Quelle option pour l'harmonisation juridique des pays membres de la Communauté Economique des Pays des Grands Lacs (CEPGL) ?

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Quelle option pour l'harmonisation juridique des pays membres de la Communauté Economique des Pays des Grands Lacs (CEPGL) ?

C'est depuis plus d'une décennie que les relations internationales sont marquées par la mondialisation, ou globalisation des échanges, qui se traduit par la construction d'espaces économiques au sein desquels les frontières géographiques, vestiges de souverainetés décadentes, n'ont qu'une signification politique.

La construction des ces espaces économiques qui consacrent, le plus souvent, l'intégration économique des Etats membres, vise souvent, d'une part, la promotion du développement économique et social, d'autres part, celle de l'investissement privé en rendant les marchés plus attractifs et les entreprises nationales ou communautaires plus compétitives.

Notre Club (Club OHADA Grands Lacs) est convaincu à cet ère de la mondialisation de l'économie que lorsque les principaux pays du monde se regroupent pour constituer des unions économiques, et les cas échéant monétaires, il est impératif, pour tous les pays concernés, d'adopter un même droit des affaires moderne, réellement adapté aux besoins économiques, clair, simple, sécurisant les relations et les opérations économiques.

Il s'en suit un phénomène de « mondialisation du Droit » qui se traduit par une concordance plus ou moins grande et nette des régimes juridiques applicables aux activités économiques, quel que soit le lieu de leur accomplissement, un ensemble des droits et d'obligations communs à tous les acteurs économiques où qu'ils exercent leurs activités, une tendance très nette et constante de la dénationalisation du règlement des conflits de nature économique (arbitrage et procédures non juridictionnelles), etc.

Les Etats africains, plus particulièrement ceux de la sous région des grands lacs, ne sauraient rester en marge de ce processus; c'est pour quoi la Communauté Economique des Pays des Grands Lacs regroupant la République Démocratique du Congo, le Rwanda et le Burundi, et connue sous l'acronyme CEPGL a été créée, avec comme objectifs de réaliser l'intégration économique au niveau sous régional.

Cette CEPGL est, en tout cas, le socle sur lequel devra reposer l'intégration économique de la sous région des grands lacs africains mais il est apparu que dans la plus part des cas, elle ne place pas l'intégration juridique des Etats membres au rang des priorités alors que le droit est l'instrument par lequel se réalisera l'intégration économique.

Mais cet état de chose ne fait pas dire que les Etats membres de cette communauté n'ont pas encore saisi, bien que singulièrement, l'intérêt ou la nécessité de cette intégration juridique. Il s'observe à ce jour traduite la volonté pour chacun d'eux d'assainir l'environnement juridique des affaires pour s'attirer des investissements privés porteurs de croissance et d'emploi. C'est le cas de la RDC qui a officiellement rejoint la dynamique Ohada le 11 Février 2010, alors que le Rwanda et le Burundi restent concentrés sur l'élaboration d'un droit des affaires propres à la East African Community dont ils sont membres depuis 2007.

Toutes ces initiatives sont bonnes et à encourager dans tous les cas où elles ont pour finalité la sécurité juridique et judiciaire des investisseurs, mais aux yeux de notre Club, la crainte est de voir la CEPGL rater finalement les fins pour lesquelles elle a été créée dans la mesure évidente où l'intégration juridique, qui devrait servir de locomotive à l'intégration économique des ses Etats membres ne saurait se réaliser à travers des poches des droits concurrents au sein d'une même communauté régionale. Pour dire mieux, l'intégration des économies des ces trois pays de la CEPGL par la réalisation de libertés communautaires et le rapprochement des politiques économiques pourrait difficilement sortir ces effets dans un ensemble dominé par une diversité, voire une divergence des droits. Un minimum d'unité juridique s'impose si ces Etats veulent garantir la fluidité du marché et l'application uniforme des politiques communes. En d'autres termes, l'intégration économique, et c'est le propre de toute intégration, suppose un environnement juridique plus ou moins harmonisé.

Dès lors, la question qui apparaît aux yeux de notre club et pour la quelle nous vous demandons de nous faire parvenir, sans a priori ni préjugé, vos analyses est celle se savoir quelle est l'option pour les Etats membres de la CEPGL de réaliser leur intégration juridique au regard des exigences d'intégration économique sous régionale, au regard des traditions juridiques et de l'environnement géopolitique ?



