Soufiane JEMMAR, Avocat en droit fiscal
Auteur de "l'évaluation des biens et services en droit fiscal",
L'Harmattan, 548 pages, 06/2010
Direction générale des impôts
Direction Générale des Impôts
L’évaluation des entreprises et des titres de sociétés
Ci-après, le lien vers le guide complet publié par la DGI
http://www.impots.gouv.fr/portal/deploiement/p1/fichedescriptive_4166/fichedescriptive_4166.pdf
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SOMMAIRE
Préambule
L’évaluation des entreprises
L’analyse de l’entreprise
Utilisation des méthodes
La démarche de l’administration
Combinaison des méthodes
Choix d’une méthode
L’évaluation des titres des sociétés
Les valeurs cotées en bourse
Les titres non cotés en bourse
Détermination de la valeur unitaire moyenne des titres
Établissement de la valeur vénale des titres
Détermination de la valeur vénale des titres par comparaison
Cession ou transfert antérieur d’un titre à évaluer
Les comparaisons boursières
Détermination de la valeur vénale des titres à partir de la valeur globale de l’entreprise
Selon le pouvoir de décision
Selon les réglementations juridiques applicables
Les contraintes contractuelles
Autres correctifs
Valorisation des titres démembrés
Fiches
1 Notion et structure de l’entreprise
2 Les méthodes d’évaluation
Valeur mathématique
Valeur de productivité
Valeur par l’E.B.E et le R.E
Valeur par la M.B.A
Valeur de rendement
La survaleur
Cash flows actualisés
3 Exemples d’application
Évaluation d’une entreprise
Évaluation des titres d’une société
4 Les sociétés holding de groupe et les comptes consolidés
5 Les comparaisons boursières
6 Les sociétés holdings patrimoniales
7 Les sociétés civiles immobilières
8 Les primes et décotes
Annexes
1 Les seuils de détention
2 Taux de rendement des obligations & des actions
3 Table de calcul du coef. multiplicateur pour la survaleur
Préambule
Le précédent guide de l’évaluation publié en 1982 par l’administration fiscale a été conçu pour apporter une aide aux services et aux usagers, notamment en matière de valorisation d’entreprises. Toutefois, l’évolution de la vie économique et financière a rendu nécessaire un certain nombre d’adaptations et une modernisation des méthodes d’évaluation.
Cette nouvelle édition est le fruit d’une large consultation.
Au-delà des actualisations techniques indispensables, elle est également l’occasion d’insister sur une exigence fondamentale pour les services fiscaux : celle de faire reposer l’analyse approfondie et individualisée de toute entreprise à évaluer sur un échange contradictoire avec le contribuable. Le guide doit ainsi constituer un outil de communication entre l’administration et les usagers et laisser une place importante au dialogue.
L’administration veille à recourir aux méthodes d’évaluation les mieux adaptées et à utiliser l’ensemble des informations à sa disposition pour parvenir à une estimation la plus fine et la plus complète possible. Ce guide n’a donc pas pour objet de fournir des formules de calcul mécaniquement applicables mais bien une ligne de conduite plus large, reposant sur une analyse approfondie de la réalité de l’entreprise.
Il constitue enfin l’occasion de rappeler que les évaluations sont faites par l’administration sous le contrôle du juge. L’administration, qui utilise les méthodes traditionnelles également pratiquées par les experts privés, veille à respecter les jurisprudences de la Cour de cassation ou du Conseil d’Etat.
Conçu comme un outil au service tant des usagers que de l’administration, le guide a vocation à apporter aux services de la direction générale des impôts le soutien nécessaire dans leur démarche d’évaluation, à réduire le contentieux en matière d’évaluation d’entreprises et de titres non cotés, et à permettre, conformément au principe de transparence, à tout usager qui le souhaite d’accéder aux principes et méthodes qui orientent l’administration fiscale dans ses travaux de liquidation de l’impôt.
