Par Soufiane JEMMAR, Avocat en droit fiscal
Auteur de l’ouvrage « L’évaluation des biens et services en droit fiscal », L’Harmattan, Coll. Logiques Juridiques, 548 pages, 2010
L’article L.18 du Livre des Procédures Fiscales légalise le dispositif doctrinal du « rescrit-valeur » créé en 1998 et pérennisé en 2005. Les modalités d’application de ce dispositif sont fixées par l’article R* 18-1 et commentées par l’instruction administrative 13 L-11-10 du 9 septembre 2010 (BOI n°86 du 4 octobre 2010) dont l’extrait est ci-après reproduit.
Le texte intégral de l’instruction administrative est accessible à l’adresse suivante :
http://www11.minefi.gouv.fr/boi/boi2010/13rcpub/textes/13l1110/13l1110.pdf
Cette procédure permet à une personne qui détient une entreprise ou des titres de sociétés dans laquelle elle exerce une fonction de direction - à l’exclusion des titres de sociétés mentionnées à l’article 885 O quater du code général des impôts - et qui entend procéder, par anticipation, à la transmission de tout ou partie de cette société ou de ces titres, de consulter l’administration fiscale, préalablement à l’opération, sur la valeur vénale de l’entreprise qui sert de base au calcul de l’impôt.
En cas d’accord exprès du service, si la donation est passée dans les trois mois en retenant la valeur acceptée par l’administration, la base ainsi déclarée ne pourra plus être remise en cause pour l’assiette des droits de donation.
1. CHAMP D’APPLICATION
Le champ d’application du rescrit-valeur prévu à l’article L 18 est plus large que le dispositif doctrinal qui l’a précédé.
La procédure de rescrit-valeur est dorénavant ouverte à tous les contribuables, qu’ils soient ou non assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), à la seule condition qu’ils exercent, dans la société dont ils souhaitent donner les titres, les fonctions de direction énumérées au 1° du 885 O bis du code général des impôts.
Toutes les entreprises sont éligibles, quelles que soient leur taille et leur forme, individuelle et sociétaire, à l’exclusion des sociétés qui ont pour activité principale la gestion de leur propre patrimoine mobilier ou immobilier visées à l’article 885 O quater du code général des impôts. Sont donc notamment exclues du champ de ce dispositif les sociétés holding non animatrices au sens de la doctrine administrative (cf. DB 7S 3323, § 16 et s.)
Le projet de donation peut porter sur tout ou partie de l'entreprise individuelle ou des titres possédés par le dirigeant. Il n’est pas nécessaire que cette entreprise ou ces titres revêtent le caractère de biens professionnels au regard de l’ISF. Ainsi, un contribuable qui ne peut bénéficier de l’exonération au titre des biens professionnels en raison, notamment, du non-respect des conditions liées à la rémunération des fonctions de direction et/ou au seuil de détention des titres, peut solliciter la garantie prévue par l’article L 18, dès lors que la demande ne porte pas sur des titres d’entreprises exclues.
La procédure ayant pour objet la détermination de la valeur vénale de l'entreprise, elle ne trouve par définition à s'appliquer que lorsque les modalités de cette détermination ne sont pas fixées directement par la loi (par exemple, cours moyen prévu par l'article 759 du code général des impôts pour les titres admis aux négociations sur un marché réglementé).
2. CONDITION D’APPLICATION
Le demandeur doit fournir à l’administration tous les éléments utiles pour apprécier la valeur vénale du bien dans le cadre de l’opération de donation envisagée.
