Soufiane JEMMAR, Avocat en droit fiscal
Auteur de l’ouvrage « L’évaluation des biens et services en droit fiscal », L’Harmattan, Coll. Logiques Juridiques, 548 pages
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Monsieur D. avait consenti à l'acquéreur des actions de la société Restaurant de France qu'il possédait une garantie de passif fiscal. A la suite d'un redressement faisant apparaître un passif fiscal de 4 500 000 francs, redressement contesté par la société Sogères devant les juridictions administratives, la société Sogères, l'acquéreur des actions, a obtenu une inscription d'hypothèque sur un immeuble appartenant à Monsieur D. pour un montant de 6 200 000 francs. Cette inscription définitive a été confirmée par arrêt de la cour d'appel de Versailles du 18 octobre 1991, devenu irrévocable.
Au titre de l'ISF dû pour les années 1992 à 1994, Monsieur D. a déduit de l'assiette de l'impôt la dette de 4 500 000 francs.
L'administration fiscale a refusé cette déduction et a mis en recouvrement le complément des impôts estimés dus.
Aaprès le rejet de sa réclamation, Monsieur D. a assigné le directeur des services fiscaux des Yvelines devant le TGI.
Monsieur D. faisait, en premier lieu, grief au jugement d'avoir rejeté sa demande d'annulation de la décision de rejet de sa réclamation alors que :
- d'une part, si la décision attaquée fait bien référence à un article relatif à l'ISF pour fonder l'application de l'article 768 du CGI, cet article ne concerne pas cet impôt ;
- d'autre part, aucune référence à un article du même Code ne permet l'application de l'article 761 à l'impôt litigieux.
La Cour de Cassation a considéré, sur ce point, qu'il résulte de l'article 885 D du CGI que l'ISF est assis selon les mêmes règles et sous les mêmes sanctions que les droits de mutation par décès ; que, dès lors, c'est à juste titre que le tribunal a jugé l'article 761 du même Code applicable à cet impôt.
Monsieur D. faisait, en second lieu, grief au jugement d'avoir rejeté sa demande d'annulation de la décision de rejet de sa réclamation alors que :
- d’une part, la dette de Monsieur D. ayant un caractère contractuel et non fiscal, la référence à l'article 768 du CGI est inopérante ; qu'ainsi le jugement attaqué manque de base légale au regard de l'article 885 D du CGI ;
- d’autre pat, en tout état de cause, la dette d'impôt mise en recouvrement est certaine ; qu'en en décidant autrement, le jugement attaqué méconnaît l'article 768 du CGI.
La Cour de Cassation a considéré, sur ce point, que le jugement retient à bon droit qu'une dette fiscale établie à la suite d'une procédure de contrôle est incertaine lorsqu'elle est contestée judiciairement par le redevable et qu'en conséquence, la dette contractuelle du garant l'est tout autant et ne peut être déduite de l'assiette de l'ISF aussi longtemps que la dette principale reste litigieuse.
Monsieur D. faisait, en troisième lieu, grief au jugement d'avoir rejeté sa demande d'annulation de la décision de rejet de sa réclamation alors que :
- sans mentionner le mémoire en réplique déposé et signifié par le contribuable le 10 juin 1997, sans exposer, fût-ce succinctement, les moyens invoqués dans ce mémoire et sans y répondre, le tribunal a violé ainsi l'article 455 du NCPC ;
- le jugement attaqué n'a pas répondu au moyen invoqué par le contribuable selon lequel l'hypothèque prise sur son immeuble en diminuait la valeur vénale ; qu'ainsi le jugement attaqué a méconnu les dispositions de l'article 455 du NCPC ;
- il résulte des dispositions combinées des articles 761 et 885 E du CGI que la valeur nette à déclarer étant la valeur vénale réelle des biens imposables, c'est-à -dire le prix qui pourrait en être obtenu par le juge de l'offre et de la demande dans un marché réel au jour du fait générateur de l'impôt compte tenu de l'état dans lequel se trouvait le bien, il appartenait au tribunal de tenir compte de l'hypothèque judiciaire définitive dont son habitation principale était grevée depuis 1991, qui en affectait gravement la valeur.
La Cour de Cassation a considéré, sur ce point, que l'hypothèque n'ayant pour objet que de garantir le remboursement de la dette contractée par le débiteur ne saurait avoir une incidence sur la valeur vénale de l'immeuble qu'elle grève, la dette qu'elle garantit, dès lors qu'elle devient certaine, étant déduite de l'assiette de l'ISF ; que, par ce motif de pur droit, le jugement se trouve justifié.
Pour en savoir plus :
Cass. com. 3 juillet 2001, n° 1334 FS-P, Durreche.