Conformément aux principes qui figurent dans “ la Charte du contribuable ”, ce guide répond au souci d’apporter une plus grande sécurité juridique au contribuable tout en concourant à harmoniser les pratiques d’évaluation des services fiscaux. Il s’inscrit pleinement dans la démarche engagée par l’administration fiscale d’améliorer les garanties offertes aux entreprises notamment au travers de la procédure de rescrit valeur.
L’évaluation des entreprises
Elle repose sur une analyse du bien à évaluer et le recours à différentes méthodes d’évaluation.
L’analyse de l’entreprise
Une démarche préalable est essentielle
Une analyse financière, même sommaire (mise en lumière et/ou en perspective de certains ratios, comme ceux de l’endettement, de la capacité d’autofinancement etc.) ainsi que les principales données économiques de l’entreprise et du secteur dans lequel elle évolue, sont de nature à influer fortement sur les différents paramètres de l’évaluation, préfigurant même le choix
des méthodes qui seront retenues.
Les éléments ci-après ont notamment pour objet d’illustrer l’impact de cette étude sur chaque étape de l’évaluation, afin d’éviter l’erreur qui consisterait, à partir des trois dernières liasses fiscales et de manière théorique, à déterminer les différentes valeurs de l’entreprise puis à les combiner.
Concrètement, afin d’établir l’analyse la plus précise possible, les éléments qui suivent devront être soigneusement examinés.
Éléments intrinsèques à l’entreprise
– la valeur vénale des éléments de l’actif immobilisé ; – l’aptitude à produire des bénéfices ; – les ressources humaines (le nombre de salariés, éventuellement, l’adéquation des effectifs ou la pyramide des âges par exemple ou encore la valeur des équipes) ; – les risques éventuels liés à une forte dépendance de l’entreprise à son dirigeant ou à un membre de l’équipe dont le talent ou le savoir-faire participe à la renommée de l’entreprise 2 ; – la structure financière ; – l’endettement ; – les engagements hors bilan.
Éléments extérieurs
– l’activité (créneau porteur ou non) ; – la concurrence dans le secteur ; – la conjoncture économique générale ; – les réglementations propres au secteur d’activité, par exemple la législation sur l’environnement et la pollution . Bien entendu, cette liste des éléments internes et externes à l’entreprise n’est pas limitative.
Envisager les perspectives d’avenir de l’entreprise
Il conviendra également de dégager, à partir des éléments propres à l’entreprise ou extérieurs, en germe à la date du fait générateur, les perspectives d’avenir de l’entreprise, notamment par une étude de l’évolution du chiffre d’affaires, du bénéfice, de la marge brute d’autofinancement, du résultat d'exploitation.
À cet égard, en lien avec l’analyse des ressources humaines, il est possible depuis le 1er janvier 2005 de prendre en compte les perspectives défavorables liées au décès du dirigeant pour l’évaluation de l’entreprise ou des titres figurant dans sa succession.
Bien entendu, ces éléments n’ont pas tous le même poids dans la détermination de la valeur ; certains constituent la base même de l’évaluation (valeur vénale des éléments d’actif, productivité,
excédent brut d’exploitation, marge brute d’autofinancement), d’autres sont des éléments d’appréciation complémentaires venant aménager et affiner la valeur précédemment déterminée.
Examiner le mode de fonctionnement de l’entreprise
La bonne marche d’une entreprise dépend par exemple : – des conditions du marché et de la concurrence ; – des produits mis en vente ou des prestations de service ; – de la technologie et des procédés de fabrication... ; – de la qualité des décisions prises par le ou les dirigeants.
Dès lors, une entreprise en expansion, au regard des données qui précèdent, bénéficiera d’un surcroît de valeur par rapport à une valeur moyenne théorique, d’autant plus important que son activité se développe dans un secteur économique particulièrement dynamique.
À l’inverse, si une entreprise se révèle être en difficulté, notamment par la mise en œuvre de la procédure de sauvegarde prévue par la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, la valeur moyenne supportera une diminution. L’importance de cette réduction de valeur sera proportionnelle à la plus ou moins grande pérennité de ces difficultés.
