Soufiane JEMMAR, Avocat en droit fiscal
Auteur de l’ouvrage « L’évaluation des biens et services en droit fiscal », L’Harmattan, Coll. Logiques Juridiques, 548 pages
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En application de conventions passées les 31 décembre 1990 et 23 décembre 1997, la SA Société de produits pharmaceutiques et d'hygiène a bénéficié de la part de la SA Cofige, sa société mère, puis de la SA SGME, société sœur, de prestations d'assistance administrative, juridique, comptable, financière et commerciale, rémunérées forfaitairement à hauteur de 4 % de son chiffre d'affaires. Celle-ci leur a versé en vertu de ces conventions les sommes de 8 563 825 F en 1997, 9 163 008 F en 1998 et 9 392 492 F en 1999.
L'administration fiscale a estimé que cette rémunération était excessive et, qu'ainsi, en versant des sommes supérieures à 6 554 896 F en 1997, 4 738 487 F en 1998 et 4 468 603 F en 1999, la SA Société de produits pharmaceutiques et d'hygiène s'était livrée à un acte anormal de gestion. En conséquence, l’administration fiscale a réintégré les sommes de 2 008 929 F, 4 424 521 F et 4 923 889 F dans les résultats de la société, respectivement pour les années 1997, 1998 et 1999.
Le tribunal administratif de Dijon, saisi par la SA Société de produits pharmaceutiques et d'hygiène, a déchargé cette société des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution de 10 % sur l'impôt sur les sociétés et de contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés, auxquelles elle a été assujettie de ce fait respectivement au titre des années 1997, 1998 et 1999 ainsi, que par conséquence du mécanisme de plafonnement en fonction de la valeur ajoutée, de cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1998 et 1999.
Le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique s’est pourvu en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté son appel dirigé contre ce jugement.
L'administration soutenait devant la cour non seulement que les prestations dont bénéficiait la Société de produits pharmaceutiques et d'hygiène au sein du groupe auquel elle appartenait lui avaient été facturées à un prix très supérieur au coût qu'elles avaient représenté pour les prestataires mais également que, faute pour la société de quantifier précisément les différentes diligences accomplies en sa faveur, le taux horaire qu'elle mettait en avant pour le comparer avec celui, bien supérieur, qui lui aurait été facturé par un cabinet extérieur, était dénué de portée.
Le Conseil d’Etat a rappelé, à titre liminaire :
- qu'aux termes du 1 de l'article 39 du CGI : « Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ».
- que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci.
Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du CGI, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du même Code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité.
Ainsi, lorsque le contribuable s'acquitte de cette obligation de justification, il incombe ensuite à l’administration fiscale, si elle s'y croit fondée, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
Au cas particulier, pour justifier du montant et de la correction de l'inscription en comptabilité de la redevance de 4 % de son chiffre d'affaires hors taxe qu'elle a versée à la SA Cofige puis à la SA SGME en rémunération des prestations que celles-ci lui fournissaient, la Société de produits pharmaceutiques et d'hygiène a soutenu que ces prestations consistaient en des missions d'assistance administrative, juridique, comptable et commerciale occupant à plein temps, avec les missions comparables réalisées pour une autre société sœur, une vingtaine de personnes, alors qu'elle-même n'emploie que des personnels techniques affectés à une activité de fabrication industrielle au profit de l'ensemble des société du groupe.
Le Conseil d’Etat a considéré que faute pour l'administration de contester l'existence de ces prestations, la société doit, ainsi, être regardée comme ayant apporté la preuve du principe même de la déductibilité des sommes litigieuses par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée.
Ainsi, en se bornant à faire valoir que la rémunération des prestations en cause était environ trois fois supérieure aux charges supportées par les prestataires qui les assuraient, l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve de ce que cette rémunération serait excessive par rapport aux contreparties obtenues par la société.
Pour en savoir plus :
CE 23 décembre 2010 n° 318070 et 310946, 9e et 10e s.-s., min. c/ Sté de produits pharmaceutiques et d'hygiène