitée par le fait que leur décision soit prise par anticipation.
B. Les principales clauses des pactes d’actionnaires
Le dispositif contractuel constitué d'une part, de la convention d'investissement et d'autre part, du pacte d'actionnaires permet d'organiser les rapports juridiques et financiers entre les investisseurs et l'entrepreneur lors de la création d'une start-up et au cours de son développement.
Cette convention prend la forme d'un protocole d'accord, signé entre les fondateurs de la société et les investisseurs qui régit les rapports entre les parties jusqu'à la réalisation effective de l'investissement.
Aux termes de ce document, les investisseurs s'engagent à souscrire un certain nombre de titres lors de la prochaine augmentation de capital.
1. La forme des pactes d’actionnaires
Si aucun formalisme n’est imposé pour la rédaction ou la modification du pacte, l’accord unanime des signataires est néanmoins imposé. Les pactes d’actionnaires sont soumis aux conditions essentielles des droits des contrats : le consentement de la partie qui s’oblige, sa capacité de contracter, un objet certain et une cause licite selon les termes bien connus de l’article 1108 du Code civil français applicable dans l’ensemble des Etats de l’espace OHADA.
Si la rédaction du pacte est libre, l’assistance d’un professionnel du droit : avocat, conseiller juridique ou notaire ayant une grande pratique du droit des sociétés, apparaît néanmoins indispensable, surtout lorsque les intérêts en jeu sont importants.
On retrouve régulièrement deux grandes familles de dispositions contractuelles dans un pacte d'actionnaires : les clauses relatives à l'organisation et au contrôle de la gestion de la société, d'une part, et les clauses relatives à la composition et l'évolution de l'actionnariat, d'autre part.
De façon générale, on peut trouver une infinie variété de clauses qui ne peuvent être présentées de manière exhaustive ici.
Les clauses relatives au maintien des équilibres financiers revêtent une importance considérable. Ces clauses permettent ainsi d'assurer aux investisseurs que les variations du capital ne bouleverseront pas les équilibres à partir desquels ceux-ci ont calculé leurs risques.
Dans le cas d'une augmentation de capital social, deux difficultés sont susceptibles d'apparaître : l'investisseur peut ne pas souhaiter augmenter sa participation dans la société ; l'augmentation de capital peut avoir été réservée à un tiers, sans que l'investisseur ne puisse s'y opposer.
La clause anti-dilution permet à l'investisseur d'obtenir l'engagement des autres actionnaires, en pratique les fondateurs, de lui céder le nombre d'actions nécessaire pour maintenir son pourcentage de capital détenu antérieurement à l'opération.
Cette clause s'analyse en une promesse unilatérale de vente sous condition suspensive d'augmentation de capital.
Cette clause est souvent cumulée avec la clause de garantie de valeur, dite clause de "ratchet" qui permet de prémunir les investisseurs contre une baisse de valorisation de la société.
Ce type de clause connaît aujourd'hui un regain d'intérêt en raison de la chute des valorisations des sociétés du secteur de la nouvelle économie.
Concrètement, la clause de "ratchet" permet d'ajuster automatiquement à la hausse le pourcentage de détention du capital détenu, et ce, proportionnellement à la baisse de valorisation de la société.
Ainsi, en cas d'opération sur le capital intervenant à une valorisation inférieure à celle établie lors de l'entrée de l'investisseur dans la société, un système de compensation permet de ramener la valeur d'acquisition des titres de l'investisseur, à la nouvelle valeur proposée.
On trouve également des clauses d'inaliénabilité. Pour certaines sociétés de capital-risque, la considération de la personne du ou des fondateurs peut être déterminante dans la décision d'une prise de participation. Il est donc possible de prévoir, dans le pacte d'actionnaires, une clause selon laquelle le ou les actionnaires fondateurs s'engagent à ne pas céder tout ou partie des titres détenus ou à détenir dans la société tant que l'investisseur demeure actionnaire.
Juridiquement, cette clause est valable dans la mesure où elle est justifiée par un intérêt légitime. Enfin, les clauses de préemption et de sortie conjointe sont couramment utilisées.
2. Les pactes d’actionnaires : une obligation de faire
Les relations entre les associés sont souvent d’ordre familial, professionnel, voire confessionnel, et plus souvent encore commercial, financier ou industriel. Ces relations ne sont donc pas d’une nature exclusivement juridique.
Il en résulte que contrairement à une idée reçue, les signataires du pacte ne recherchent pas toujours la force obligatoire de l’article 1134 du Code civil français en formant leur union.
Le rôle du pacte est certes d’organiser la vie commune entre deux ou plusieurs associés, mais aussi de mettre en place des mécanismes de conciliation, voire de règlement des différends ; il ne faut donc pas ignorer cette fonction souvent capitale de préparation au divorce.
L’obligation de faire se définit comme étant un acte positif, c'est-à-dire une prestation que le débiteur est tenu d’accomplir.
Cependant, les pactes d’actionnaires créant le plus souvent des obligations de faire ou de ne pas faire. Ici, la vocation de toute obligation est, par définition, d’être exécutée de la manière exacte dont elle a été contractée. La force obligatoire peut par ailleurs trouver son fondement dans l’autonomie de la volonté, mais aussi dans la confiance faite par le créancier au débiteur.
Donc, il est de l’essence de toute obligation d’être exécutée et donc d’être susceptible d’exécution forcée, chaque fois que le débiteur ne s’acquitte pas volontairement de son obligation.
Par ISSA SAID