À cet égard, une entreprise passagèrement en difficulté, avec de bonnes perspectives de redressement garde son potentiel de production. Sa valeur réelle est, dès lors, très sensiblement égale à sa valeur moyenne.
Dans le cadre d’une consultation préalable de l’administration sur la valeur d’une entreprise qui fait l’objet d’un projet de donation (rescrit-valeur), la plupart des éléments nécessaires à cette analyse peuvent être obtenus lorsque le demandeur a satisfait au cahier des charges. Dans les autres cas, sans que cela constitue une obligation, l’imprimé 3023 bis pourra utilement être employé pour obtenir ces informations.
Par ailleurs, lorsque ceux-ci sont produits, l’administration peut mieux apprécier les perspectives de la société grâce aux plans prévisionnels de croissance établis par l’entreprise, à partir desquels les experts privés calculent la valeur de l’entreprise par la méthode des cash flows actualisés (D.C.F.).
Ajustements de valeurs
Concrètement, les ajustements de valeur dont il vient d’être fait état se traduiront, par exemple lors du calcul de la valeur de productivité, par un ajustement de la pondération du bénéfice moyen ou de la prime de risque affectant le taux de capitalisation.
Autres ajustements
Lorsqu’une entreprise montre, au moment de l’évaluation, des difficultés depuis plusieurs exercices alors que ses perspectives d’avenir sont très dépréciées, les ajustements de la valeur moyenne peuvent ne plus suffire.
Il en est notamment ainsi : – lorsque le marché correspondant aux produits de l’entreprise est saturé et qu’une forte concurrence est apparue sur ce même marché ; – lorsque l’entreprise fabrique des marchandises quasi exclusive- ment liées à une mode et/ou produites selon des procédés techniques périmés ; – lorsque les modes d’organisation sont inadaptés et inefficaces.
De même, le recours par des voies multiples à des aides publiques, le refus répété de crédits bancaires, ou à plus forte raison la réalisation d’actifs importants constituent de fortes présomptions de difficultés durables.
Une entreprise qui serait dans une telle situation aurait une valeur de productivité nulle du fait des déficits accumulés. Sa valeur mathématique elle-même diminuerait de façon importante par dépréciation des éléments d’actif liés par nature à l’activité de l’entreprise.
Dans ce cas, la valeur vénale est susceptible de se rapprocher de celle des éléments de l’actif qui ne sont pas directement liés à la production (immeubles de bureau, droit au bail...).
Utilisation des méthodes
La démarche de l’administration
Le présent guide reprend pour l’essentiel la démarche des praticiens privés et intègre désormais la méthode de la D.C.F. comme approche de cohérence. Cependant, parmi les méthodes couramment utilisées, l’adminis- tration privilégie celles qu’elle peut directement appliquer.
Ce principe de symétrie, facteur de clarté ne peut que faciliter le dialogue.
En effet, l’administration ne peut mettre en œuvre directement une méthode fondée sur l’actualisation à partir de flux futurs dès lors qu’elle ne peut elle-même établir des prévisions de croissance. En outre, la loi prévoit le fait générateur de chaque impôt de telle sorte que celui-ci soit liquidé sur la base des éléments existants à cette date.
Par ailleurs, si la Cour de cassation a jugé que pouvaient être retenues les données d’un exercice comptable clôturé après le fait générateur, elle n’a fait que confirmer une pratique de bon sens de l’administration en expliquant que ne devaient être prises en compte que les seules perspectives d’avenir de l’entreprise à évaluer existant au jour du fait générateur. Ces perspectives, qu’un bilan en cours d’élaboration peut aider à appréhender, sont par nature différentes des prévisions sur lesquelles reposent les plans de développement des entreprises.
Pour autant les méthodes prospectives sont présentées dans le guide. Ainsi l’administration examinera lorsqu’ils lui seront exposés les plans d’affaires et les valorisations par la D.C.F. qui lui permettront d’affiner son analyse et d’ajuster éventuellement les valeurs dégagées.
