Les océans et les mers regorgent d’énormes ressources aquatiques vivantes, fondamentales dans l’alimentation des populations africaines dont la majorité est de couche sociale pauvre. Ils constituent également pour les populations côtières des sources d’emplois et de revenus. Par voie de conséquence, les océans et les mers sont un facteur incontestable de croissance économique et de bien-être des collectivités côtières.
Selon les travaux de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE), les océans apportent chaque année à l’économie mondiale, une valeur ajoutée de 1500 milliards de dollar. Dans la même veine, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture estime que près de 60 millions de personnes dans le monde sont employées dans la pêche et l’aquaculture. La majorité de ces personnes vivant dans les pays en développement pratique pour l’essentiel la pêche de capture artisanale. Il est donc capital que ces eaux se portent à merveille afin de permettre à cette population de travailler, de se nourrir et avoir une stabilité sociale.
Or malheureusement, le constat est amer, les stocks de poissons baissent considérablement à cause de la surpêche due à la pêche illégale, non déclarée, non règlementée, activités illicites et criminelles opérées par les pêcheurs nationaux et étrangers, à bord de gros navires de pêche, battant pavillon des Etats dont la capacité de contrôler efficacement leurs activités est limitée.
C’est ainsi qu’au Cameroun par exemple, il a été relevé que depuis 2018, les navires battants pavillon camerounais sont passés de 14 à 129, parmi lesquels, le TRONDHEIM, navire de type Fish Factory Ship, construit en 1990 qui autrefois sous pavillon Saint-Vincent-et les Grenadines dans les caraïbes, puis de la Géorgie arbore aujourd’hui le pavillon camerounais après avoir changé trois fois de dénomination. D’abord de ZAOSTROVYE en 1990, ensuite à KING FISHER en 2000, enfin à TRONDHEIM depuis 2015. Ces navires, dont les propriétaires sont de grosses entreprises basées à l’étranger, se livrent sans vergogne à de pêches intensives dans les eaux territoriales.
Ces entrepreneurs d’un autre genre tirent avantage des lacunes graves que présentent l’Etat de pavillon dans les mécanismes de contrôle, le cadre juridique qui est obsolète, non contraignant et ne s’arrime pas aux obligations régionales et internationales. Cet exemple du Cameroun vaut pour beaucoup d’autres pays africains. C’est pourquoi nous appuyons sur la sonnette d’alarme afin que quelque chose soit faite et que les pouvoirs publics accentuent les actions jusqu’ici menées sur le terrain.
La pêche illicite, non déclarée, non règlementée menace dangereusement la durabilité des activités de la pêche, la sécurité alimentaire et des emplois qu’elle procure. Elle constitue également un obstacle à la mise en œuvre de la politique commune de pêche (PCP) et de l’atteinte à l’objectif de développement durable (ODD) 14 adoptés en 2015 par l’Assemblée générale des Nations unies sur la conservation et l’exploitation de manière durable des océans, des mers et les ressources marines aux fins du développement durable. Bien plus, cet épiphénomène qu’est la pêche illégale, non déclarée, non règlementée est un boulevard pour l’insécurité maritime. Il est donc vital que cette activité criminelle cesse, d’où la nécessité urgente de protéger de manière durable ces eaux tout en les exploitant. Que faut-il faire ?
Nous tenterons de répondre à cette énigme parce que tel est le défi que l’Afrique est tenue de relever pour protéger et préserver son économie bleue (II). La pêche illégale, non déclarée, non règlementée constitue incontestablement un obstacle à l’exploitation durable des ressources aquatiques vivantes (I)
I- PECHE ILLEGALE, NON DECLAREE, NON REGLEMENTEE : OBSTACLE A L’EXPLOITATION DURABLE DES RESSOURCES AQUATIQUES VIVANTES.
Le constat est pathétique. La pêche illégale, non déclarée, non règlementée fait des ravages socio-économiques, de sûreté et de sécurité maritime (C) à cause de la mal gouvernance maritime (B). Comment s’opère-t-elle ? (A)
A- La pêche illégale, non déclarée, non règlementée.
