Soufiane JEMMAR, Avocat en droit fiscal
Auteur de l’ouvrage « L’évaluation des biens et services en droit fiscal », L’Harmattan, Coll. Logiques Juridiques, 548 pages
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La SOCIETE MIT CHARTERING, qui a pour activité l’affrètement de navires et le courtage maritime, a acquis, en mai 1998 sept parts sur quatre-vingt-dix d’un navire, le Clipper Carthage, pour la somme de 840 000 francs, soit 120 000 francs la part. Elle les a revendues le 25 mai 1998, après que le navire eut subi une grave avarie, à sa société-mère, la SA Compagnie Viking, pour la somme de 907 200 francs, soit 129 600 francs la part. Après cette cession, le navire Clipper Carthage a été remis en état de naviguer.
A la suite d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 30 juin 1997, 1998 et 1999, l’administration fiscale a estimé que la société MIT CHARTERING avait cédé les sept parts de copropriété du navire à un prix inférieur à leur valeur réelle, s’écartant ainsi d’une gestion commerciale normale.
La société MIT CHARTERING s'est pourvue en cassation contre l’arrêt du 19 juin 2008 par lequel la cour administrative d’appel de Versailles, confirmant le jugement du tribunal administratif de Versailles du 14 mars 2006, a rejeté sa requête tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes relatives à ce chef de redressement.
Le Conseil d'Etat a rappelé, à titre liminaire, qu'il incombe, en principe, à l’administration fiscale d’apporter la preuve qu’un contribuable a cédé un élément d’actif à un prix inférieur à sa valeur vénale.
A cet égard, le Conseil d'Etat a considéré qu'en se bornant à soutenir que la valeur vénale de chacune des parts du navire correspondait au montant de l’indemnité d’assurance versée à la suite du sinistre (soit 17 206 000 francs, divisée par le nombre total de parts, soit 191 177 francs la part), alors qu’à la date de la cession le navire avait subi une avarie qui en avait nécessairement diminué la valeur vénale réelle, l'administration fiscale ne peut être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe, de ce que la société aurait cédé un élément d’actif à un prix inférieur à sa valeur vénale réelle.
Le Conseil d'Etat censure ainsi la position de la Cour qui a inversé la charge de la preuve en jugeant qu’il incombait à la société d’établir que la cession des parts du navire à un prix inférieur à cette valeur d’assurance était conforme à son intérêt ou se justifiait par les frais élevés que risquait d’entraîner le sinistre.
Par voie de conséquence, la SOCIETE MIT CHARTERING est fondée à soutenir que c’est à tort que, par son jugement du 14 mars 2006, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur les sociétés relative à ce chef de redressement et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre de l’année 1998.
Pour en savoir plus :
CE 22 juin 2011, n° 320746, Sté Mit Chartering.