Le guide s’écarte cependant de la pratique des experts car il propose le recours à une combinaison de méthodes. Celle-ci est en effet préconisée – alors même que les praticiens privés tendent souvent à choisir une méthode parmi plusieurs – dès lors qu’elle est consacrée par le juge judiciaire et constitue une garantie offerte à l’usager. En effet, l’approche de l’administration étant plurielle, toutes les méthodes n’ont pas le même poids selon la nature, l’activité ou la taille de l’entreprise. Ainsi une méthode considérée comme majeure dans une situation deviendra mineure dans une autre. Cela étant, la combinaison de méthodes ne constitue pas un principe intangible ; lorsque dans un secteur donné il est avéré qu’une méthode est la plus couramment utilisée, il est préconisé de la privilégier et éventuellement de s’en tenir à cette seule approche.
Combinaison des méthodes
Dégager la valeur moyenne de l’entreprise
La pondération des méthodes aboutit à dégager la valeur moyenne de l’entreprise.
La valeur vénale de l’entreprise (V.V.) qu’il s’agisse d’une entreprise individuelle ou d’une entreprise sociétaire, peut être obtenue par la combinaison des méthodes suivantes qui sont exposées dans la fiche 2 : – méthode de la valeur mathématique (V.M.); – méthode de la valeur de productivité (V.P.) ; – méthode de la marge brute d’autofinancement (M.B.A.). – méthode des multiples de l'E.B.E. ou du R.E.
Celles-ci sont pondérées en fonction :
• de la taille de l’entreprise. À cet égard, on peut distinguer : – les petites et moyennes entreprises 6, exerçant une activité commerciale ou industrielle, dont le capital est contrôlé par les membres d’une même famille, sous forme d’entreprises individuelles ou de sociétés ; – les grandes entreprises, sous forme de sociétés généralement de capitaux, et notamment les holdings animatrices pour lesquelles les comptes consolidés sont produits. • de la nature de l’activité (commerciale, industrielle).
Les pondérations ne sauraient être automatiques mais doivent au contraire résulter de l’analyse préalable. Aussi, avant de déterminer la pondération susceptible d’établir au mieux la valeur de l’entreprise, l’évaluateur est-il invité à rechercher les raisons des écarts éventuels entre les valeurs. En effet, l’impact de la pondération sera d’autant plus important que les valeurs obtenues par les différentes méthodes seront éloignées. Dès lors, les pondérations de valeurs éloignées ne peuvent être mises en œuvre qu’en parfaite connaissance des raisons de ces résultats.
D’une manière générale, la valeur d’une entreprise de petite taille, approche celle de son patrimoine. Lorsque la société atteint une taille importante, la référence à la valeur de productivité, ou à la capitalisation de l’E.B.E. ou R.E. ou de la marge brute d’autofinancement doit être davantage intégrée. Il est rappelé que la valeur de rentabilité au sens large s’entend soit d’une valeur unique V.P., E.B.E., R.E. ou M.B.A., soit d’une valeur moyenne simple ou pondérée entre ces valeurs.
Particularités et performances de l’entreprise
La valeur moyenne de l’entreprise est en lien avec ses particularités et ses performances.
La valeur obtenue par la combinaison des méthodes tient compte des spécificités de l’entreprise et de ses performances telles qu’elles ressortent de l’analyse préalable.
Aussi l’évaluateur en dégageant les différents multiples qui ressortent de la valeur vénale (V.V.) obtenue rapprochée des capitaux propres, du chiffre d’affaires, du bénéfice, du résultat d’exploitation. (V.V./CxP, V.V./C.A., V.V./Bénéfice, V.V./R.E.), peut-il vérifier que la valeur est en cohérence avec les éléments de l’analyse et les perspectives de l’entreprise.
