Par Soufiane Jemmar, Avocat en droit fiscal
Auteur de « l’évaluation des biens et services en droit fiscal », Ed. L’Harmattan, Coll. Logiques Juridiques, 548 pages
*
Â
Le 4 juillet 2000, M. et Mme A et leurs trois enfants mineurs ont acquis à titre gratuit, par donation-partage consentie par le père de Mme A, des titres de la société Distriborg.
La valeur unitaire des titres qui a été déclarée pour le calcul des droits de mutation était de 77 euros.
M. et Mme A et leurs enfants les ont cédés le 13 juillet et le 30 septembre de la même année, pour le même prix unitaire, et n'ont en conséquence pas déclaré de plus-value imposable.
L'administration a remis en cause le prix d'acquisition de ces titres, qu'elle a fixé à 44 euros, valeur unitaire des titres sur le second marché de la bourse de Paris à la date de la donation-partage, et a imposé entre les mains de M. et Mme A la plus-value réalisée, calculée par différence entre le prix d'acquisition de 44 euros et le prix de cession de 77 euros.
Aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts, applicable à l'année d'imposition en litige : I. - 1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que de l'article 150 A bis, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement ou par personne interposée, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu lorsque le montant de ces cessions excède, par foyer fiscal, 50 000 francs par an.
Aux termes de l'article 150-0 D du même code, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : 1. Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation.
Aux termes de l'article 759 du même code, dans sa version applicable aux faits de l'espèce : Pour les valeurs mobilières (...) admises aux négociations sur un marché réglementé le capital servant de base à la liquidation et au paiement des droits de mutation à titre gratuit est déterminé par le cours moyen au jour de la transmission. ;
Pour confirmer par l'arrêt attaqué le jugement du tribunal administratif de Versailles qui avait rejeté la demande de M. et Mme A tendant à décharge des impositions supplémentaires consécutives à ce redressement, la cour administrative d'appel de Versailles a jugé que le prix d'acquisition de titres obtenus à titre gratuit n'était pas la valeur déclarée et effectivement retenue pour les droits de mutation mais celle qui aurait dû être retenue, selon l'article 759 du code général des impôts, déterminée par le cours moyen de l'action au jour de l'acquisition.
Au visa des dispositions précitées, le Conseil d’Etat a censuré la solution ainsi retenue par la Cour administrative d’appel en retenant que dès lors que l'article 150-0 D du code général des impôts prévoyait que, pour le calcul du montant de la plus-value taxable en cas de cession de titres, le prix d'acquisition des titres obtenus à titre gratuit devait être fixé à la valeur retenue pour le calcul des droits de mutation, cette valeur devait en principe être prise en compte, qu'elle procédât d'une déclaration du contribuable au titre des droits d'enregistrement ou, le cas échéant, d'une rectification de cette déclaration par l'administration fiscale ; qu'il n'aurait pu en aller autrement que si l'administration avait établi que la valeur retenue pour les droits d'enregistrement était dépourvue de toute signification.
Par voie de conséquence, la Haute juridiction a jugé que M. et Mme A sont fondés à soutenir que l'arrêt attaqué est entaché d'erreur de droit et à en demander, en conséquence, l'annulation.
Pour en savoir plus :
CE, 12 octobre 2011, n° 324717