Les activités de pêche INN sont généralement le fait des puissances étrangères d’origine européenne, chinoise, philippine, coréenne, taïwanaise, russe, etc. qui accordent chaque année des subventions en contrepartie des droits de pêche ; elles sont également le fait des flottes nationales. Il faut comprendre par activités de pêche illégale, celles qui sont :
* Menées par des navires nationaux ou étrangers dans les eaux territoriales d’un Etat sans l’autorisation, sans licence ou licence non valide, bref sans la permission de cet Etat ou en violation de ses lois et règlements ;
* Menées par des navires battant pavillon d’Etats membres d’une organisation régionale pertinente mais qui opèrent :
- En violation des mesures de conservation et de gestion adoptées par cette organisation et qui lient les Etats membres ou ses dispositions pertinentes des lois internationales applicables ;
- En violation des législations nationales ou des obligations internationales y compris celles qui engagent les Etats en coopération à une organisation régionale pertinente d’une gestion de pêcheries.
* Menées en dehors de la zone autorisée, ou pendant la saison interdite, en violation de l’accord de pêche.
Les activités de pêche non déclarée quant à elles renvoient à toutes les activités de pêche qui :
* Ne sont pas déclarées ou déclarées de manière inexacte ou partiellement, du fait de dissimulation des informations sur les captures aux autorités nationales en violation des lois et règlements nationaux ;
* Sont menées dans les domaines de compétence d’une organisation régionale compétente de gestion de pêcheries qui ne sont pas déclarées ou qui sont faussement déclarées aux autorités nationales en violation des procédures d’élaboration de rapports à cette organisation. Les activités de pêche non règlementées quant à elles sont celles menées :
* Dans la zone de compétence d’une organisation régionale pertinente de pêcheries, par des navires étrangers, ou par des navires battant pavillon d’un Etat non partie à cette organisation, ou par une entité de pêche, d’une manière qui n’est pas conforme ou qui contrevient aux mesures de conservation et de gestion de cette organisation ;
* Dans les zones ou pour des stocks de poissons à l’égard desquels il n’y a aucune mesure de conservation ou de gestion applicable, et où les activités de pêche sont menées d’une manière incompatible avec les responsabilités de l’Etat pour la conservation des ressources marines vivantes relevant du droit international.
La pêche non règlementée est une pêche non conforme du fait de la nature des espèces capturées ou de la technique de pêche employée (usage des engins et ou des techniques de pêche prohibés, pêche au-delà du quotas autorisé, pêche d’espèces interdites), donnant ainsi lieu à l’exploitation ou à la surexploitation au-delà des limites de l’utilisation durable.
C’est également le lieu de préciser que la pêche de subsistance a un impact sur le stock halieutique parce qu’elle se pratique dans les zones côtières, lieux de reproduction. Les pêcheurs qui se livrent avec délectation à cette activité criminelle tirent avantage des lacunes que présente le système de contrôle de l’Etat de pavillon.
B- Mal gouvernance maritime au service de la pêche illégale, non déclarée, non règlementée.
Il faut comprendre par bonne gouvernance, la capacité des autorités d’un pays à gérer de manière durable, les ressources matérielles et humaines dans un souci de stabilité politique, de cohésion sociale et de croissance économique afin d’améliorer les conditions de vie de la population et de réduire la pauvreté de façon durable.
Pour la Banque mondiale, quatre conditions sous-tendent l’établissement de la bonne gouvernance à savoir :
* L’instauration d’un Etat de droit qui garantisse la sécurité des citoyens et le respect des lois, notamment par un système judiciaire indépendant ;
* La bonne administration qui exige une gestion correcte et équitable des dépenses publiques en prohibant la corruption et en évitant l’inflation ;
* La responsabilité et l’imputabilité qui imposent que les dirigeants rendent compte de leurs actions devant la population selon les règles publiques mises en place ;
* La transparence : assurer que l’information soit libre et facilement accessible à tous les citoyens.
