Tout propriétaire d'un ordinateur personnel (Mac ou Pc) est familier du dossier "Mes documents", préinstallé sur toute nouvelle machine informatique. À l'intérieur de celui-ci, sont notamment présents les sous-dossiers "mes images", "ma musique", ou encore "mes vidéos".
Alors que les familles y retrouveront leurs photos de familles et autres bibliothèques ITunes, les professionnels auront tendance à y ranger les travaux effectués sur le lieu de travail. Et c'est bien là le problème : le salarié disposant d'un droit à la vie privée sur son lieu de travail, il peut être tenté de mélanger des fichiers personnels et professionnels dans ce dossier.
Depuis le célèbre arrêt Nikon (Cass.soc. 2 octobre 2001; 99-42942), les juges du Quai de l'Horloge estiment que l'employeur ne peut, sans méconnaître le respect du droit à la vie privée du salarié (garanti par l'article 8 de la CEDH), consulter un fichier informatique (courriel, dossier, fichier...) dès lors que celui-ci a reçue la dénomination "personnel" par le salarié. Cette qualification est une condition sine qua non à la limitation du pouvoir de contrôle et de surveillance de l'employeur sur ses salariés.
Aussi, qu'en est-il du dossier "Mes documents", qui, par son appellation et son contenu, laisse à penser qu'il a vocation à recueillir des documents personnels du salarié ? Doit-on considérer que l'adjectif possessif "mes" est suffisant à caractériser une dénomination personnelle, ou doit-on appliquer strictement la jurisprudence Nikon au terme de laquelle, sans qualification expresse (acte positif du salarié), point de limitation au pouvoir de contrôle de l'employeur ?
C'est à cette question que la chambre sociale de la Cour de cassation a eu l'occasion de répondre, dans son arrêt en date du 10 mai 2012. "La seule dénomination "mes documents" donnée à un fichier ne lui confère pas un caractère personnel".
Cette décision ne fait pas que se conformer à la jurisprudence antérieure (rappel de l'exigence d'une mention explicite et expresse), elle a donc manifestement le soucis de la préciser. La mention indiquant le caractère personnel d'un fichier doit résulter d'un acte positif du salarié, et ne peut se déduire d'une dénomination par défaut. Le contenu d'un disque dur de l'entreprise est présumé professionnel, ce qui signifie qu'aucun dossier, fichier ou courriel n'est personnel par essence.
Arrêt rendu le 10 mai 2012 (n°11-13884) par la Chambre sociale de la Cour de cassation. Mots clés : mes documents, vie privée, pouvoir de contrôle et de surveillance, employeur, fichier personnel.