Par Soufiane Jemmar, Avocat en droit fiscal
Auteur de « l’évaluation des biens et services en droit fiscal », Ed. L’Harmattan, Coll. Logiques Juridiques, 548 pages
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A l'occasion de l'assemblée générale du 25 novembre 1999, la société à responsabilité limitée Décision Voyage, devenue Promovacances.com, a procédé à une augmentation de son capital.
La société anonyme France Télématique Distribution (FTD), qui était l'un des deux associés de la société, a cédé gratuitement à ses propres associés et dirigeants, dont M. A, son président-directeur général, les droits préférentiels de souscription dont elle disposait.
A la suite d'une vérification de comptabilité de la société FTD, l'administration fiscale a estimé qu'elle avait accompli un acte anormal de gestion en abandonnant ces droits sans contrepartie. Par voie de conséquence, la valeur de ces droits a été regardée comme un revenu distribué à M. A à concurrence de la somme de 407 116 F (62 065,38 euros).
Par un pourvoi en cassation du 7 mai 2009, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le ministre a demandé au Conseil d'Etat d'annuler les articles 2 et 3 de l'arrêt n° 07PA00655 du 5 mars 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, statuant sur son recours contre le jugement n° 04-1645 du 28 septembre 2006 du tribunal administratif de Melun, après l'avoir annulé, a déchargé M. et Mme A de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 1999 et des pénalités correspondantes.
Le Conseil d’Etat a rappelé, à titre liminaire, qu’en vertu du 3 de l'article 158 du code général des impôts, sont notamment imposables à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les revenus considérés comme distribués en application des articles 109 et suivants du même code ; qu'aux termes de l'article 111 de ce code : Sont notamment considérés comme revenus distribués (...) c. Les rémunérations et avantages occultes.
Ainsi, en cas de vente par une société à un prix que les parties ont délibérément minoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices, au sens des dispositions de l'article 111 c du code général des impôts.
La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'elle établit l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer et, pour le cocontractant, de recevoir une libéralité du fait des conditions de cession.
La Cour Administrative d’Appel avait, par son arrêt contesté, estimé que les contreparties invoquées pour expliquer l'écart contesté entre le prix de cession des titres et leur valeur vénale, étaient justifiées eu égard à l’objectif poursuivi, à savoir, celui de motiver les dirigeants et salariés de la société FTD en leur offrant la possibilité d'acheter à des conditions préférentielles des titres émis par sa filiale, la société Promovacances.com. Elle en avait, alors déduit que l'administration n'était pas fondée à imposer M. et Mme A dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers à raison de la somme correspondant à la valeur des droits préférentiels de souscription abandonnés.
Censurant cette solution, le Conseil d’Etat a considéré que la cour avait donné aux faits une inexacte qualification juridique, dès lors que la circonstance que l'octroi par une société mère à un de ses propres dirigeants ou salariés de tels droits pour l'achat de titres d'une filiale constituerait un facteur de motivation et de responsabilisation de ces derniers ne saurait à elle seule caractériser la poursuite d'un intérêt propre par l'entreprise qui consent cet avantage.
Le Conseil d’Etat a, dès lors, jugé que le ministre était fondé à demander l'annulation des articles 2 et 3 de l'arrêt attaqué.
Pour en savoir plus :
Conseil d’Etat, 26 septembre 2011, n° 327782