La gouvernance des océans et des mers désigne le cadre national et international légal et règlementaire et les processus d’exécution connexes qui garantissent une utilisation pacifique et durable des mers pour le commerce et l’alimentation l’énergie et les matières premières. Elle protège les eaux de la surexploitation de ses ressources, de la pollution, des atteintes aux écosystèmes, aux habitats marins, etc. garantissant ainsi une gestion, une exploitation et une conservation durable de ses ressources.
La gouvernance impose à l’Etat de pavillon d’assurer de manière efficace le contrôle de tous les navires qui battent son pavillon et de tous ceux qui accostent dans ses ports en sa qualité d’Etat de port. Aux termes de l’article 94 (1) de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, « Tout Etat exerce effectivement sa juridiction et son contrôle dans les domaines administratif, technique et social sur les navires battant son pavillon ». Cette obligation de contrôle s’impose dans tous les domaines depuis la construction du navire jusqu’à son exploitation. Ainsi, chaque Etat fixe les conditions auxquelles il accorde sa nationalité aux navires ainsi que les conditions d’immatriculation et du droit de battre son pavillon.
L’exigence de l’existence effective du lien de rattachement entre l’Etat d’immatriculation et le navire battant son pavillon impose donc que l’Etat en question exerce sur ledit navire sa juridiction et son contrôle dans les domaines :
* Administratif pour l’enregistrement et l’immatriculation du navire ;
* Technique pour s’assurer de la navigabilité, de la sécurité et de la sûreté des personnes et des biens transportés ;
* Juridique pour s’assurer et veiller au respect de la législation nationale et des obligations internationales ; et
* Social pour s’assurer du bien être des membres de l’équipage.
Or, l’absence d’une bonne gouvernance des océans et des mers ou la mal gouvernance empêche l’Etat de pavillon ou alors limite son potentiel à contrôler tant les navires que les activités qu’ils mènent dans ses eaux. Le système de contrôle et de surveillance est très perméable, inefficace. Les moyens de contrôle sont inappropriés. Quand bien même le matériel adéquat existerait, les agents véreux constituent les principaux obstacles à leur mise en œuvre et en valeur, préférant se livrer à la corruption et ‘’faire l’aveugle’’. C’est ainsi qu’étant à la recherche effrénée du gain facile, ils se plaisent dans l’usage des techniques manuelles, archaïques moins sécurisées, confortés par l’absence de formation.
Le cadre juridique également obsolète et non contraignant, ne contient pas ou contient à peine des dispositions nécessaires pour assurer un contrôle méticuleux et efficient des navires de pêche. Cette mal gouvernance milite en faveur de la surpêche et permet aux acteurs peu scrupuleux de se livrer aisément aux activités criminelles de toute nature.
C- Conséquences de la pêche illégale, non déclarée, non règlementée.
Le poisson et d’autres produits halieutiques comptent parmi les denrées alimentaires les plus commercialisés au monde. La pêche constitue une source de revenu et de croissance économique importante. Ce qui favorise l’autonomisation de ses acteurs et permet logiquement à l’Etat de faire face à la pauvreté et au chômage.
La pêche est donc incontestablement un facteur de stabilité locale et de sécurité alimentaire. Il faut dire que la pêche présente tous ces atouts lorsqu’elle est durable. Mal dirigée, mal gérée, mal menée, la pêche constitue une source d’instabilité politique, sociale, économique sans précédent. La pêche illégale, non déclarée, non règlementée est une ‘‘bombe à retardement’’ :
* Elle constitue une entrave grave à la sécurité maritime. Elle s’accompagne ou alors facilite les actes criminels tels, la piraterie, le vol à main armés, le terrorisme maritime, le trafic des stupéfiants, d’armes, de drogue et d’êtres humains, le déversement des déchets en mer, le trafic de siphonage du pétrole brut en mer, la contrebande, les trafics marchands divers, l’enlèvement d’équipages à bord des navires contre rançons, l’immigration clandestine, le blanchiment d’argent, etc.
