Les développements récents du litige opposant Lassana Diarra au club russe du Lokomotiv Moscou -lesquels ont conduit, d'après les informations révélées par la presse et notamment par le journal L'Equipe, les avocats du joueur français à saisir le Tribunal de commerce du Hainaut (Belgique)- pourraient avoir d'importantes conséquences sur l'évolution des rapports entre les footballeurs professionnels et leurs employeurs. Les conditions de la rupture de contrat entre Lassana Diarra et le Lokomotiv Moscou L'international français s'était engagé, en 2013, pour une durée de quatre ans avec le club du Lokomotiv Moscou qu'il souhaita quitter, un an plus tard, en raison d'une baisse de salaire. Le Lokomotiv réclama, alors, 20 millions d’Euros d’indemnités à Lassana Diarra pour rupture abusive de contrat et porta l’affaire devant la Chambre de résolution des litiges de la F.I.F.A. Cette dernière condamna, au mois de mai 2015, le joueur à verser une somme de 10 millions d’Euros au club russe et lui interdit de s’engager dans un autre club pendant une durée de quinze mois. Cette sanction fut confirmée, un an plus tard, par le Tribunal arbitral du sport, qui avait été saisi par le joueur dans le cadre de la procédure arbitrale d'appel. Or, Lassana Diarra avait établi, pendant cette période, des contacts avancés avec plusieurs clubs et aurait notamment pu signer à l’Inter de Milan en janvier 2015. Ce dernier refusa, cependant, d'engager le Français au motif que les règlements de la F.I.F.A prévoient que le nouveau club acquéreur peut être tenu pour co-débiteur de la somme réclamée au joueur condamné. En effet, l'article 17-2 du règlement du statut et du transfert des joueurs de la F.I.F.A prévoit que : « si un joueur professionnel est tenu de payer une indemnité [à son ancien club] , le joueur professionnel et son nouveau club seront solidairement et conjointement responsables du paiement de celle-ci. Le montant peut être stipulé dans le contrat ou être convenu entre les parties ». Quelques temps plus tard, le 19 février 2015, Diarra signait même une lettre d’engagement avec le Sporting de Charleroi qui souhaitait l’engager pour disputer les play-offs du championnat de Belgique mais conditionnait la réalisation du transfert à un accord sur la certitude qu’aucune sanction ne serait prise à son encontre s’il signait avec Diarra. Là encore, le transfert ne put, par suite, finalement pas aboutir. La F.I.F.A fini, cependant, là encore d'après les informations parues dans la presse, par prendre l'engagement qu'aucune indemnité ne serait réclamée au futur employeur de Diarra, lequel put, dès lors, s'engager, au début de la saison 2015/2016 avec l'Olympique de Marseille. La question de la violation du droit à la libre circulation de Lassana Diarra Cette obligation de co-débition constituerait, pour les conseils du joueur, une violation du droit à la libre circulation des travailleurs garantie par les traités communautaires, dans la mesure où elle serait susceptible de freiner l'engagement d'un joueur par un club inquiet des possibles conséquences financières pouvant en découler. Cette argumentation, pour astucieuse qu'elle soit, semble cependant critiquable pour plusieurs raisons. Son admission conduirait, en effet, à donner la possibilité à un joueur de rompre sans motif un contrat à partir du moment où il disposerait de la certitude de pouvoir s'engager, à des conditions plus avantageuses avec une autre équipe, laquelle ne courrait plus aucun risque financier à conclure la transaction. Au surplus, indépendamment du problème théorique posé au Tribunal du Hainaut, il est possible, en l'espèce, que les dispositions financières du contrat liant le joueur français à l'OM se soient avérées plus avantageuses que celle de l'hypothétique contrat qui aurait été conclu avec le club de Charleroi. Dans ces conditions, l'argument du préjudice financier subi par Diarra perdrait de sa pertinence, sauf naturellement si celui-ci pouvait démontrer que de bonnes performances avec Charleroi auraient permis d'augmenter sensiblement sa valeur marchande. Il sera naturellement très intéressant d'examiner la suite de cette procédure, laquelle met à nouveau l'accent sur la question de la liberté du joueur dans le cadre de la rupture de la relation contractuelle avec son club. La sentence du 30 janvier 2008 (n°A/1298, 1299, 1300) rendue par le T.AS dans le cadre du litige ayant opposé l’Ecossais Andrew Webster au club d'Hearts of Midlothian (qu’il avait quitté pour aller jouer à Wigan) avait déjà été reçue avec inquiétude par beaucoup de clubs, lesquels estimaient qu'elle favorisait la rupture unilatérale de contrat. En effet, le Tribunal avait estimé que l’indemnité due au club devait être calculée sur la base de la valeur résiduelle de ce dernier et devait, par suite, « uniquement » être égale au solde de la rémunération due au joueur au moment de la date de résiliation. Cette sentence n’a finalement pas constitué la « bombe atomique » qu’elle aurait pu - selon l’expression de Philippe Piat- représenter, les clubs ayant trouvé une parade consistant à renouveler fréquemment les contrats de leurs joueurs, afin de permettre, à chaque renouvellement, le démarrage d’une nouvelle période protégée lors de laquelle la rupture du contrat n’est pas possible. Cependant, l’affaire Lassana Diarra pourrait, en fonction de la décision qui sera rendue, modifier considérablement les rapports entre les clubs et les joueurs. Il y a lieu d’espérer qu’elle ne permettra pas à ces derniers de s’exonérer trop facilement de leurs obligations. En effet, si la libre circulation des sportifs doit naturellement être protégée, le respect de ce droit ne doit pas conduire à favoriser l'instabilité contractuelle.