Amani Cirimwami Ezéchiel
Magistrat
Coordonnateur Régional

Email : amani.cirimwamie@yahoo.fr

UNIDA / OHADA.com

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1 Publié par Visiteur
20/09/2010 17:59

Au sujet du problème juridique que j'ai exposé, la lettre d'information du Comité des investisseurs français en Afrique (CIAN) de janvier-février 2010 a annoncé que des cabinets d'avocats internationaux avaient été chargés d'élaborer un projet d'unification des droits de l'Ouganda, du Kenya, de la Tanzanie, du Rwanda et du Burundi. Elle ne donnait, cependant, aucune autre information. Notamment, elle ne précisait en rien l'orientation donnée à ce projet qui est appelé à réunir sous un même droit trois pays de Common Law et deux pays de droit civil.
J'estime, comme le Professeur Barthelemy MERCADAL, que Cette situation fait immédiatement penser à celle du Canada où coexistent ces deux ordres juridiques. Le projet pourrait donc s'en inspirer et transposer le bi-juridisme canadien qui fait tous les jours ses preuves et démontre combien il est viable dans un même ensemble économique. Le Canada est aujourd'hui mis au palmarès des résultats économiques) : il est le pays occidental qui a le mieux résisté à la crise et qui rebondit le mieux. Conclusion : la coexistence des droits civils et de Common Law, leur " interopérabilité ", n'est pas nuisible à la croissance.
Une telle solution, outre qu'elle n'entraînerait pas le risque de voir se multiplier en Afrique des poches de droits concurrents et celui d'ouvrir une ère de rivalité juridique, éviterait que chacun des pays concernés soit amené à renoncer à sa tradition juridique. Créer un droit unifié de toute pièce suppose, en effet, la promulgation d'une législation écrite. Ce serait donc la fin de la Common Law, au sens où elle est le contraire d'un droit écrit, dans les trois pays qui la pratiquent actuellement. Il ne pourrait en être autrement que si la Common Law était purement et simplement étendue au Rwanda et au Burundi, ce qui entraînerait l'abrogation de leur législation écrite existante. La seule évocation de cette perspective fait présager le désordre juridique qui s'ensuivrait dans ces deux contrées qui n'ont de rapport avec le droit occidental qu'à travers la culture juridique civiliste. Une politique de table rase de ce système juridique dénoterait une grande insouciance de la sécurité juridique, pourtant présentée en tout lieu comme une composante de la prospérité économique.
Pour donner ses meilleures chances au Rwanda et au Burundi, il serait opportun, semble-t-il, d'agir en deux temps : d'abord, de recommander à ces pays d'adopter la législation édictée par l'Organisation pour l'harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA) qui, d'un seul coup, stabiliserait leur droit des affaires et adapterait son contenu aux besoins des affaires d'aujourd'hui, sans provoquer de bouleversement puisqu'il n'en résulterait aucune solution de continuité avec l'ordre juridique civiliste existant ; ensuite, d'organiser la coexistence juridique " à la canadienne " plus haut envisagée pourvu que les échanges économiques entre les cinq pays impliquent un besoin de rapprochement des droits.

Aussi, pour agir raisonnablement, conviendrait-il de commencer par vérifier ce besoin et de s'assurer de savoir si l'avenir économique du Rwanda et du Burundi est du côté de l'Ouganda, du Kenya et de la Tanzanie ou plutôt du côté de la République Démocratique du Congo, pays au potentiel économique considérable avec sa population de 68 millions et, de surcroît, de même culture juridique civiliste, celle de l'OHADA.

L'intégration économique ne peut jamais se réaliser en s'écartant de son instrument technique qu'est l'intégration juridique.
J'ai toujours dit pour ma part qu'en Afrique, l'OHADA reste l'unique source d'inspiration privilégiée pour les législateurs nationaux car elle répond efficacement aux enjeux actuels du continent.
Une conférence internationale sur les questions de l'intégration régionale et le droit des pays des grans lacs est en préparation mais nous avons pas encore trouvé de financement pour sa tenue qui pourrait intervenir dans l'un des pays membres de la CEPGL.
Amani Cirimwami Ezéchiel

2 Publié par issa said
22/09/2010 19:51

Merci Monsieur le juge Amani de nous avoir clarifier ce point de vu dont j'apprécie son contenu.

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