* Elle contribue à la promotion de l’esclavage pourtant déjà aboli. Parfois, les hommes qui travaillent à bord des navires qui pratiquent la pêche INN effectuent des travaux forcés, entassés les uns sur les autres, sous alimentés, sans soins, vivant dans des conditions inhumaines, obligés de travailler pendant de longues heures d’affilées. Pire encore, certains migrants qui espéraient une traversée certaine (aussi fastidieuse soit-elle) par l’emprunt de ces navires qui échappent à toutes surveillances, sont malheureusement vendus. Cette forme d’esclavage (travaux forcés sous rémunérés), est utilisé par certaines entreprises pour réduire leur coût de production, tirant avantage de ce que ces migrants, sans papiers devenus par la force des choses, ‘‘marins’’ et incapables de lire et de comprendre leur contrat méconnaissent totalement leurs droits.
* Elle contribue à la perte de centaine de millier de nouveaux emplois qui auraient pu être crée dans les entreprises locales de la pêche et de la transformation si ces méthodes de pêche illégale cédaient place à une gestion durable des ressources halieutiques.
* Elle engendre aux Etats, une perte de recettes fiscales estimée à des millions de dollars, accentuant ainsi avec la rareté des emplois, la pauvreté, vecteur de sous scolarisation et de recrudescence des actes de brigandage.
* Elle favorise la raréfaction des stocks, qui amène la population locale déjà à court de moyens financiers à dépendre des importations des denrées alimentaires.
* Elle constitue une menace à l’écosystème aquatique qui doit faire face aux modifications physiques et chimiques.
* Elle est un obstacle à la politique de conservation et de gestion des stocks et porte atteinte à la préservation de l’écosystème aquatique.
* Elle constitue une concurrence déloyale à l’égard des pêcheurs honnêtes et responsables qui exercent leurs activités en accord avec les termes de leur licence ou accord de pêche.
* Les poissons morts ou empoisonnés, capturés aisément et sans efforts, après usage des produits chimiques, sont allègrement consommés par les hommes avec pour conséquence l’intoxication de l’organisme humain pouvant même entraîner la mort.
Obstacle à la mise en œuvre de la politique commune de pêche (PCP) et de l’atteinte à l’objectif de développement durable (ODD) 14 de l’ONU, la pêche illégale, non déclarée, non règlementée est le défi que l’Afrique doit relever pour protéger et préserver son économie bleue.
II- DEFIS ET PERSPECTIVES D’AVENIR POUR LUTTER EFFICACEMENT CONTRE LA PECHE INN ET PRESERVER L’ECONOMIE BLEUE AFRICAINE.
La mise en œuvre effective des conventions internationales et régionales en matière de lutte contre la pêche illégale, non déclarée, non règlementée (A), la promotion de l’aquaculture et de la reconstitution des stocks de poissons (B) ainsi que l’apport des associations et ONG (C) constituent à notre sens la clé magique pour mettre un terme à cette activité criminelle.
A- Mise en œuvre effective des conventions internationales et régionales en matière de lutte contre la pêche illégale, non déclarée, non règlementée.
Océans et mers étant étendus, il est difficile, voire impossible qu’un pays à lui seul puisse lutter efficacement contre cet épiphénomène d’où la mutualisation des efforts, la recherche des stratégies, la signature des accords et conventions. L’Accord de 2009 relatif aux mesures du ressort de l’Etat du port dit Accord MREP (1), la Stratégie Africaine intégrée pour les mers et les océans-Horizon 2050 dite AIMS 2050, la Charte de Lomé sur la sûreté et la sécurité maritime et le développement en Afrique dite Charte de Lomé, ainsi que les stratégies nationales (2) sont assez édifiants.