Par exemple, le fait qu’une V.V. fasse ressortir un multiple important par rapport au bénéfice net ou au chiffre d’affaires, n’est pas obligatoirement significatif d’une erreur de méthode, si l’entreprise a une forte valeur mathématique liée soit à des immobilisations importantes (sociétés dont le seul objet est d’exploiter un fonds de commerce, sociétés qui détiennent des immeubles...) soit à des réserves importantes.
S’agissant plus particulièrement des petites entreprises, l’évaluateur peut se renseigner sur les multiples de cession observés lors de ventes d’entreprises afin de s’assurer que ceux obtenus par la mise en place des méthodes de l’administration sont dans le même ordre de grandeur. Pour les entreprises plus importantes, les comparaisons peuvent être tirées du marché boursier. Il est possible également de rechercher des indications de multiples observés lors des transactions des grandes entreprises.
Remarque.
Pour les sociétés holding de groupe qui doivent établir des comptes consolidés dès lors qu’elles contrôlent de manière exclusive ou conjointe une ou plusieurs entreprises ou qu’elles exercent une influence notable sur celles-ci conformément aux dispositions de l’article L. 233-16 du code de commerce, la valeur est recherchée à partir des comptes consolidés.
Aussi la fiche 4 est-elle consacrée à l’obligation d’établir des comptes consolidés, à leur descriptif et surtout à l’étude de l’incidence de ces comptes consolidés sur les travaux d’évaluation.
En outre, lorsque la valeur par la méthode des cash flows actualisés est présentée à l’administration, l’évaluateur l’examine, car elle peut lui apporter un éclairage susceptible d’ajuster la ou les valeurs de rentabilité.
Choix d’une méthode
Lorsqu’il s’avère que dans un secteur considéré, il existe une méthode couramment utilisée, il est possible de privilégier cette approche.
Par exemple, dans le domaine industriel, la pratique retient souvent de manière privilégiée un multiple de la M.B.A. ou de l’E.B.E.
Surtout, le choix de privilégier la valeur mathématique s’impose principalement pour les sociétés patrimoniales.
L’évaluation des titres de sociétés
Les valeurs cotées en bourse
Il s’agit des actions, obligations, ou autres valeurs mobilières françaises ou étrangères, admises aux négociations sur un marché réglementé.
En matière d’impôt de solidarité sur la fortune, les valeurs mobilières cotées sur un marché sont évaluées selon le dernier cours connu ou selon la moyenne des trente derniers cours qui précèdent la date d’imposition.
En ce qui concerne les donations de valeurs mobilières admises aux négociations sur un marché réglementé, le capital servant de base au paiement des droits de mutation est déterminé par le cours moyen au jour de la transmission.
Pour les successions, à compter du 1er janvier 2004, les héritiers, donataires ou légataires ont désormais le choix entre le cours moyen de la bourse au jour du décès ou la moyenne des trente derniers cours qui précèdent le décès.
Les titres non cotés en bourse
Détermination de la valeur unitaire moyenne des titres
Sauf à utiliser une valeur de comparaison selon les modalités décrites ci-dessous, la valeur vénale des titres peut s’établir à partir de la valeur globale de l’entreprise.
En règle générale, la détermination de la valeur unitaire moyenne des titres résultera de la combinaison des différentes valeurs obtenues (valeur mathématique, valeur de rendement, valeur de productivité, valeur par l’E.B.E., R.E. ou la M.B.A.). Cette combinaison repose sur des critères identiques à ceux qui ont été retenus pour parvenir à la détermination de la valeur de l’entreprise. Cette démarche, qui recueille l’agrément de la Cour, est du reste également suivie par les experts privés.
Parmi les éléments auxquels la jurisprudence fait référence, la valeur mathématique constitue un des éléments d’appréciation à retenir mais ne permet pas, à elle seule, d’établir la valeur vénale du titre. La Cour de cassation a clairement indiqué que “le montant de l’actif social n’est que l’un de ces éléments”.
