Soufiane JEMMAR, Avocat en droit fiscal
Auteur de l’ouvrage « L’évaluation des biens et services en droit fiscal », L’Harmattan, Coll. Logiques Juridiques, 548 pages
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La Cour de Cassation a été saisie de deux questions prioritaires de constitutionnalité portant sur la conformité des articles 666 du code général des impôts et L.17 du Livre des procédures fiscales à l’article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui constitue le préambule de la Constitution.
Les griefs soulevés à l’encontre des deux articles ont été formulés comme suit :
L'article 666 du code général des impôts porte-t-il atteinte au droit de propriété garanti par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui constitue le préambule de la Constitution dès lors qu'en se bornant à énoncer que "les droits proportionnels et progressifs d'enregistrement et la taxe proportionnelle de publicité foncière sont assis sur les valeurs" il ne définit aucune faculté contributive disponible entre les mains des contribuables au jour du fait générateur de l'impôt.
Dès lors, les dispositions contestées ont pour effet que le contribuable ne peut payer l'impôt qu'au moyen de la substance du bien lui-même, méconnaissant ainsi le principe d'égalité devant les charges publiques selon lequel, en vertu de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme, la contribution commune aux charges de la Nation doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés.
L'article L 17 du Livre des procédures fiscales porte-t-il atteinte au droit de propriété garanti par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui constitue le préambule de la Constitution, dès lors qu'il dispose "qu'en ce qui concerne les droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière ou la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elle est due au lieu et place de ces droits et taxes, l'administration des impôts peut rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien ayant servi de base à la perception d'une imposition lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieur à la valeur vénale réelle des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations".
En effet la valeur vénale d'un bien ne confère par elle-même aucune faculté disponible entre les mains du contribuable au jour du fait générateur de l'impôt. Dès lors, les dispositions contestées ont pour effet que le contribuable ne peut payer l'impôt qu'au moyen de la substance du bien lui-même, méconnaissant ainsi le principe d'égalité devant les charges publiques selon lequel, en vertu de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme, la contribution commune aux charges de la Nation doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés.
Statuant sur l’opportunité de transmettre ces deux QPC au Conseil Constitutionnel, la Cour de Cassation a énoncé, à titre liminaire que les questions, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles.
S’agissant de la première question posée, la Haute juridiction a considéré qu'elle se borne à critiquer une disposition, commune aux droits proportionnels et progressifs d'enregistrement et à la taxe proportionnelle de publicité foncière, qui assied ces droits et taxes, pour tous les contribuables, sur les valeurs des biens transmis ou déclarés, le taux applicable à chaque impôt étant fixé par les textes qui lui sont propres, et ne présente pas de caractère sérieux au regard des exigences qui s'attachent aux dispositions, règles et principes de valeur constitutionnelle invoqués.
S’agissant de la seconde question posée, la Haute juridiction a considéré qu’elle ne présente pas un caractère sérieux dès lors que la disposition contestée, qui ne détermine l'assiette et le taux d'aucune imposition, fixe les conditions dans lesquelles l'administration peut, de la même manière pour tous les contribuables, rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien lorsqu'il paraît inférieur à la valeur vénale réelle des biens transmis ou désignés.
La Cour de Cassation en déduit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer les deux questions au Conseil constitutionnel.
Pour en savoir plus :
Cass. Com. 18 janvier 2011, 10-40052