1. Accord FAO relatif aux mesures du ressort de l’Etat du port.
Premier traité international juridiquement contraignant, destiné à lutter contre la pêche INN, l’accord de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture de Novembre 2009 entré en vigueur en 2016, relatif aux mesures du ressort de l’Etat du port, impose aux Etats d’exercer des contrôles plus stricts sur les navires battant pavillon étranger qui cherchent à entrer dans leurs ports et à utiliser leurs services. L’objectif majeur de l’Accord MREP est de prévenir, contrecarrer et éliminer la pratique de la pêche INN. Pour ce faire, les Etat se doivent entre eux et avec d’autres institutions, organisations internationales et organisations régionales de gestion de pêches (ORGP), une coopération franche, une étroite collaboration afin d’assurer l’interopérabilité des échanges d’informations et de la coordination efficace des actions. Dans la mesure du possible, chaque partie signataire de cet accord prend des mesures qui visent à appuyer les mesures de conservation et de gestion adoptées par d’autres Etats et d’autres organisations internationales pertinentes. Les parties doivent coopérer au niveau sous régional, régional et mondial à l’application effective y compris s’il le faut par l’intermédiaire de la FAO ou d’organisations et d’arrangements régionaux de gestion des pêches (article 6 AMREP, Coopération et échange d’informations).
Le changement d’immatriculation d’un navire doit résulter de la vérification de l’historique des navires afin d’éviter qu’un navire de pêche black listé INN ne puisse arborer le pavillon de l’Etat dont l’immatriculation est requise. Lorsqu’à l’issue d’une inspection, il y a de sérieuses raisons de penser qu’un navire s’est livré à la pêche INN ou à des activités qui y sont rattachées, la partie qui procède à l’inspection doit :
* Informer de ses conclusions et ce dans les meilleurs délais, l’Etat du pavillon du navire, les Etats côtiers, les ORGP compétentes et autres organisations internationales appropriées et l’Etat dont le capitaine du navire est ressortissant ;
* Refuser au navire incriminé l’utilisation de son port pour le débarquement, le transbordement, le conditionnement et la transformation du poisson qui n’aura pas été débarqué antérieurement. L’Etat de port doit également lui refuser tous les autres services portuaires comme l’approvisionnement en carburant, l’avitaillement, l’entretien, la mise en cale sèche, etc. à moins qu’il ne s’agisse d’un service indispensable à la santé, la sécurité de l’équipage ou à la sécurité du navire
2. Stratégie AIMS 2050, Charte de Lome, Stratégie nationale.
Pour dissuader les adeptes de la PINN, des sanctions suffisamment sévères doivent leur être infligées : la saisie, la confiscation des produits résultant de cette activité illicite, la poursuite des contrevenants, associée à des amendes fortes à titre d’indemnisation comme des amendes proportionnelles à la valeur économique des captures opérées par exemple.
Les Etats doivent signaler à la Commission de l’Union africaine toute activité de pêche INN afin que soit envisagées des actions supplémentaires renforcées et plus dissuasives.
Les Etats membres de l’Union africaine sont tenus d’octroyer des licences efficaces et de contrôler les navires autorisés à pêcher par les Etats de pavillon, de transmettre en temps réel des positions de navires titulaires d’une licence via un système de surveillance des navires VMS (Vessel Monitoring System, système de surveillance des navires par satellite), de surveiller et intercepter les activités de pêches illégales par des patrouilles en mer, de mettre en œuvre des règlementations techniques pour la sûreté des navires non conventionnels, de mettre en œuvre des mesures prises par les ORGP telles que l’établissement de listes ‘‘blanches’’ ou ‘‘noires’’ pour identifier les contrevenants.
Les Etats doivent combiner leurs actions et développer des stratégies communes de surveillance et de dissuasion qui fonctionnent en permanence et garantissent des patrouilles en mer. Ce qui nécessite un système de communication efficace et des capacités de réaction rapides avec les OPV (Ocean Patrol Vessels), les bateaux rapides, les avions de patrouille maritime, les drones et hélicoptères.