Le demandeur doit adresser au Bureau des agréments et rescrits du Service Juridique de la Fiscalité de la DGFiP, par pli recommandé avec demande d’avis de réception postal ou par dépôt contre décharge, le projet d’acte de donation ainsi qu'une proposition d’évaluation comportant les éléments mentionnés à l’article R* 18, à savoir :
- Le nom, la forme juridique et le numéro d’immatriculation de l'entreprise ou de la société dont les titres sont évalués ;
- Les statuts de l’entreprise ou de la société et, le cas échéant, la description de la structure du capital au sein du groupe auquel elle appartient ;
- La quotité et la nature des droits objets de la donation ainsi que, le cas échant, l’existence et le contenu de pactes d’actionnaires ;
- La date et le montant des mutations dont l’entreprise ou les titres de la société à évaluer ont fait l’objet, le cas échéant, au cours des trois années précédant celle de la demande ;
- La description des activités principales et secondaires de l'entreprise ou de la société ;
- Les comptes individuels et consolidés de l'entreprise ou de la société sur les trois exercices précédant celui de la demande ;
- L'analyse financière ainsi que les principales données économiques de l’entreprise ou de la société et du secteur dans lequel elles exercent leur activité ;
- L’exposé des méthodes d’évaluation retenues et le détail des calculs auxquels elles donnent lieu ;
- Les particularités justifiant, le cas échéant, une approche spécifique de l’évaluation ;
- Toute autre information de nature à justifier l'évaluation proposée.
Le demandeur présente son dossier de bonne foi et doit respecter le cahier des charges reproduit en annexe 9.
En outre, conformément à l’article R* 18-1-IV, il est tenu d’informer l’administration par écrit de tout événement survenant au cours de la période d’instruction susceptible de remettre en cause l’évaluation qu’il a proposée.
3. INSTRUCTION DE LA DEMANDE
L'instruction est faite dans les meilleurs délais possibles. Lorsque le contribuable n’a pas transmis tous les éléments mentionnés à l’article R* 18, l’administration dispose d’un délai de deux mois à compter de la réception de la demande de rescrit, pour solliciter les renseignements complémentaires. Une réponse expresse est apportée dans les six mois à compter de la réception de la demande de rescrit ou, le cas échéant, à compter de la réception des compléments d’information demandés.
En cas de divergence, l'instruction comporte une phase orale permettant un échange de vues.
Dans l'hypothèse où le demandeur est conduit à réviser la valeur à laquelle il estime l'entreprise en cours d'instruction de sa demande à la suite d’un fait nouveau ou en raison des échanges qu'il a pu avoir avec le service, il en avise par lettre simple l'interlocuteur qui lui a été désigné.
4. ETENDUE DE LA PROCEDURE
L’usager peut renoncer à tout moment à sa demande de rescrit. La valeur qu'il propose ne lui est pas juridiquement opposable.
Dès lors, si dans le cadre du contrôle d’impôts où la valeur de l'entreprise est prise en compte, la valeur déclarée par le contribuable est remise en cause, il y a lieu de motiver cette remise en cause (à la hausse ou à la baisse) selon les règles habituelles, même si ceci conduit naturellement à reprendre tout ou partie des développements techniques de la demande de rescrit.
Ainsi, dans l'hypothèse où le contribuable aurait, par exemple, renoncé à sa demande pour réaliser son projet de donation sur une base inférieure à celle qu'il proposait, le service ne peut procéder à un rehaussement en se bornant à lui opposer la valeur indiquée dans la demande de rescrit.
L’administration répond de manière expresse dans un délai de six mois. Le silence de l'administration passé ce délai ne vaut toutefois pas accord tacite de la valeur proposée par le demandeur.
En cas de réponse favorable (lettre recommandée avec accusé de réception), la prise de position de l'administration lui est opposable par les parties à l'acte seulement si ce dernier est signé devant notaire ou, à défaut, enregistré :
- conformément au projet sur lequel le service a statué ;
- dans le délai de trois mois de la réception de cette réponse calculé de quantième à quantième. Une prolongation, qui ne peut dépasser trois mois, peut toutefois être préalablement demandée par l’usager pour faire face à des situations exceptionnelles dûment justifiées.
En outre, la valeur déterminée par l’administration dans le cadre du rescrit-valeur est opposable au comptable des impôts s’agissant de la demande en paiement différé/fractionné prévue par l’article 397 A de l’annexe III du code général des impôts introduite par le contribuable, la même valeur étant retenue pour la constitution de garanties.
Il n’y a aucune obligation pour l’usager bénéficiaire de la donation de procéder effectivement à la donation.
En l’absence d’accord avec l’administration sur une valeur, l’usager a la faculté de solliciter un second examen dans les conditions prévues à l'article L 80.