Biens professionnels et exonération d’ISF : validation d’un schéma d’organisation patrimoniale ?

Publié le 12/01/2016 Vu 3 212 fois 0
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Dans un arrêt en date du 20 octobre 2015 (Cass. Com. 20.10.2015 n° 14-19.598), la Cour de Cassation censure l’interprétation extensive faite par l’administration fiscale de l’article 885 O ter du Code Général des Impôts et décide que la limitation de l’exonération d’impôt de solidarité sur la fortune au titre des biens professionnels s’applique aux seuls actifs du patrimoine social et non aux actifs des filiales et sous-filiales.

Dans un arrêt en date du 20 octobre 2015 (Cass. Com. 20.10.2015 n° 14-19.598), la Cour de Cassation censure

Biens professionnels et exonération d’ISF : validation d’un schéma d’organisation patrimoniale ?

Le cas d’espèce :

Dans le cas d’espèce, les époux X. dirigeaient une société A exploitant une activité d’agence immobilière dont ils détenaient l’intégralité du capital social. Cette société détenait 100% du capital d’une société B exerçant une activité d’administrateur de biens et syndic de copropriété, qui détenait elle-même 100% du capital d’une société C laquelle était propriétaire de biens immobiliers au travers de six filiales.

L’analyse de l’administration fiscale :

L’administration fait application de l’article 885 O ter du Code Général des Impôts qui dispose :

« Seule la fraction de la valeur des parts ou actions correspondant aux éléments du patrimoine social nécessaires à l'activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de la société est considérée comme un bien professionnel ».

Sur le fondement de cette disposition, l’administration fiscale considère qu’il convient de vérifier le lien de nécessité entre l’activité exercée par la société dont les titres ont été déclarés comme des biens professionnels et les différents éléments composant son patrimoine social. A ce titre, les titres de participation inscrits au bilan d’une société doivent être utiles à l’activité de la société.

L’administration estime donc devoir se livrer à un examen détaillé de l’activité et des éléments composant l’actif social des filiales et sous-filiales afin de déterminer la quote-part de la valeur des titres correspondant à des actifs non nécessaires à l’activité de la société.

Au cas d’espèce, l’administration a considéré que la société A possédait, au travers de ses filiales et sous-filiales, un patrimoine immobilier qui n’apparaissait pas nécessaire à son activité, s’agissant de biens immobiliers donnés en location à des locataires extérieurs au groupe.

La décision de la Cour de Cassation :

Dans son arrêt du 20 octobre 2015, la Cour de Cassation a considéré que l’article 885 O ter du Code Général des Impôts est d’interprétation stricte. Par conséquent, son champ d’application ne s’étend pas aux actifs des filiales et sous-filiales, le terme « société » auquel renvoie l’article 885 O ter du CGI renvoyant seulement à la société qualifiée de bien professionnel.

Les fondements juridiques de la décision :

Cette analyse paraît fondée en droit, l’article 885 O ter du CGI faisant référence à « l’activité … de la société » et non d’un groupe de sociétés.

L’administration ne pouvait donc mener qu’une seule analyse, celle de savoir si les titres de participation de la société B étaient nécessaires à l’exercice de l’activité de la société A. Cela était le cas en l’espèce, les activités exercées par les deux sociétés étant complémentaires.

En revanche, elle ne pouvait rechercher l’existence d’un lien de nécessité dans les actifs des sous-filiales.

En outre, cette décision est conforme à la jurisprudence du Conseil Constitutionnel. Dans une décision 2012-662 DC du 29 décembre 2012, celui-ci a, en effet, censuré une disposition du projet de loi de finances pour l’année 2013 qui prévoyait d’étendre le champ d’application de l’article 885 O ter du CGI aux actifs des filiales et sous-filiales. Le Conseil Constitutionnel a jugé qu’il n’était pas établi que lesdits actifs étaient, dans les faits, à la disposition du contribuable. Une telle disposition était donc sans lien avec les facultés contributives du contribuable.

Enfin, remettre en cause une telle organisation juridique reviendrait à reconnaître la personnalité morale au groupe de sociétés et à ignorer l’autonomie juridique de chaque société, grand principe du droit des sociétés.

Quels enseignements tirer de cet arrêt ?

Aux termes de cette décision, il apparaît que l’administration ne peut retenir qu’une interprétation stricte de l’article 885 O ter du CGI et analyser les seuls actifs de la société tête de groupe.

Ainsi, il devient tentant pour le redevable de l’impôt de solidarité sur la fortune de loger son patrimoine immobilier au sein d’une sous-filiale détenue par la société bénéficiant d’une exonération au titre des biens professionnels.

Le contribuable dispose d’arguments juridiques et fiscaux solides en cas de contrôle fiscal et de tentative de remise en cause par l’administration de l’exonération au titre des biens professionnels.

Toutefois, considérant qu’une telle structuration juridique n’a été mise en place qu’en vue d’éluder l’impôt de solidarité sur la fortune, l’administration pourrait mettre en œuvre la redoutable procédure de répression des abus de droit prévue par l’article L. 64 du Livre des Procédures Fiscales.

Dans l’attente de commentaires de l’administration fiscale sur cette décision, il semble donc préférable de ne pas baser toute son organisation patrimoniale sur cette jurisprudence.

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