L’Etat de port doit pouvoir être prompt à aller à la rencontre ou mieux à la recherche d’un navire qui étant de passage dans ses eaux est subitement sorti des radars car très souvent, lorsque ce navire se livre à une activité illicite, il éteint ou met en veilleuse son système de surveillance à l’effet de tromper la vigilance.
Au niveau régional ou communautaire, les Etats doivent mettre en place une politique commune de pêche (PCP) qui favorise l’égal accès des pêcheurs de la communauté aux zones maritimes relevant de la souveraineté des Etats membres. Cette PCP doit pouvoir chaque année déterminer le taux admissible de capture (TAC) par stock qui doit ensuite être reparti en quotas entre les Etats membres en prenant en compte les activités traditionnelles de pêche, la dépendance particulière de certaines populations côtières à la pêche, de façon à assurer à chacun une stabilité socio-économique.
Lorsqu’à l’issue d’une inspection effectuée par l’Etat de port, l’Etat de pavillon reçoit un rapport d’inspection indiquant qu’il existe de sérieuses raisons de penser qu’un navire autorisé à battre son pavillon s’est livré à la pêche INN, ce dernier doit mener une enquête immédiate, complète et approfondi et rassembler tous les indices et éléments concordants sur la question. Si les faits sont avérés, il doit appliquer la loi qui elle-même doit être rigoureuse.
Chaque Etat doit adopter des stratégies nationales appropriées pour lutter efficacement contre cette activité macabre qu’est la pêche INN. Ces stratégies doivent être accompagnées des mesures juridiques sévères visant à traquer les auteurs et acteurs véreux.
L’Etat doit encourager le développement des flottes et/ou flottilles de pêche ainsi que de sa capacité de transformation locale. Cette solution permettra à l’Etat d’être apte à exploiter par lui-même ses ressources halieutiques et ne pas devoir passer des accords de pêche défavorables ou lésionnaires.
L’Etat doit être à même d’infliger des sanctions lourdes et dissuasives lors des arrestations et être à mesure de surmonter ou de faire face aux pressions internationales lorsque les mis en cause sont des étrangers. La lutte contre la corruption par laquelle des fonctionnaires véreux perçoivent des sommes d’argent ou des avantages quelconques à l’effet de « fermer les yeux » sur les activités de pêche illicite est capitale et urgente.
B- Promotion de l’aquaculture durable et de la reconstitution des stocks de poissons.
L'Etat doit assurer la promotion de la pêche, de l’aquaculture durable pour le développement de l’économie bleue. L’Etat doit également prendre en compte les intérêts des pêcheurs qui vivent de la pêche artisanale et de subsistances et prendre dans les pêcheries des mesures telles que la création de la licence de pêche communautaire pour assurer une exploitation durable des ressources halieutiques qui allient mesures conservatoires et mesures de contrôle et de développement des flottes de pêche. La préservation de l'environnement s'impose pour favoriser la reconstitution des stocks (2).
1. Promotion de l’aquaculture durable.
L’aquaculture est l’élevage ou la culture d’organismes aquatiques mettant en œuvre des techniques qui visent à augmenter au-delà des capacités naturelles du milieu aquatique, la production des organismes en question. L’aquaculture, culture d’espèces marines et d’eau douce est favorable à la reconstitution des stocks et permet de répondre à la demande sans cesse croissante de poissons. Elle fournit une bonne quantité de poissons destinée à la consommation. Tout comme la pêche, l’aquaculture est essentielle pour assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle des couches défavorisées ou pauvres, permettant ainsi d’assurer la stabilité sociale.
Elle constitue également une source de revenu, facteur d’autonomisation. Toutefois, une pratique intense de l’aquaculture pourrait donner lieu à la dégradation de l’écosystème marins et des côtes du fait de l’utilisation des produits chimiques.