Cette affirmation de principe doit cependant être nuancée : – d’une part, elle ne signifie pas que la valeur mathématique ait une importance égale aux autres éléments à prendre en compte ; – d’autre part, la Cour a admis dans un arrêt de 1982, Montrichard, que la méthode de la valeur mathématique soit la seule utilisable lorsqu’il s’agit d’évaluer les titres d’une personne morale (parts de G.F.A.) dont l’objet essentiel est la détention et une gestion plus rationnelle d’un patrimoine privé. Cependant cette jurisprudence reste spécifique à ces dernières (cf. arrêt Charlot, Cass. com. 23 avril 2003).
Les autres éléments à prendre en considération sont, naturel- lement, ceux qui ont déjà été étudiés pour la détermination de la valeur de rentabilité (valeur de productivité, valeur de rendement, M.B.A,...). Par ailleurs, la Cour de cassation a indiqué, en matière d’évaluation de titres, que les perspectives d’avenir de la société à prendre en compte sont celles qui existent au moment de la transmission des titres, fait générateur de l’impôt (Cass. com. 7 décembre 1993, Delloye).
Établissement de la valeur vénale des titres
La valeur vénale des titres peut être recherchée par comparaison et à partir de la valeur globale de l’entreprise.
Valeur de comparaison
Toute comparaison suppose que le bien à évaluer et le bien qui sert de référence soient comparables. L’évaluateur doit donc avoir une connaissance la plus exacte possible des deux termes. Dès lors comme toute autre méthode, la comparaison s’établit après analyse de l’entreprise et du paquet de titres transmis. D’une manière générale, la valeur par comparaison doit être complétée par les autres approches.
Deux modes de comparaison peuvent être mis en œuvre : – soit à partir d’une cession ou d’un transfert antérieur du titre à évaluer ; – soit à partir de l’évolution des valeurs boursières concernant des sociétés cotées très proches structurellement et financière- ment de la société non cotée dont on recherche la valeur des titres, ou encore à partir de transactions d'entreprises non cotées dans le même secteur d'activité (sous réserve du respect du secret professionnel).
Cession ou transfert antérieur du titre à évaluer
On ne peut se référer au prix antérieur d’un titre qu’en prenant certaines précautions, notamment vérifier si la cession considérée s’est effectuée dans des conditions comparables à celles existant à la date de la nouvelle évaluation du titre en ce qui concerne : – l’activité de la société, qui doit être similaire ; – le nombre de titres composant le capital, une augmentation ou une réduction du capital pouvant entraîner une variation du nombre de titres ; – le pourcentage de titres transférés, le prix de cession d’une participation majoritaire ne pouvant être comparé au prix de cession d’une participation minoritaire. De même, le prix de quelques titres cédés pour des raisons d’opportunité, dans l’intérêt de la société (transformation d’une S.A.R.L. en S.A., admission de nouveaux administrateurs...), ne peut être comparé au prix de cession d’une participation plus significative, même minoritaire.
Il convient en outre de ne pas retenir, en principe, de mutations antérieures de plus de 24 mois ni postérieures à la date prise en compte pour l’évaluation.
Comparaisons boursières ou avec des transactions d'entreprises non cotées
La bourse des valeurs enregistre des fluctuations des cours dont l’origine, largement indépendante des résultats des sociétés cotées, est fonction notamment des anticipations sur les décisions politiques et l’évolution économique.
Pour la majorité des investisseurs, qui ne désire pas prendre le contrôle des sociétés, la notion de rendement est déterminante. Dans d’autres cas, notamment lors d’une offre publique d’achat (O.P.A.), les titres atteignent des cours très élevés sans commune mesure avec les cours habituels du titre, le but poursuivi étant la prise du pouvoir de décision dans la société.
En définitive, les enseignements du marché boursier peuvent être utilisés lorsque le sous-jacent est composé de titres cotés ou pour l’appréciation de la valeur vénale des titres de sociétés importantes qui seraient elles-mêmes susceptibles d’être cotées en bourse et lorsque le transfert en cause n’est pas de nature à modifier l’équilibre des pouvoirs de décision au sein de la société (sauf à tenir compte des primes de contrôle).
