Classiquement, le contrat se fondait sur la théorie de l’autonomie de la volonté selon laquelle le contrat repose sur la volonté de ceux qui s’engagent.
Dans la philosophie des Lumières cela s’expliquait par le fait que l’homme est libre et ne peut être lié que parce qu’il l’a voulu dans la mesure de ce qu’il a voulu.
Il résulte de cette théorie le principe de la force obligatoire du contrat selon lequel la personne qui s’est librement engagée ne peut se délier de cet engagement.
Dès lors, l’idée est bien que les conventions s’imposent comme la loi s’impose aux citoyens : « le contrat est la loi des parties ». De plus, les parties contractantes, une fois leur engagement passé, ne peuvent se rétracter que d’un consentement mutuel, ainsi une partie n’est pas en droit de se rétracter unilatéralement : c’est le principe de l’intangibilité du contrat.
L’intangibilité du contrat s’impose non seulement aux parties mais aussi au juge. En principe, le rôle du juge est de servir les volontés souveraines par un contrôle a posteriori en cas de litige. Cependant, les volontés souveraines sont elles mêmes soumises à certaines limitations légales telles que le respect des bonnes mœurs et de l’ordre public ainsi que la bonne foi dans l’exécution du contrat.
Cette exigence de bonne foi a permis à la jurisprudence de nuancer le principe de la force obligatoire du contrat. Alors si le juge se porte garant de la souveraine volonté des parties, supposées en théorie égales, il n'en demeure pas moins que, sous couvert d'interprétation, il va ajouter souvent au contrat des obligations auxquelles les parties n'avaient pas songé.
La question qui se pose alors est de savoir si, en dehors de l’encadrement légal des volontés, le juge peut venir modifier le contrat conclu entre les parties. Peut-il venir remettre en cause leurs volontés souveraines donnant force obligatoire au contrat ?
En principe, le juge n’est pas censé s’immiscer dans le contrat, qui s’impose à lui, mais la pratique tend à lui accorder de plus en plus la possibilité de le faire.
Alors bien que l’intangibilité du contrat soit le principe, elle connait quelques atténuations cependant contrôlées.
I. La soumission du juge au principe d’intangibilité du contrat
Le principe d'intangibilité du contrat fortement ancré en droit français empêche toute modification par le juge, celui-ci peut toutefois l'interpréter en cas d'obscurité des termes. Les individus étant libres, ils ne peuvent être tenus d'obligations que parce qu'ils les ont eux mêmes voulues. C'est le principe de la force obligatoire du contrat. Comme l’illustre l'article 1134 du Code Civil français: "les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites" en conséquence, seules les parties peuvent modifier l'étendue de leurs engagements, mais il faut l'accord de toutes les parties présentes au contrat initial pour pouvoir le modifier et apporter des dispositions contractuelles nouvelles.
De plus, ce contrat s'impose au juge qui s'interdit d'en modifier les stipulations contractuelles même si les circonstances économiques ont changé et engendrés des situations inéquitables. Le juge doit donc faire appliquer le contrat, il s'interdit d'en dénaturer les clauses, même si les termes employés sont obscurs, ambigus ou incomplets.
Dans la pureté des principes, toute révocation ou modification du contrat ne peuvent être que le fait des parties. En ce cas, le juge est impuissant à modifier le contrat, c.-à-d. à ajouter à celui-ci des obligations envers l’une ou l’autre des parties ou bien à en modifier les termes principaux. Bien entendu, à ce principe de base, une multitude d’atteintes à cette force obligatoire sont posées.
II. La révision pour cause d'imprévision
Si les principes d'autonomie de la volonté et de force obligatoire du contrat empêchent en principe la révision du contrat, il existe toutefois des cas particuliers extrêmement encadrés ou cela demeure possible.
Sauf cas exceptionnel, le juge ne peut pas réviser le contrat conclu par les parties. La force obligatoire du contrat lui confie un caractère intangible. Il est donc impossible de concevoir une reformulation du contrat par le juge.
Cette hypothèse serait une atteinte à un autre principe consacré par la philosophie des lumières à savoir l'autonomie de la volonté.
Que dire de la sécurité juridique d'une nation dont le juge, détenteur suprême du pouvoir de sanction pourrait modifier à sa guise des conventions reposant sur la volonté suprême des parties. Déjà reconnue en droit Romain, "pacta sunt servanda", la notion de contrat ne supporte aucun avilissement, il existe pourtant des exceptions au principe d'impossibilité de révision du contrat mais ces dernières sont largement encadrées.
Ces précautions peuvent revêtir deux formes, tout d'abord celles encadrées par la loi et celle insérées dans la lettre du contrat.
Le juge peut intervenir dans deux cas précis, soit il peut si la situation l'impose, accorder un droit de grâce au débiteur, soit il doit protéger le consommateur des clauses abusives présentes lors de la manifestation d'un déséquilibre économique entre les deux parties au contrat.
Les cocontractants prévoyants peuvent intégrer dans le champ contractuel des clauses visant à limiter les risques liés à l'imprévision de la situation économique et sociale future au contrat. Ils peuvent tout d'abord décider d'indexer leurs prix sur un indice par exemple ou encore intégrer une clause de sauvegarde au contrat. Dans le dernier cas les juges peuvent jouer un rôle clef lors de la renégociation du contrat.
Par ISSA SAID