Si les pêches artisanales continentales et l’aquaculture sont soutenues et bien gérées, les activités connexes joueront un rôle important en générant des richesses et en soutenant la croissance économique. L’aquaculture sous toutes ses formes peut donc jouer un rôle important dans le développement rural de l’Afrique. C’est pourquoi, chaque Etat doit mener des réformes nécessaires pour la bonne gouvernance dans le secteur de la pêche continentale et de l’aquaculture afin de contribuer à la création d’emplois dans ce secteur, réduire la crise alimentaire, la malnutrition, et d’encourager la diversification de l’économie.
Face à la rareté et la cherté de poissons sur le marché, l’on assiste de plus en plus à l’intégration dans le système de culture traditionnel, des étangs de pisciculture à l’effet de diversifier la production, d’améliorer le revenu et la sécurité alimentaire des ménages. Cette culture, à une échelle industrielle peut être une source de revenus et servir à palier à l’importation des poissons. Aussi, il est important que l’Etat apporte son soutien aux pisciculteurs, assure la promotion des entreprises aquacoles et de transformation du poisson en mettant en œuvre des politiques nationales et régionale de promotion de l’aquaculture.
Au surplus, le constat a été fait suivant lequel la consommation mondiale de poisson par habitant augmentera sur tous les continents d’ici 2030 à l’exception de l’Afrique du fait d’une croissance démographique supérieure à l’offre sur ce continent. D’où le risque élevé d’insécurité alimentaire. Pour y faire face, l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) finance les projets GDRI -Sud AfriMAQUA et LIMAQUA.
L’objectif du GDRI-Sud (Groupements de recherche internationaux-Sud) AfriMAQUA (Research Network for Sustainable Marine Aquaculture in Africa) est de rassembler des équipes de recherche (étudiants, chercheurs) dans le domaine de l’aquaculture marine de l’Afrique de l’Ouest (Sénégal, Côte d’Ivoire), l’Afrique Australe (Namibie, Afrique du Sud), l’Afrique de l’Est (Tanzanie, kenya, Maurice) et des acteurs de l’UMR MARBEC (France) afin d’échanger des connaissances, de mutualiser les efforts de recherches et de renforcer les capacités de ce groupement. Des recherches sont menées sur :
* La maitrise des cycles biologiques d’espèces d’intérêt aquacole ;
* La mise ne place d’une alimentation saine et durable pour les espèces produites ;
* Le développement des systèmes d’élevage respectueux des écosystèmes ;
* L’amélioration du bien-être et de la santé des organismes et des systèmes d’élevage.
Le Projet LIMAQUA (Laboratoire Interdisciplinaire africain d’aquaculture marine durable et sensible à la nutrition) mène un programme de recherche et de formation interdisciplinaires afin d’aborder les défis nutritionnels et de durabilité de l’aquaculture et cherche à jeter les bases d’un centre d’excellence d’aquaculture marine durable et sensible à la nutrition pour contribuer à la sécurité alimentaire et nutritionnelle, la réduction de la pauvreté et la création de revenus dans la région. Ses missions :
* Développer des pratiques d’aquaculture marine durable pour les espèces ciblées, incluant des recherches sur des technologies d’élevage durables, la nutrition durable, le bien-être et la santé des organismes d’élevage et des systèmes d’élevage ;
* Développer une approche intégrée de l’aquaculture marine
* Développer une nourriture et des produits nutritionnels basés sur l’aquaculture ;
* Fournir des opportunités de renforcement des capacités et de formation ;
* Favoriser des collaborations Sud-Sud en Afrique, en capitalisant sur l’interconnexion étroite entre LIMAQUA et AfriMAQUA.