Sous ces réserves très importantes, les données du marché boursier sont utilisables pour déterminer certains multiples et permettre de les comparer avec ceux utilisés lors de la mise en œuvre des différentes approches des valeurs.
Cette méthode dont la mise en œuvre est décrite dans la fiche 5 doit être employée de façon prudente et exclusivement pour évaluer des titres d’une entreprise ayant une taille proche de ses semblables cotées en bourse et situées dans le même secteur d’activité. La sélection de celles-ci doit être rigoureuse : en effet, la constitution d’un échantillon imprécis d’entreprises de référence fait souvent apparaître de grandes distorsions dans les ratios calculés pour chacune d’elles.
Les coefficients boursiers retenus pour valoriser des titres minoritaires ou la valeur obtenue par application de ces coefficients doivent être diminués d’une décote pour non liquidité. En effet un titre coté est parfaitement liquide, alors qu’un titre non coté ne peut pas être rendu liquide aussi rapidement. La comparaison pour être pertinente doit donc retenir une décote de l’ordre de 20 à 30 %.
Cette décote est minorée lorsque la comparaison boursière sert à valoriser des titres non cotés majoritaires, car, s’ils sont moins liquides que des titres cotés, ils emportent pouvoir de contrôle.
Les transactions d’entreprises non cotées peuvent également être analysées afin d’extraire des multiples des différents flux financiers qui pourront servir à conforter une valorisation. Certaines revues spécialisées ou sites publient également des listes de ratios par secteur d’activité.
Détermination de la valeur vénale des titres à partir de la valeur globale de la société
La valeur de tous les titres d’une société n’est pas obligatoirement égale à la valeur globale de celle-ci.
La détermination de la valeur unitaire des titres à partir de la valeur globale de l’entreprise ne permet pas de distinguer selon que les titres transmis représentent ou non le pouvoir de décision et ne prend pas en compte les réglementations légales ou statutaires qui encadrent les transferts constituant un frein à la libre cessibilité des titres et sont considérées généralement comme des causes de moins-value.
Retraitements à opérer
Il est donc nécessaire de procéder à un certain nombre de retraitements de la valeur unitaire précédemment dégagée.
Aussi, l’évaluateur doit-il procéder à une étude préalable du paquet de titres en parfaite connaissance de la répartition du capital social, en tenant compte de la nature juridique des titres transmis et de leurs éventuelles spécificités et affiner la valeur unitaire des titres induite de la valeur globale de l’entreprise.
Selon le pouvoir de décision
D’une façon générale, la valeur mathématique est prédominante lorsque les titres représentent le pouvoir de décision dans la société tandis que le rendement attendu, lequel dépend d’abord de la rentabilité globale de l’entreprise, est privilégié par les associés minoritaires. Dès lors, l’application forfaitaire d’une décote de minorité ou d’une prime de contrôle à la valeur unitaire ne paraît pas appropriée car celles-ci s’appliqueraient alors de manière égale aux différentes valeurs composant la valeur unitaire.
Il paraît dès lors préférable de pondérer de manière variable les différentes valeurs unitaires du titre, en fonction des seuils de détention. Cependant, en l’absence de distribution régulière, la valeur de rendement ne peut pas être mise en œuvre. Dès lors pour des actions minoritaires privées de distributions, une décote peut être appliquée sur la valeur déterminée après pondération
afin de prendre en compte le caractère minoritaire des titres.
Il serait également possible de rechercher leur valeur à partir du coût de l’éviction estimé par analogie avec des solutions retenues lors des offres publiques de retrait suivies d’un retrait obligatoire.
Sans qu’ils puissent avoir un caractère autre qu’indicatif, et être appliqués de façon systématique ou rigide.
Selon les réglementations juridiques applicables
Certaines réglementations juridiques ou statutaires peuvent constituer une cause de moins-value dont l’importance dépend du contenu et de la portée exacte de leurs dispositions.
