L’ordonnance du Tribunal administratif de Marseille est rendue, la dépêche est tombée : la décision rendue le 7 septembre dernier par la commission d’organisation des compétitions est suspendue…
Rebondissement de dernière minute ou évidence ?
Si la presse et nombre de supporters crient déjà victoire, cette décision était loin d’être inattendue, voire imprévisible.
Pourquoi donc ? Pour évaluer cette prévisibilité, il convient de reprendre brièvement les règles de la procédure administrative.
1. La décision de suspension rendue par le Tribunal Administratif de Marseille: une suite logique
La demande de suspension de la décision de fermeture des tribunes aux supporters marseillais au Tribunal Administratif : un moyen efficace de gagner du temps
Comme en matière civile, le droit administratif permet aux justiciables de saisir en urgence le Tribunal administratif afin qu’il soit statué le plus rapidement possible sur une requête. Cette procédure s’appelle la procédure de référé. Il en existe plusieurs sortes en droit administratif. Voici un bref aperçu des référés dits généraux :
- le référé « liberté fondamentale » (art. L.521-2 du CJA)[], qui permet à toute personne victime d’« une atteinte grave et manifestement illégale » à une telle liberté par une personne morale de droit public ou personne de droit privé délégataire d'un service public de saisir en urgence le juge administratif.
- le référé "conservatoire » ou « mesures utiles » (art. L.521-3 du CJA), qui permet au justiciable de demander au juge de prendre « toute mesure utile », par exemple la conservation d'éléments pouvant ensuite recouvrir une importance capitale lors d'un recours contentieux, ou encore la « communication de documents » ;
- le référé « révision » (art. L.521-4 du CJA)[], qui permet de faire réviser une ordonnance prise en référé ;
- les référés « expertise » : référé « constat » (art. R.531-1 du CJA) et référé « instruction » (art. R.532-1 du CJA),
- le référé « provision » (art. R.541-1 à R.541-6 du CJA).
Et…
- le référé « suspension » (L.521-1 du code de justice administrative (CJA)).
Ce dernier référé est celui qui a été déposé par le camp marseillais.
Les conditions de recevabilité d’une requête en référé suspension
Il ne peut être engagé si deux conditions sont remplies :
1/ L’urgence
2/ l'existence « d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision »
Pour déposer une telle requête, il faut savoir que le requérant doit déposer au fond engager une requête en réformation ou en annulation, pour y adjoindre une demande de référé.
Les conditions étant réunies, le référé a donc logiquement été enregistré par le Tribunal Administratif de Marseille. Et pourquoi Marseille ? Tout simplement parce qu’en matière sportive, la compétence territoriale est celle du lieu du destinataire de la mesure : en l’occurrence, Marseille.
2. La portée de cette ordonnance de suspension : le désaveu de la décision de la commission d’organisation des compétitions de la LFP ?
Le référé suspension est donc un moyen de suspendre en urgence une décision administrative lorsqu’il existe un doute sérieux quant à sa légalité.
Nb. : sur la compétence de la juridiction administrative, cf. article : http://www.legavox.fr/blog/usport/aura-supporters-marseillais-parc-princes-3603.htm
Existait-il un doute sérieux quant à la légalité de cette décision ?
Une décision illégale sur la forme
Manifestement oui. Et c’est la raison pour laquelle elle avait déjà été annulée par la commission d’appel de la LFP. Comme il a été dit dans l’article précédent (http://www.legavox.fr/blog/usport/aura-supporters-marseillais-parc-princes-3603.htm), la décision rendue était manifestement entachée de vices de forme.
En d’autres termes, la procédure n’avait pas été respectée et les garanties fondamentales avaient été bafouées (principe du contradictoire,…).
Dans ces conditions, le Tribunal Administratif de Marseille ne pouvait que suspendre cette décision.
Ce qui est loin de nous donner un avis sur le fond de celle-ci. Était-elle légitime ? Était-elle nécessaire ? Était-elle juste ?
Une décision illégale sur le fond ?
En l’état, ce qui est démontré, c’est qu’il existe des indices sérieux mettant en doute sa légalité. Ce que nous savions déjà…
Mais cela veut il dire que la décision aurait été ou sera annulée par la suite ?
Ca, c’est moins sûr… en effet, si la forme d’une décision entraine son illégalité, l’annulation n’est pas pour autant prononcée.
Et pour cause, le juge administratif dispose d’un pouvoir de substitution. Ce pouvoir lui permet, en présence d’une décision illégale sur la forme, de lui substituer une autre décision qui sera, pour sa part, légale à condition que le motif à l’origine de cette décision ait été légitime et valable.
Pas de quoi s’alarmer finalement sur la condamnation de la justice de la décision rendue le 7 octobre dernier. Ce n’est qu’une confirmation de ce qu’avait déjà soulevé la commission d’appel de la LFP et ne signifie pas que la décision prise est illégale sur le fond.
Si une annulation venait à être prononcée sur le fond (sur la légalité interne de la décision), celle-ci devrait être motivée soit par un détournement de pouvoir de la LFP (par exemple que la décision soit prise pour délibérément nuire aux supporters marseillais), soit par une erreur sur l’exactitude matérielle des faits (que la décision repose sur des faits inexacts), soit par une erreur de droit ou encore par une erreur sur la qualification juridique des faits.
Une telle démonstration pourra s’avérer difficile devant le juge administratif. En tout état de cause, elle sera tardive.
Compte tenu de l’ampleur médiatique de ce dossier, l’issue risque fort de se tourner vers un arrangement entre les différents acteurs (OM et PSG) de nature à préserver, car c’est bien le cœur du dossier, la sécurité de tous, et celle bien évidemment des supporters marseillais.