2. Préservation de l’environnement pour la reconstitution des stocks de poissons.
Il n’y a pas que la pêche INN pour porter atteinte au milieu marin ; la pollution marine a un impact fort considérable sur la population aquatique. Les eaux africaines sont les plus polluées du monde, pollution aux hydrocarbures, les vols de pétrole, les fuites sur les pipelines, le siphonage des navires, le déballastage des navires avant d’arriver au port, bref, la pollution aux déchets de toute nature. Il ne faut pas perdre de vue que l’Afrique est l’une des destinations de prédilection des déchets dangereux. La Commission de l’Union africaine l’a si bien compris. C’est la raison pour laquelle, elle entend mettre au point un mécanisme pour détecter et poursuivre les cas de déversement des déchets toxiques dans le domaine maritime africain avec la plus ferme résolution d’exiger l’indemnisation.
La pollution tellurique est également un obstacle à ne pas négliger. Ainsi donc, le déversement dans les océans d’énormes quantité de déchets plastiques constitue également un défi que l’Afrique doit relever. Il est estimé à plus de huit (08) millions de tonnes de plastiques qui achèvent leur course chaque année dans la mer ; et à environ 5000 milliards de débris plastiques qui y sont disséminés. Ces déchets sont ingurgités par les poissons puis par les hommes. Ce qui nuit inexorablement à la santé humaine.
La présence dans l’eau des océans, mers, lacs, fleuves, nappes phréatiques, etc., de substances toxiques telles les eaux usées, les produits phytosanitaires, les produits chimiques, les excréments, etc. la rend impropre à la consommation. Ainsi donc, cette eau polluée devient pour l’homme un grand vecteur de maladies.
Les produits morts ou empoisonnés, résultant de la pêche sont allègrement consommés par les hommes avec pour conséquence l’intoxication de l’organisme humain pouvant même entraîner la mort. C’est ainsi qu’à Minamata au Japon, des centaines de personnes avaient été découvertes mortes parce qu’elles avaient consommé des poissons pêchés dans des eaux polluées par du mercure rejeté par une usine chimique.
La lutte contre la pollution est fondamentale pour la préservation de l’économie bleue. A ce titre, les instruments internationaux imposent aux Etats de prendre toutes les mesures visant à prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin qu’elle qu’en soit l’origine.
C- Apport des ONG et des associations dans la préservation du secteur de la pêche.
Les ONG et les associations constituent inexorablement des alliés de taille pour l’Etat dans le cadre de la lutte contre la pêche INN. En effet, les ONG ont la possibilité de soutenir l’Etat dans son action en contrôlant les produits issus de la pêche et en dénonçant les actes illicites. Elles peuvent même faire des suggestions dans le processus de lutte contre la pêche INN.
Les ONG sont une alternative aux opérations de coopération classique. Elles présentent en effet un autre type d’intervention mettant en œuvre des opérations ponctuelles à petite échelles, recherchant la participation des populations rurales afin de répondre ainsi à leurs besoins essentiels.
Les associations telles l’association Ouest africaine pour le développement de la pêche artisanale (ADEPA), l’association pour la promotion et la responsabilité des acteurs de la pêche artisanale maritime (APRAPAM), l’association pour le développement des activités maritimes (CEASM) en Afrique de l’Ouest, le réseau des femmes africaines exerçant dans la transformation et la vente du poisson (AWFISHNET) ont pour mission de :
* Renforcer les capacité politiques, professionnelles et organisationnelle des organisations professionnelles de la pêche en vue de leur meilleure contribution aux politiques publiques de pêche ;
* Participer à la promotion d’une pêche artisanale durable dans une perspective d’une meilleure contribution au développement socio-économique ;
* Œuvrer pour l’amélioration des conditions de travail et de vie des professionnels de la pêche artisanale ;
* Mettre fin aux méthodes de pêche qui détruisent l’écosystème marin comme le chalutage en eaux profondes ou la pêche électrique.
Dans l’optique de promouvoir la pêche durable, l’ONG Cellule pour le Développement Intégré et l’Environnement (CELDIE) au nord Cameroun (Lagdo) a procédé à la dénonciation de la surexploitation et de l’utilisation de techniques de pêche destructives, à l’origine de la baisse de la productivité du lac de Lagdo, et obtenu pour les pêcheurs de la localité un financement du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) pour y faire face.