– Les parts sociales ne sont pas des titres librement négociables. Les statuts peuvent aménager les restrictions législatives imposées pour la cession à des tiers.
Ainsi, pour les parts des sociétés civiles, si l’article 1861 du code civil indique que les parts sociales ne peuvent être cédées à des tiers qu’avec l’agrément de tous les associés, il prévoit également que les statuts peuvent convenir que l’agrément sera obtenu à une majorité, ou qu’il peut être accordé par le gérant.
En ce qui concerne les parts sociales de S.A.R.L., l’article L.223-14 du code de commerce prévoit que celles-ci ne peuvent être cédées à des tiers étrangers qu’avec le consentement de la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales, à moins que les statuts ne prévoient une majorité plus forte.
– En revanche les actions sont en principe librement négociables. Cependant, les statuts peuvent prévoir une clause d’agrément qui restreint cette liberté (article L. 228-23 du code de commerce). Par conséquent, la lecture attentive des statuts permet de connaître l’existence et l’importance de la restriction des cessions.
En règle générale seuls les titres minoritaires peuvent être affectés par les clauses d’agrément légales ou statutaires. S’agissant d’agréments unanimes, les titres majoritaires peuvent également être affectés, sauf bien entendu si le paquet de titres concerné constitue la quasi totalité du capital social. Il est possible pour les titres affectés par la clause d’agrément de retenir un abattement de 10 %. (cf. Cour de cassation, arrêt Marion 1er avril 1997, n° 872 D).
La lecture attentive des statuts permet également de déceler la présence de titres ne conférant pas à tous les associés les mêmes droits. Ainsi conformément aux articles L. 228-11 à L. 228-20 du code de commerce, les sociétés peuvent émettre des actions de préférence, titres de capital auxquels sont attachés des droits particuliers. L’évaluation de ces actions requiert une étude attentive sur la nature des droits particuliers qu’elles comportent, et pourra procéder par analogie avec les situations identiques issues d’autres catégories de valeurs mobilières.
Les contraintes contractuelles
Sauf cas particulier, l’existence de pactes d’actionnaires, ou d’un engagement collectif de conservation qui relèvent d’un contrat personnel n’ont d’effet qu’entre les parties et ne justifient pas l’application d’un abattement supplémentaire sur la valeur. Il ne faut pas perdre de vue en effet l’intérêt de ces pactes pour les actionnaires qui les signent.
Dès lors, l’argument du “verrouillage” du capital doit être relativisé car il est spécialement conçu dans l’intérêt même des associés par exemple pour se prémunir de prises de contrôle inamicales ou, s’agissant des engagements collectifs de conservation, afin de bénéficier de dispositions fiscales favorables. À cet égard, la Cour de cassation a jugé que l’on devait tenir compte pour apprécier l’incidence d’une clause d’agrément (en l’occurrence décote de 10 %) tant des avantages que des inconvénients qu’elle emportait. La même appréciation doit être faite pour les conventions contractuelles.
Autres correctifs
Sauf si le paquet de titres à valoriser présente une illiquidité qui n’aurait pas déjà été prise en compte ci-dessus, il n’y a pas lieu d’appliquer de décote pour non liquidité 15, dès lors que les valeurs obtenues par la combinaison des différentes méthodes aboutissent à dégager la valeur intrinsèque des titres sans comparaison à celle des titres cotés.
Valorisation des titres démembrés
Les titres grevés d’usufruit sont valorisés dans un premier temps à partir de la pleine propriété, selon les méthodes proposées dans ce guide. Ensuite le barème prévu à l’article 669 du code général des impôts est appliqué pour déterminer la valeur de la nue-propriété. Lorsque la valeur de l’usufruit est recherchée, la même démarche s’impose.
Ci-après, le lien vers le guide complet publié par la DGI
http://www.impots.gouv.fr/portal/deploiement/p1/fichedescriptive_4166/fichedescriptive_4166.pdf